Deux étudiants américains, Paxton et
Josh, ont décidé de découvrir l'Europe avec un maximum d'aventures et de
sensations fortes. Avec Oli, un Islandais qu'ils ont rencontré en
chemin, ils se retrouvent dans une petite ville de Slovaquie dans ce
qu'on leur a décrit comme le nirvana des vacances de débauche : une
propriété très spéciale, pleine de filles aussi belles que faciles...
Natalya et Svetlana sont effectivement très cools... un peu trop, même.
Paxton et Josh vont vite se rendre compte qu'ils sont tombés dans un
piège. Ce voyage-là va les conduire au bout de l'horreur...
Au
début des années 2000 le cinéma d'horreur se trouve dans une certaine
impasse, étant arrivé au bout sans jamais l'égaler de la tonalité
distanciée et référentielle du
Scream (1996) de Wes Craven. Le genre se radicalise donc de nouveau pour verser dans une horreur graphique et extrême qu'on qualifiera du terme de
torture porn. Le poisseux et très réussi remake de
Massacre à la tronçonneuse
(2003) signé Marcus Nispel amorcera cette tendance d'où sortira
finalement bien peu de bons films (Saw qui pour un premier volet
efficace débouchera sur des suites de plus en plus extrêmes et
ridicules, le prétentieux
Martyrs (2008) de Pascal Laugier). Le plus intéressant reste en fait le film qui lancera le mouvement avec ce
Hostel. C'est le deuxième film d'Eli Roth après un
Cabin Fever raté mais où l'on décelait déjà un certain talent à distiller le malaise.
Le
scénario prend un prétexte des plus retors pour insérer ses dérapages
de violences. En Europe de l'est, un mystérieux club piège des touristes
de passages qu'ils livrent à des nantis avides de sensations fortes qui
vont se faire un plaisir de les torturer jusqu'à ce que mort s'ensuive.
Le film promut sur cette idée forte déçu à sa sortie certains férus
d'horreur s'attendant à une débauche de sexe et d'hémoglobine, même si
avec le recul sa violence est plutôt difficile à encaisser.
Cela ne
s'exprime pas forcément et uniquement d'un point de vue graphique (
Hostel 2
(2007) sera beaucoup plus flamboyant sur la question) mais par la
thématique du film où on peut supposer l'influence du producteur Quentin
Tarantino avec des dérapages rigolard dont le malaise progressif
finissent par questionner (notamment son versant récent avec
Boulevard de la Mort (2007) et
Inglorious Basterds (2009)). Le film démarre donc comme un teen movie paillard façon
Eurotrip
(2004) où un trio de copains composé des deux américain Paxton (Jay
Hernandez) et Josh (Derek Richardson) accompagné de l'islandais Oli
(Eythor Gudjonsson) parcoure l'Europe dans un grand éclat de rire. Leur
but se résume à coucher avec un maximum de filles et l'Histoire et la
culture du vieux continent se résumera à la visite du Musée du chanvre à
Amsterdam.
Tous ne sont pas caractérisés dans cette même attitude
déplacée puisque Josh s'avère plus sensible et introverti que ses
compères mais finalement tous voient en l'Europe un terrain d'amusement
où les filles sont plus faciles, la drogue moins chère et où ils peuvent
tout se permettre. Des sortes de clichés d'américains arrogants arrivant partout
en terrain conquis, ce que Roth ne manque pas de souligner par diverses
situation anodines mais trouveront leur logique par la suite : tardive
et bruyante arrivée à leur hôtel dont l'ouverture leur est due, Paxton qui
regardera avec mépris la télévision diffusant
Pulp Fiction en slovaque
et sans sous-titres, la condescendance de Josh envers ses filles
européennes qui fument... Puisque l'Europe ne représente pas plus pour
eux, on va leur en offrir un cliché extrême lorsqu'ils seront conviés à
une auberge de jeunesse de Bratislava où les filles sont magnifiques et
folles des touristes, des américains qui plus est. L'arrivée ressemble
en tout point à ce fantasme avec deux charmantes créatures peu farouches
qui vont les séduire. Le piège peut alors se refermer.
Cette lente montée en puissance offre une magnifique transition du rêve (grotesque et beauf) vers le cauchemar, comme si
American Pie virait à
Delivrance.
Roth use d'ailleurs d'une construction proche des films d’horreurs ruraux pour
décrire la nature progressivement inhospitalière de ce pays étranger.
Le film fut de façon compréhensible accusé de racisme par une population
indignée de se voir ainsi dépeinte (l'intrigue se passe en Slovaquie
mais le film fut tourné en République Tchèque) mais Eli Roth ne
cherchait pas le réalisme.

Après le cliché de l'Europe dépravée que
recherchent nos touristes, c'est celui d'un vieux continent arriéré et
barbare qui doit lui répondre, typique de l'idée que s'en font des
américains presque jamais sortis de leur pays. C'est l'envers du miroir
que va découvrir Paxton livré à lui-même après la disparition de ses
amis avec ses bandes de très jeunes enfants menaçant, une police
corrompue et des jeunes filles au physique étrangement plus ternes après
une première nuit où elles ont piégées leur victimes. La tension
s'installe tandis que l'on traverse les ruelles désertes et inquiétantes
de Bratislava, avant que Paxton soit à son tour livré en pâture aux
tortionnaires.

Même s'il se garde bien d'affirmer tout propos
politique, le contexte du film est particulier avec un gouvernement
américain détesté depuis le lancement de la guerre en Irak contre
l'opinion du monde entier. Le mépris d'autrui et de son opinion peut
être ainsi symbolisé par la désinvolture de nos héros tandis que
l'hostilité du monde envers eux s'illustrera par la cruelle révélation
des tarifs de vente de la chair à torture, les américains étant les plus
chers. Tout peut se vendre et s'acheter (par nécessité ou pou le plaisir), le scénario ne s'arrêtant pas
au seul étranger dans cette idée puisque les richissimes clients sont
soit des symboles du capitalisme avec l'odieux homme d'affaire
hollandais (Jan Vlasák) au sadisme raffiné puis un américain pu jus dont
l'excitation à tourmenter l'autre est tout simplement répugnante. Une
fois ce contexte posé et le malaise à son comble, Roth peut enfin se
laisser aller aux débordements sanglants.

Le savant équilibre en hors
champs glaçant et écart gore insoutenable (pauvre touriste japonaise qui
va finir défigurée) se fait dans une imagerie glauque jouant aussi du
cliché avec une Slovaquie uniquement composée de terrain vague
désaffectés et de souterrains sombre et humides, le réalisme cru
alternant avec des élans gothiques inattendus (l'ouverture froide où un tortionnaire nettoie ses instrument
).
Cette ambiance oppressante n'empêche pas Roth de faire preuve d'un
surprenant humour noir comme la mort stupide de ce tortionnaire glissant
sur des doigts coupés pour s'empaler sur sa tronçonneuse en marche.
Roth renvoie finalement chacun dos à dos avec un final vengeur et ambigu
où la rage se mêle au plaisir dans la revanche du survivant qui a dans
cette expérience douloureuse pris le gout du sang et n'hésitera pas à se
faire brutalement justice plutôt que d'avertir les autorités. Un des
meilleurs films d'horreur des années 2000, plus malin qu'il n'en a l'air
et qui évite avec brio le piège de la surenchère tout en mettant le
spectateur dans une position désagréable.
Hostel 2
(2007) plutôt réussi perdra cependant l'effet de surprise et la retenue
habile du premier volet pour un résultat plus excessif mais moins
intéressant (pas vu
Hostel 3 (2011)que ne signe pas Roth et qui n'a pas très bonne réputation).
Sorti en dvd zone 2 chez Sony