Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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lundi 15 février 2016

Les Cavaliers - The Horse Soldiers, John Ford (1959)

En pleine guerre de Sécession, le colonel Marlowe et son détachement de cavalerie nordiste se lancent dans un raid de sabotage en territoire ennemi. Durant le voyage, Marlowe s'oppose régulièrement au médecin militaire. Dans un périple, ils sont obligés d'emmener avec eux une aristocrate sudiste qui pourrait menacer le succès de la mission. Un autre antagonisme naît entre Marlowe et la Sudiste. Après maintes péripéties, ils arrivent à saboter la principale voie ferrée, à brûler train et coton. Poursuivis par les Sudistes, ils font tout pour leur échapper...

Les Cavaliers constitue une sorte de chaînon à la fois isolé et pouvant tout à fait s'ajouter à la célèbre trilogie de la cavalerie (Le Massacre de Fort Apache (1948), La Charge héroïque (1949) et Rio Grande (1950)). Ce qui l'en détache, c'est l'absence de continuité avec un John Wayne incarnant un tout autre personnage que le Kirby York dont on suivait la carrière militaire tout au long de la trilogie et surtout la période qui traite de la Guerre de Sécession. Grand connaisseur du conflit, Ford aura longtemps caressé le dessein de signer un film évoquant le sujet et ce n'est qu'en fin de carrière qu'il en aura l'occasion avec Les Cavaliers. Malheureusement, un tournage tumultueux (où il fut marqué par la mort accidentelle de son ami cascadeur et collaborateur de longue date Fred Kennedy) et un échec commercial en fera un opus peu estimé par Ford et la critique d'alors. Un constat assez injuste tant le film s'avère un opus passionnant et à la hauteur de la trilogie de la cavalerie dont il partage l'humanisme et le regard contrasté sur l'uniforme.

Le scénario de John Lee Mahin et Martin Rackin transpose les hauts faits du colonel H. Grierson qui en 1863 mena une brigade derrière les lignes ennemies, afin de détruire le maximum de matériel et de moyens de transport et de susciter une diversion aux manœuvres d'envergure du Général Grant sur d'autres fronts. John Wayne incarne dont le personnage renommé colonel Marlowe et le début du film nous le montre se faire confier cette périlleuse mission. La dureté nécessaire à mener à bien pareil périple transparait immédiatement à travers les attitudes du personnage, renforcées lors qu'on inclut à son régiment le Major Hank Kendall (William Holden), médecin militaire qui constitue son exact contraire. Au pragmatisme militaire rigoureux de Marlowe s'oppose donc constamment l'humanisme détaché de l'enjeu de Kendall et ce dès les préparatifs où Marlowe s'arrangerait volontiers d'emmener ses hommes de confiance quel que soit leurs santé quant Kendall s'y opposera. Une différence qui se confirmera dès la première anicroche sur le terrain lorsque Kendall quittera ses blessés pour aider une femme noire à accoucher, un ralentissement impensable pour Marlowe.

Alors que l'on s'attend à cette opposition binaire tout au long du récit, le scénario va s'avérer bien plus subtil. L'ajout forcé de Hannah Hunter (Constance Towers) à la compagnie va ainsi bouleverser le rapport de force. Celle-ci incarne au départ une sorte de cliché de la South Belle, tout à la fois par ses manières précieuses forcées et surtout sa haine farouche des yankees nordistes. Forcé d'enlever cette teigne toute prête à les trahir, Marlowe est forcé d'atténuer sa rudesse au contact de cette présence féminine même s'il lui en fera voir de toutes les couleurs lors de divers moments comiques. Si Kendall s'amuse de cette dame encombrante, Marlowe se montrera plus gêné et emprunté face à une Hannah constamment haine et indignée. Ford tisse ses différences qu'il illustre d'abord dans des péripéties sans conséquences où le regard des uns sur les autres sera progressivement changeant, Hannah étant surprise par l'attitude roublarde et digne à la fois de Marlowe face à deux déserteurs sudistes.

Dès lors durant des vrais moments de tension les déchirements n'en seront que plus intenses avec notamment un combat homérique et sanglant dans la ville de New Station. Les conséquences dramatiques du carnage marquent tout autant Hannah découvrant les horreurs de la guerre que Marlowe qui sous la nécessité de la manœuvre souffre du bain de sang qu'elle a nécessité. C'est un moment poignant où les personnages échappent à leurs camp respectif, Hannah brisée mais consciente que les conséquences auraient été tout aussi dramatique en cas de victoire sudiste et Marlowe ayant le triomphe amer et fendant l'armure avec une confession touchante.

Ford parvient donc tout autant à célébrer les valeurs de l'Union que le panache du sud (l'attitude des soldats sudistes feignant la reddition avant l'arrivée des troupes à New Station) tout en en dénonçant les travers. L'attitude obtuse puis digne dans la défaite d'un ancien compagnon d'arme de Kendall laisse ainsi un sentiment ambigu quant à la fierté sudiste qui laisse admiratif tout en interrogeant sur son fanatisme. On aura la même interrogation durant l'attaque des cadets d'une école militaire sudiste, des enfants envoyés dans une attaque désespérée où l'humanisme de Marlowe les sauvera en préférant battre en retraite plutôt que de décimer ces soldats en culottes courtes mais bel et bien armés.

Ford offre toutes les variantes possibles à ses morceaux de bravoures dont la mise en scène se plie tout à la fois à l'émotion du moment qu'aux contingences de la mission en cours. On a ainsi un vrai film d'aventures où l'on savourera l'habile montée de suspense et une magistrale gestion de l'espace quand l'instinct et la rigueur de Marlowe qui agence dans l'urgence ses soldats de manière stratégique alors qu'un ennemi inattendu déferle lors de la bataille de New Station. A l'inverse une certaine poésie et une dimension épique nimbe l'assaut des jeunes cadets, l'avancée des frêles silhouettes étant magistralement filmée par Ford dans un saisissant plan d'ensemble sur la plaine.

Enfin, le caractère héroïque peut enfin s'affirmer lors d'un superbe final désespéré. L'arrivée de la cavalerie initialement prévue au scénario est annulée avec le décès de Fred Kennedy et Ford offrira une bataille finale plus modeste (peut-être pas totalement crédible tant nos héros semble acculé), brutale et où l'humain prend le pas sur le spectaculaire dans l'expression de l'héroïsme avec un John Wayne fabuleux de charisme lors de l'ultime assaut. De même cette dernière scène où il traverse au galop un pont qui explose en arrière-plan est tout simplement somptueuse de puissance évocatrice.

Wayne est grandiose, viril et subtilement vulnérable et les échanges avec Constance Towers se font moins disert au fil de leur compréhension et sentiment mutuel pour finalement tout faire passer par le regard (la scène où elle le soigne dans la cabane) même si Marlowe se fend d'un aveux touchant et maladroit lors des adieux. William Holden apporte l'unité et le détachement humaniste paisible quand les deux autres protagonistes devront apprendre à se délester de l'idéologie pour se rapprocher. Une vraie belle réussite de Ford trop mésestimée.

Sorti en dvd zone 2 français et bluray chez MGM 

vendredi 12 février 2016

Fargo - Joel et Ethan Coen (1996)

En plein hiver, Jerry Lundegaard, un vendeur de voitures d'occasion à Minneapolis, a besoin d'un prêt de Wade Gustafson, son riche beau-père. Endetté jusqu'au cou, il fait appel à Carl Showalter et Gaear Grimsrud, deux malfrats, pour qu'ils enlèvent son épouse Jean. Il pourra ainsi partager avec les ravisseurs la rançon que Wade paiera pour la libération de sa fille. Mais les choses ne vont pas se dérouler comme prévu.

Sixième film des frères Coen, Fargo est une de leurs œuvres les plus célébrées et personnelles. En intégrant à leur scénario la fausse information comme quoi la trame serait inspirée d’un fait divers réel (ne révélant la vérité qu’au détour d’une question d’un des acteurs durant le tournage, et n’éventant l’information que durant le générique du film pour le spectateur) les Coen amènent une tonalité qui prolonge et détache à la fois le film de leurs essais précédents. Les quidams ordinaires embarqués dans une spirale criminelle implacable fait de poisse et d’incompréhension rappelleront bien évidement Sang pour sang (1984), leur magistral galop d’essai. Enfin l’excentricité et le caractère doux-dingue des protagonistes lorgne également sur le cartoonesque Arizona Junior (1987). Fargo se déleste pourtant du marqueur du film noir du premier tout comme de la loufoquerie du second pour dépeindre une comédie humaine sanglante. Le cadre de leur Minnesota natal est si minutieusement scruté que le film offre un fascinant entre-deux entre sécheresse narrative et riches études de caractères.

Le Minnesota et le Dakota du nord voisin où se déroule l’intrigue constituent le berceau d’une certaine Amérique simple, rurale et authentique. C’est un environnement apaisé où le mal-être et la violence doivent se dissimuler sous un vernis de politesse et de bonhomie constante. Fargo évoque tout à la fois les gens paisible qui s’en accommode sans perdre de leur lucidité quant au mal tapis sous la douceur aseptisée (la policière Marge Gunderson jouée par Frances McDormand ), des ratés rongés par ce poids des apparences (William H. Macy) et des vrais être malfaisants cédant à leurs bas-instincts avec le duo Steve Buscemi/Peter Stormare. 

Ce cadre hivernal rude et sa blancheur enneigée clinique possèdent une dimension étouffante qui ne peut qu’éveiller des traits de caractères extrême, dans une certaine forme d’engourdissement intellectuel pouvant susciter le sourire (les attitudes mimétiques et ahuries des deux amantes d’un soir des criminels que va interroger Frances McDormand), la pitié ou l’horreur. La scène où Frances McDormand rencontre un ami perdu de vue à Minneapolis par sa gêne étrange (confirmé par les révélations qui suivront) est donc tout sauf anodine et exprime une forme de malaise, dépression et violence latente que peut aviver cette Amérique si tranquille - le beau-père pingre et prompt à user des armes en est un autre exemple.

Toutes les explosions de violence naîtront donc d’une frustration, l’insatisfaction d’une existence sans but ni saveur trouvant son reflet dans le paysage hivernal immaculé. Jerry Lundegaard (William H. Macy tout en regard de chien battu), oppressé et méprisé par tous trouve ainsi la pire solution pour se sortir de ses problèmes en faisant kidnapper sa propre femme. Cette frustration est évacuée de manière bien lus brute et gratuite par les deux kidnappeurs, témoignant de leur stupidité. Un glaçant crime nocturne vient souligner le caractère imprévisible d’un mutique Peter Stormare tandis que l’agression verbale constante puis là aussi le vrai crime le confirmera pour Steve Buscemi. Parallèlement les rapports tendre entre Frances McDormand et son époux (John Carroll Lynch) amènent une respiration qui montre un ailleurs possible plus équilibré si l’on daigne se satisfaire de son existence. 

La bascule vers des penchants négatifs ne reposera pas sur une quelconque dérive sociale chez les Coen (les nantis comme les démunis étant tout aussi aptes à courir à leur perte) mais plutôt comme souvent avec eux un regard lucide sur les dérives possibles de la nature humaine. Nous ne sommes pourtant pas dans l’extrême noirceur ou l’ironie mordante dont ils sont capables, nous laissant atterrés sans totalement nous autoriser à rire, nous horrifiant sans complètement prendre tout cela au sérieux. On touche à un fascinant équilibre idéalement saisi par le superbe score de Carter Burwell qui pose à la fois émotion et distance contemplative sur le drame en marche. Une réussite exceptionnelle qui leur vaudra un accueil critique triomphal couronné par Prix de la mise en scène à Cannes en 1996 et les Oscars de la meilleure actrice (Frances McDormand) et du meilleur scénario original en 1997.

Sorti en dvd zone 2 français et bluray chez MGM 

 

mercredi 10 février 2016

Le Cri du sorcier - The Shout, Jerzy Skolimowski (1978)


Au cours d'un match de cricket qui se déroule dans une institution psychiatrique, l'écrivain Robert Graves fait la connaissance de Charles Crossley, un pensionnaire étrange présenté comme très intelligent. Alors qu'ils sont tous les deux dans une cabane à compter les points de la partie, Crossley entreprend de lui raconter son histoire. Grand marcheur, il dit avoir voyagé pendant dix-huit ans en Australie où il apprit la magie d'un sorcier aborigène et acquit un pouvoir terrible, le cri de terreur qui provoque une mort instantanée.

Troisième film britannique de Jerzy Skolimowski, Le Cri du sorcier est une œuvre fascinante entremêlant la singularité polonaise du réalisateur (formé à l'École nationale de cinéma de Łódź aux côté d’Andrzej Wajda et Roman Polanski pour lequel il écrira Le Couteau dans l’eau (1962) avant de lui emprunter le pas en Angleterre) et imagerie typiquement anglaise imprégnée d’une terreur plus universelle. Le film est une adaptation d’une nouvelle de Robert Graves dans laquelle Skolimowski trouve matière à exploiter son thème de l’absence de communication, au cœur de son film le plus connu, la romance adolescente Deep End (1967).

Le film joue à plusieurs niveaux sur la notion de mensonge et de croyance. Ce sera d’abord à travers la narration avec ce récit en flashback où le temps d’une partie de cricket dans un asile psychiatrique, Crossley (Alan Bates) l’un des patients, narre son histoire folle à un auditeur (Tim Curry) curieux. Vagabond mystérieux, il s’immisce dans l’intimité du couple formé par Rachel (Susannah York) et Anthony Fielding (John Hurt). Ne sachant par quel bout prendre l’inconnu, les Fielding laisse malgré eux Crossley poser son emprise sur leur volonté. Le cadre rural paisible jure avec la silhouette ténébreuse de Crossley qui fascine Anthony tout en mettant Rachel mal à l’aise. Son passé étrange en Australie où il aurait passé dix-huit ans et appris la magie noire attise la curiosité d’Anthony, d’autant plus pour ce musicien expérimental lorsque Crossley lui révèle avoir appris un cri maléfique propre à tuer tout auditeur malheureux alentour. 

Cette question de mensonge et de croyance s’exprime donc à la fois par la notion de point de vue mais aussi de la présence inquiétante de Crossley dont l’attitude évoque autant la folie que de réelles aptitudes surnaturelles. Skolimowski trouble nos repères par une narration dilatée dont le montage expérimental rappelle le travail de Nicolas Roeg (on pense à Walkabout (1971) et Ne vous retournez pas (1973) notamment). Des inserts révèlent des éléments de décors, d’objets, des embryons de rebondissements où l’on hésite entre hallucinations, cauchemar et vrais flashforwards qui dessinent les contours d’un piège absolument diabolique. Le Cri du sorcier est tout à la fois un triangle amoureux oppressant qu’un récit de soumission et d’addiction amoureuse et érotique. Crossley est un prédateur qui devinant le quotidien terne du couple va poser progressivement les jalons d’une machination implacable.

Une fois le film terminé la trame parait assez limpide et c’est bien l’étrangeté instaurée par Skolimowski qui fait toute la force du film. Le passé australien de Crossley (le meurtre de ses enfants et les coutumes de mariages aborigènes) laissent peu à peu deviner ses objectifs et les apartés les plus déroutants prendront sens de façon inéluctable non sans nous avoir glacé le sang le temps de quelques séquences mémorables comme la démonstration de force où Crossley use du cri. Les transitions bizarres et la mise en scène tout à la fois flottante et précise du réalisateur contribue à la perte de repères, renforcé par la mise planante et expérimentale de Mike Rutherford.

Skolimowski ne signe pas une œuvre hermétique mais fait néanmoins confiance à l’intelligence du spectateur en n’explicitant rien tout en semant les indices par la seule image, notamment l’usage de reproduction de tableaux de Francis Bacon dont un est « rejoué » par Susanna York pour nous faire comprendre à quel point son corps et son esprit son désormais assujettis. Les acteurs sont tous formidables : John Hurt joue de son physique malingre pour montrer à quel point sa volonté est écrasée par la détermination (magique ou psychologique) d’un Alan Bates taiseux et magnétique. Susannah York incarne à elle seul le basculement du film, ménagère ordinaire et méfiante qui s’érotise peu à peu en expression d’un sortilège amoureux ou magique où le regard se trouble, le corps se dénude et l’attitude se fait provocante.

L’ambiguïté demeure jusqu’au bout, le flashback comportant ses zones d’ombres (Crossley avouant dès le départ agencer les évènements à sa guise) et le présent semant le doute (les interférences de la partie de cricket provoquées ou pas par Crossley) jusqu’à un terrifiant final où l’on ne sait s’il est dû au forces de la nature ou aux forces occultes avec l’ultime manifestation du cri. Une chose sûre cependant avec la dernière scène, ce désir violent nous aura emmenés aux confins d’une folie maladive.

Sorti en dvd zone 2 et bluray chez Elephant 

mardi 9 février 2016

Panique dans la rue - Panic in the Streets, Elia Kazan (1950)

Kochak, un émigré venant d'arriver clandestinement par bateau à la Nouvelle-Orléans, est assassiné par ses partenaires de poker alors qu'il venait d'empocher la mise et souhaitait se retirer, ne se sentant pas bien. Le lendemain, la police découvre son corps. L'affaire, d'apparence banale, prend des proportions inattendues lorsque l'autopsie révèle qu'il était atteint de la peste pulmonaire (pneumonique). Le Dr Reed, représentant du service sanitaire, et le capitaine Warren vont effectuer une course contre la montre pour retrouver les personnes ayant pu être en contact avec Kochak, en particulier ses assassins, avant que l'épidémie devienne incontrôlable...

Les premiers films d'Elia Kazan comportaient déjà de belles réussites dans le registre du mélodrame avec les superbes Le Lys de Brooklyn (1945), Le Mur invisible (1947 et qui lui vaudra l'Oscar du meilleur réalisateur) et L'Héritage de la chair (1949). Cependant ces films s'inscrivaient dans un certain classicisme bien éloigné de ses expérimentations au théâtre et bien sûr de sa filmographie à venir. Panique dans la rue sera le film de l'émancipation où il trouvera vraiment son style. Le postulat est très original pour un film noir avec cette épidémie de peste répandue dans les bas-fonds de la Nouvelle-Orléans et qu'un médecin du service sanitaire (Richard Widmark) et un policier (Paul Douglas) vont tenter d'empêcher de s'étendre. Cela autorise un donc une approche entre atmosphères typique du genre (voir la poursuite et le meurtre brutal en ouverture où l'on passe d'une salle de jeu mal famée à une ruelle plongée dans les ténèbres) et un style documentaire typique de la Fox.

Kazan n'invente d'ailleurs pas cette veine au sein du studio (qui est plutôt tributaire de Henry Hathaway) mais se l'approprie à sa manière. En plus de filmer admirablement des environnements réels, il y plonge son casting sans filet entouré d'autochtones, la vie et l'énergie des séquences (l'interrogatoire à la gare, les trognes de travailleurs fatigués que l'on croise dans les bars miteux) se conjuguant au réalisme du décor. A cela s'ajoute un style fluide mêlant sobre virtuosité avec l'usage du plan-séquence et une approche sur le vif conférant une urgence où l'acteur dispose d'une plus grande liberté de mouvement, où une plus grande part est laissée à l'improvisation (même si on sent encore un certain contrôle par rapport à ce qu'on verra dans les films à venir). Dès lors la ville constitue autant un nid de dangers imprévisibles qu'un vrai terrain de jeu aux environnements variés (la cinégénie de La Nouvelle Orléans aidant) qui culmine lors de l'haletante poursuite finale entre immeubles insalubres, hangar et docks.

Le duo formé par Paul Douglas et Richard Widmark témoigne d'une remarquable écriture par l'efficacité d'un antagonisme cédant au respect puis à la possible amitié. Widmark déjà devenu star laisse la place du psychopathe à un débutant nommé Jack Palance qui crève l'écran avec ce premier rôle au cinéma. L'allure de colosse, le vice véhiculé par ce visage anguleux et marqué et les explosions de violences dérangeantes (la manière dont il malmène un acolyte fiévreux sur la fin) en font une menace sacrément intimidante.

Une belle réussite donc pour un Kazan nouvelle manière qui suscitera après coup des interprétations contradictoires avec selon les points de vue une peste parabole du Maccarthysme (car synonyme de méfiance et suspicion envers son voisin contaminé) ou du communisme (le virus apporté et propagé par des migrants aux noms à consonance étrangères).

Sorti en dvd zone 2 français chez Carlotta 

lundi 8 février 2016

Comme la lune - Joël Séria (1977)

Roger Pouplard, (Jean-Pierre Marielle) la quarantaine, bel homme, mais esbroufeur et jaloux a quitté femme et enfant pour vivre avec Nadia (Sophie Daumier) une jeune femme riche et super sexy. Il vit cependant un peu mal cette situation et tente une rencontre entre sa femme et sa maîtresse autour de la table de ses parents. La rencontre vire au drame et au pugilat entre les deux femmes. Nadia prend le volant, rentre et boude. Pour la calmer Roger lui promet de l'emmener à Deauville, là il rencontre Chanteau (Marco Perrin), un vieux copain accompagné d'Yvette, sa secrétaire (Dominique Lavanant).

Deux ans après le succès des Galettes de Pont-Aven (1975), Joël Séria (qui entretemps avait signé le déroutant Marie-poupée (1976)) se retrouvaient avec ce Comme la lune qui constitue une variation passionnante et hilarante de leur film culte. Comme la lune reprend une partie du postulat des Galettes de Pont-Aven avec de nouveau un quarantenaire quittant vie de famille terne pour une jeune femme sexy et portée sur la chose. Seul grosse différence, les aspirations libertaires qui causaient le départ du héros de Pont-Aven sont ici remplacées par une pure motivation libidineuse et matérielle pour Roger Pouplard (Jean-Pierre Marielle). La fibre artistique du personnage de Pont-Aven donnait une poésie et une sensibilité qui ne s’estompait jamais même dans ses élans les plus paillards telles ces envolées sur les postérieurs féminins.

Rien de tout cela ici avec le beauf magnifique qu’est Pouplard, profitant avec autant de voracité des formes généreuses de sa riche maîtresse Nadia (Sophie Daumier) que des luxueux cadeaux et du cadre de vie qu’elle lui offre. Il se vante d’ailleurs avec un m’as-tu vu vulgaire équivalent de sa voiture, de ses costumes criards que de cette compagne sexy, savourant les regards concupiscents des autres hommes. On rit donc souvent des facéties d’un Jean-Pierre Marielle en faisant des tonnes dans les poses fortiches et les tirades machistes, maladroit même quand il semble montrer un semblant de sensibilité en organisant l’improbable rencontre entre sa maîtresse et son ex-femme (qui finira naturellement en pugilat).

Joël Séria nous montre un rêve libertaire baba cool qui semble avoir basculé vers le capitalisme, le sexe et la vie de luxe abordés dans une logique consumériste ayant remplacé les rêves d’amour et de peinture des Galettes de Pont-Aven. Sous les francs éclats de rire, le constat aurait donc plutôt tendance à être amer après la mélancolie douce du précédent film.

Pourtant dans la dernière partie une vraie émotion daigne enfin se dévoiler, là encore en reprenant la structure des Galettes de Pont-Aven où le ton rigolard disparaissait lorsque le héros était quitté. Le bling-bling et le sentiment de possession machiste est poussé à son paroxysme jusqu’à ce que Pouplard perde tout pour plus nanti que lui. Livré à lui-même en compagnie d’une autre malheureuse en amour Yvette (Dominique Lavanant) il va comprendre l’aveuglement  où il avait sombré. Marielle par sa bonhomie avait réussi à rendre son personnage plus risible que détestable et ainsi mis à nu s’avère réellement touchant. Dominique Lavanant en vieille fille malmenée par les hommes amène aussi une belle émotion, Séria filmant leur rapprochement avec une délicatesse aux antipodes de la frénésie grotesque des ébats entre Marielle et Sophie Daumier. 

Un habile parallèle final en flashback où Pouplard se trouve confronté à la même situation que son adultère initial laissera même clairement entendre que notre héros a changé. Conscient qu’un monde sépare déjà l’univers de Comme la lune et Les Galettes de Pont-Aven (la Bretagne champêtre et la Normandie flambeuse) et que la société se transforme, Joël Séria conclut d’ailleurs le récit sur une note ambiguë loin de l’idéalisme de Pont-Aven. Pouplard semble retrouver de sa forfanterie et Yvette fait les yeux doux à un jeune éphèbe, le règne de la frime 80’s et de la quête du clinquant s’annonce dans cette fin ouverte. Une œuvre qui vaut bien plus que ses atours volontairement grossiers.

Sorti en dvd zone 2 français chez Réné Chateau, une meilleure édition existait dans un coffre Joël Séria édité par Studiocanal mais est aujourd'hui épuisé.

Extrait 

dimanche 7 février 2016

Les Galettes de Pont-Aven - Joël Séria (1975)

Henri Serin (Jean-Pierre Marielle), un représentant en parapluies, de Saumur, mène une vie tranquille entre son travail, sa famille et sa peinture. Henri s'octroie, durant ses nombreux déplacements professionnels, quelques frasques amoureuses qui le changent du quotidien lassant dans lequel sa femme puritaine l'enferme. Un beau jour, Henri décide de tout laisser tomber pour vivre d'amour et d'eau fraîche. Il échoue à Pont-Aven et fait la connaissance d'Émile (Bernard Fresson), un peintre local fort en gueule et pervers…

Après une collaboration fructueuse sur Charlie et ses deux nénettes (1973), le réalisateur Joël Séria souhaite retrouver Jean-Pierre Marielle et lui écrire un rôle plus profond. Le souvenir de son père représentant de commerce, sa connaissance des atmosphères provinciales et ses velléités libertaires inspireront donc à Séria la trame très originale des Galettes de Pont-Aven. Séria avait provoqué un immense scandale avec son premier film Mais ne nous délivrez pas du mal (1970), interdit à sa sortie et après lequel le réalisateur maquillerait son regard cinglant sur la société (et notamment sur la religion dont fut imprégnée son éducation) dans un contour plus truculent mais non moins provocateur, dans la veine des Valseuses (1974) de Bertrand Blier.

D’ailleurs si Les Valseuses était emblématique de la jeunesse française post Mai 68, Les Galettes de Pont-Aven offre les mêmes questionnements pour les quarantenaires. La jeunesse des 70’s aspirait à un ailleurs éloigné d’une existence conformiste toute tracée et Séria dépeint lui comment les adultes souhaitent eux aussi à échapper à une vie réelle où ils sont déjà engoncés. C’est le cas d’Henri Serin (Jean-Pierre Marielle), fuyant un quotidien morne à travers les pérégrinations de sa profession de représentant en parapluie. La froideur de son foyer, les frustrations sexuelles dues à une épouse coincée et les aspirations artistiques (il est peintre amateur) se résolvent tant bien que mal durant les tournées. 

La gouaille et la présence chaleureuse du vendeur lui valent les faveurs (extraordinaire tension puis explosion érotique amusée lors de la scène avec Andréa Férreol) ou du moins l’envie (la bigote Martine Ferrière l’observant à son insu dans l’intimité de sa chambre) des femmes esseulées - on sent la crainte et l’excitation de la ménagère qu’incarne Andréa Férreol de transgresser l’interdit - de cette province terne, tandis que ses portraits peints lui permettent d’amadouer les client(e)s et de s’adonner modestement à son art. La première partie du film offre ainsi un roadmovie haut en couleur fait de rencontres délirantes et d’aventures sexuelles inattendues. Jean-Pierre Marielle est fabuleux pour exprimer le côté tourmenté et avenant du personnage, tenant merveilleusement l’équilibre rabelaisien mais jamais vulgaire du film dans ses envolées lorsqu’il se trouve face à un postérieur féminin généreux.

Lorsque l’ennui provincial se confond réellement avec une vulgarité monstrueuse, cela donnera la rencontre avec le double maléfique que représente le personnage de Bernard Fresson, également peintre et obsédé sexuelle. Ce qui faisait le charme des coucheries de Serin prend un tour sordide fait de perversité, Fresson lâchant les répliques machistes à la pelle quand une vraie poésie se dégageait du phrasé exalté et sexué de notre héros. Toi tu sens la pisse, pas l’eau bénite ! Pour Serin ce sexe sur la route est une libération quand pour Fresson ce refuge à l’ennui est surtout une soumission de la gent féminine qui en fait un être méprisable. Le film bascule ainsi quand Serin va se retrouver coincé dans « la cité des peintres », Pont-Aven où a notamment vécu Gauguin. Serin croit trouver l’amour et l’épanouissement artistiques pour lesquels il va tout quitter mais va tomber de haut. 

Après le ton nonchalant et bienveillant de la première partie, Séria alterne les hauts enflammés (Serin amoureux qui lâche ses répliques les plus exaltées sur les fessiers féminins, les superbes scènes romantiques en bord de mer) et les très bas pour son héros sombrant définitivement dans la dépression et l’alcoolisme. Le sordide (la seconde rencontre avec Bernard Fresson), le grotesque (Dominique Lavanant en prostituée portant le costume traditionnel breton et se payant un accent tordant) et l’espoir s’alterne donc au fil du chemin de croix désormais sans but d’un Serin ayant perdu travail, famille et inspiration pour la peinture. La candeur, bienveillance, beauté et bien sûr le fessier ferme et charnu de la douce Marie (Jeanne Goupil épouse, actrice fétiche de Joël Seria et à qui l’on doit les peintures de Serin du film) vont pourtant faire renaître peu à peu Serin. 

Séria trouve définitivement en Marielle l’interprète idéal à sa philosophie, pathétiquement drôle dans son alcoolisme désespéré, hilarant dans l’expression de son moral et sa vigueur retrouvée (ce Je bande ! scandé avec les yeux émerveillés d’un miraculé) et constamment touchant dans ce drôle de parcours initiatique. Tout ce qui aurait pu rendre certains moments douteux avec un autre interprète devient naturel avec la bonhomie et la vulnérabilité que dégage l’acteur, faisant naturellement comprendre que cette jeune fille en tombe amoureuse et lui cède. Même hors du contexte de la sexualité plus détendue des 70’s, la romance est limpide et magnifiée par la beauté virginale de Jeanne Goupil. Joël Seria signera là son film le plus populaire (qui masque un peu une filmographie très intéressante par ailleurs) avec un grand succès en salle et une aura culte au fil des rediffusions télés. Nom de Dieu de bordel de merde !

 Sorti en dvd zone 2 français chez Studiocanal

 

vendredi 5 février 2016

Microbe et Gasoil - Michel Gondry (2015)

Les aventures débridées de deux ados un peu à la marge : le petit "Microbe" et l'inventif "Gasoil". Alors que les grandes vacances approchent, les deux amis n'ont aucune envie de passer deux mois avec leur famille. A l'aide d'un moteur de tondeuse et de planches de bois, ils décident donc de fabriquer leur propre "voiture" et de partir à l'aventure sur les routes de France...

 Après le budget imposant et la lourde logistique de L’écume des jours (2013), Michel Gondry a envie de s’attaquer à un sujet plus modeste et personnel. Ce sera donc Microbe et Gasoil où il explore à nouveau le monde de l’adolescence après le formidable The We and the I (2012). Ce film avait été une des plus belles réussites du réalisateur, sorte de Breakfast Club (1984) revisité avec l’urgence, la gouaille et l’esthétique rattachée à la génération Facebook/Instagram tout en véhiculant une émotion à fleur de peau des plus marquantes. Microbe et Gasoil tout en explorant des thèmes voisin s’attache à des souvenirs plus autobiographiques pour Michel Gondry. Jeune adolescent versaillais rêveur, il était décalé par rapport à un environnement lycéen strict et bourgeois par son attitude et une allure héritée de sa famille hippie avec ses cheveux long. Il s’était lié d’amitié avec un camarade bricoleur, excentrique et tout aussi à la marge que lui et avec lequel ils avaient entretenu la folle idée de construire un véhicule pour se balader à leur guise. Ce projet jamais réalisé va se concrétiser par la fiction bien des années plus tard.

Daniel « Microbe » (Ange Dargent) incarne ainsi un double de Gondry en adolescent chétif, féru de dessin et vexé d’être encore trop souvent pris pour une fille. Il est partagé entre une volonté de se fondre dans le conformisme de ses camarades et entretenir sa singularité qui lui attire l’amitié mais guère plus de celle dont il est éperdument amoureux, Laura (Diane Besnier). Ce genre de doute ne semble guère embarrasser Théo « Gasoil » (Théophile Baquet), assumant fièrement son originalité avec son look improbable, son humour décalé, ses inventions et mains enduites de cambouis qui lui valent son fameux surnom. Gondry capture à merveille l’amitié naissante de ses deux personnalités attachantes et ne sombre jamais dans le cliché dans le rapport à leur environnement.

La sensibilité de Microbe le rend à part sans en faire non plus une victime de brimades et l’excentricité de Gasoil aura beau susciter la moquerie, son sens de la répartie et son indifférence au regard des autres le rend intouchable. Néanmoins cet univers étriqué auquel s’ajoute des situations familiales complexes (une mère dépressive et trop aimante (Audrey Tautou) férue de new age pour Microbe et un milieu modeste et sévère pour Gasoil) bride la folle imagination du duo. Qu’à cela ne tienne, après avoir mis la main sur un moteur de tondeuse ils décident de fabriquer un véhicule pour parcourir les routes de France. De l’extérieur, la « voiture » aura le camouflage d’une baraque en bois et après une fabrication de bric et de broc ainsi que les mensonges d’usages aux parents, l’aventure peut commencer.

De ses clips à ses films de cinéma, l’imagination aura toujours revêtue les atours d’une esthétique bricolée, rapiécée et d’une naïveté rattachée à l’enfance. Cela pourrait entremêler l’imagerie et le sujet du film (Eternal Sunshine of Spotless Mind (2004) et son voyage à travers la mémoire), donner un contour ludique à un sentiment douloureux (le magnifique La Science des rêves (2006) et sa romance non réciproque) ou être carrément la raison d’être du film avec le cultissime Soyez sympa, rembobinez (2007) et ses classiques du cinéma reconstitués. Sans donner dans le rétro (le film se place clairement de nos jours), le film tourne le dos à la modernité avec ses deux héros dont l’imaginaire est d’autant plus stimulé qu’ils se désintéressent des futilités « technologiques » de leur camarades, notamment par un rebondissement surprenant et osé qui nous débarrasse du téléphone portable d’emblée. On ne pourra accuser Gondry de passéisme tant ses outils étaient au cœur du fonctionnement des ados de The We and the I et c’est simplement que ce n’était pas le sujet ici.

Les personnages sont d’un naturel confondant et attachant de bout en bout. Réflexions décalées et adultes alternent avec préoccupations plus futiles et typiques de cet âge où l’on se cherche encore - l'ironie et la maturité des ados d'aujourd'hui se dispute souvent à l'innocence d'un Diabolo Menthe (1977). Microbe est donc constamment complexé par sa taille, sa coupe de cheveux et ses premiers émois érotiques, rêvant tout en craignant de son fondre dans la masse d’être influençable et sans personnalité. L’assurance et la gouaille de Gasoil sont autant une protection qu’une affirmation de son tempérament, préférant cultiver cette exubérance puisqu’il sait qu’il ne sera jamais vraiment accepté de tous. Tout est assez bien résumé par l’image avec ce formidable objet de cinéma qu’est la voiture/cabane qui traverse paysage urbain comme nature paisible, se fondant tout en se distinguant avec une égale et indifférente allure.

Ainsi armés entre certitudes et doutes le duo va traverser d’étonnante péripéties, tour à tour inquiétantes (ce séjour nocturne chez un drôle de dentiste), dangereuse avec ce salon de coiffure en zone urbaine menaçantes et gentiment délirantes lors d’une confrontation avec des footballeurs américains. Gondry ne construit cependant pas un monde de rêve, ceux sont les personnalités lunaires de Microbe et Gasoil qui traversent une réalité où vient ressurgir sans prévenir l’actualité douloureuse comme avec ce camp de roms décimé par la gendarmerie. Tout comme ils oscillent entre leur originalité et la normalité de leurs camarades, nos héros sont peu à peu rattrapés par le réel au fil de leur délirant périple.

Une certaine mélancolie s’installe progressivement, autant rattachées à leurs préoccupations adolescentes (la romance avec Laura tutoyée mais pas concrétisée) qu’à une facette plus métaphysique (le jeu final sur les ellipses soulignant l’évaporation du temps qui passe et des bons moments quand approche le retour) et les aléas de la vie qui se rappellent douloureusement à nos héros lors du renversement final. Restera le souvenir d’une belle et amusante odyssée ainsi que d’une indéfectible amitié magnifiée par un splendide final qui célèbre la marginalité. Et au vu de l’ultime regard de la tant désirée Laura, c’est de cette affirmation de soi que naissent les sentiments les plus tendres. Un petit bijou et une des œuvres les plus touchante de Michel Gondry, injustement passée inaperçue en 2015.

Sorti en dvd zonze 2 français chez Studiocanal