Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

Pages

mardi 21 août 2012

Mystère à Mexico - Mystery in Mexico, Robert Wise (1948)


nspecteur d'assurances, Steve Hastings est envoyé par sa société à Mexico afin de retrouver la trace d'un agent mystérieusement disparu. La sœur de celui-ci, la séduisante Victoria, aide Steve dans ses recherches, qui le mènent bientôt sur la piste d'un trafic de bijoux.

Mystery in Mexico est un des derniers coups d'éclat de Robert Wise dans la série B qu'il enchaîne au sein de la RKO avant que le succès l'année suivante de son magistral Nous avons gagné ce soir lui ouvre la porte des studios et productions plus prestigieuses. Wise emballe ici un film décontracté et qui file à toute vitesse avec le brio narratif qu'on lui connaît. Le film s'ouvre sur une mystérieuse scène où un homme vole un collier avant d'être poursuivi sous les coups de feu de ceux à qui il a arraché l'objet. Un objet que notre héros agent d'assurance Steve Hastings (William Lundigan) est chargé de retrouver à Mexico ainsi que son collègue disparu alors qu'il menait l'enquête sur place. Pour se faire il va se lier à Victoria, sœur du disparu également en route pour Mexico.

Le script fait merveilleusement cohabiter légèreté et tension. La prestation décontractée de William Lundigan y est pour beaucoup tant il impose excellemment charme et humour. La drague appuyée qu'il fait à une Jacqueline White excédée puis progressivement charmée, les échanges entre eux offrant leur lot de scènes piquantes.

Le suspens naîtra de la description que fait Wise de cette ville de Mexico dont la menace surgira de bien des façons : maisons abandonnées dans des quartiers louches dont surgissent d'étranges agresseurs, autochtones avenant jouant un double jeu... Wise alterne imagerie glamour avec club prestigieux, soirée mondaine et hôtel de luxe avec des descriptions de lieux plus populaire le danger ne venant pas toujours de là d'où l'on pense, à l'image du final rural.

Le rythme faussement nonchalant zèbre cette légèreté de façade d'éclats de violence et de rebondissement inattendus dans une progression narrative limpide pour une intrigue finalement bien dense au vu de ses 66 minutes à peine. Pour chipoter on regrettera uniquement peut-être que la situation formidablement bien mise en place lors du final n'accouche pas d'un suspense plus prononcé. Le maître mot semble donc être le plaisir ici à l'image de la conclusion bien enlevée et qui nous fait quitter l'ensemble sur une note de bonne humeur communicative.

Sorti en dvd zone 2 français aux Editions Montparnasse dans la collection RKO

lundi 20 août 2012

My Week with Marilyn - Simon Curtis (2011)


Au début de l’été 1956, Marilyn Monroe se rend en Angleterre pour la première fois. En pleine lune de miel avec le célèbre dramaturge Arthur Miller, elle est venue tourner LE PRINCE ET LA DANSEUSE, le film qui restera célèbre pour l’avoir réunie à l’écran avec Sir Laurence Olivier, véritable légende du théâtre et du cinéma britanniques, qui en est aussi le metteur en scène. Ce même été, Colin Clark, 23 ans, met pour la première fois le pied sur un plateau de cinéma. Tout juste diplômé d’Oxford, le jeune homme rêve de devenir cinéaste et a réussi à décrocher un job d’obscur assistant sur le plateau.

En surface, My Week with Marilyn se fait l’écho d’une des rencontres artistiques les plus médiatisées et attendues des années 50. D’un côté Marilyn Monroe, l’icône hollywoodienne, la star et la femme la plus désirée au monde. De l’autre Laurence Olivier, véritable légende du cinéma et du théâtre anglais, acteur, réalisateur et metteur en scène de génie. Le résultat, on le connaît et il ne fut pas exactement à la hauteur des attentes. Le Prince et la Danseuse (1957) est la réalisation la moins intéressante d’Olivier, un film un peu poussif sans être désagréable mais qui par la prestation touchante de Marylin Monroe trouve finalement une grâce inattendue.

Le film de Simon Curtis va explorer dans le détail les raisons de ce rendez-vous manqué en adaptant le livre de Colin Clark The Prince, the Showgirl and Me. Ce dernier, à l'époque jeune assistant réalisateur, s’attira la confiance de la star, devenant son confident sur un tournage hostile, la découvrant ainsi dans son intimité, ses doutes et contradictions. C’est donc à travers le regard émerveillé du jeune homme (Eddie Redmayne très bon et attachant) que nous allons découvrir les coulisses prestigieuses du tournage. Simon Curtis semble aussi s'inspirer du roman Blonde de Joyce Carole Oates, l'atmosphère du film rappellant grandement celle du chapitre consacré à cet épisode dans le livre.

Sous les paillettes les véritables enjeux se révèlent. Marilyn Monroe face à Laurence Olivier, c’est la confrontation entre deux philosophies du jeu d'acteur. Marylin Monroe représente le talent brut, l’instinct et la mise à nu absolue face à un rôle qu’elle doit ne doit pas s’approprier, mais devenir. À l’inverse Laurence Olivier symbolise lui la rigueur du théâtre, du travail, du respect du texte, et où l’acteur doit savoir se plier à toute la gamme de personnages qui lui sont proposés sans rien trouver à y redire. Kenneth Branagh excelle en Laurence Olivier (dont on l’a souvent rapproché dans la réalité), lui-même artiste narcissique et orageux et qui va se trouver autant excédé que fasciné par les caprices et l’aura de sa star. Le récit distille sobrement quelques pistes sur son désir supposé et rapidement refroidi de séduire Marilyn comme cause de la collaboration compliquée qui s'en suivit.

L’attraction principale est bien évidemment de retrouver Michelle Williams en Marilyn. L’actrice a tout compris à la manière d’incarner l’icône. Plutôt que de vainement rechercher le mimétisme physique d'une star à l’image si marquante, l’actrice en explore une facette plus secrète. Pour Marylin Monroe, son physique de rêve aura toujours été un atout et une malédiction. Norma Jean aura réussi à attirer tous les regards sur elle en se réinventant en Marilyn, mais y perdait au passage le respect et la crédibilité artistique due à n'importe quelle star de ce calibre. De ce fait, c’est une femme constamment en plein doute sur ses capacités, son talent, et finalement plus perfectionniste et sujette à la remise en question qu’il n’y paraît.

Curtis montre bien cela lors d'orageux échanges où Olivier enrage des modifications qu’elle exige de « son » texte, de sa manière de se réfugier dans la Méthode afin de rendre son personnage le plus proche possible d’elle. Michelle Williams fait merveilleusement transparaître toutes ces nuances, la fragilité et la candeur de Norma Jean (la scène de baignade merveilleuse) alternant avec les minauderies et le numéro de charme constant de Marylin.

L’empathie fonctionne parfaitement avec un Colin subjugué, amoureux, mais qui va rapidement se confronter aux contradictions de la star, qui totalement naturelle peut dans l'instant suivant se métamorphoser et prendre des poses sexy pour les photographes. Cette dualité ne va pas sans dégâts, et les addictions qui perdront Marilyn forment une sorte de continuité funeste où l’intrigue se voit rythmée par ses différentes crises.

En choisissant de s’attarder sur un moment et non sur une vie entière, My Week with Marilyn évite les clichés inhérents à d’autres biopic plus amples mais bardés de tics narratifs qui alourdissent désormais le genre. On saisit des figures célèbres pour un court instant puis on les laisse repartir vers leur destinées tragiques (on pense aussi à la superbe Vivian Leigh vieillissante incarnée par Julia Ormond) et glorieuses, sans perdre de leurs voiles de mystères.

Sorti en dvd zone 2 français chez Studio Canal


dimanche 19 août 2012

Ce sacré z'héros - Private's Progress, John Boulting (1956)


tanley Windrush doit interrompre son enseignement universitaire quand il est appelé vers la fin de la guerre. Il se révèle rapidement ne pas être un bon officier.

Private's Progress est le premier film de la grande série de comédie satirique sur la société anglaise qui fit le succès et la reconnaissance des frères Boulting durant les années 50. Le film (adapté d'un roman d'Alan Hackney) pose toutes les bases des autres films à venir que ce soit par son casting de joyeux loufoques (Terry-Thomas, Richard Attenborough, Ian Carmichael, Dennis Price ne manque que Peter Sellers) ou surtout par sa construction narrative.

Le principe est simple : on plonge un jeune benêt incompétent et zélé au cœur d'une grande institution respectable qui va s'avérer gangrénée de l'intérieur et dans laquelle sa bêtise va semer la zizanie. Dans I'm alright Jack (1959), le syndicalisme sera génialement mis en boite dans la description du fonctionnement singulier d'une usine tandis que Carlton Brown of The F.O. sera une charge féroce et hilarante sur la diplomatie anglaise. Dans Private's Progress ce sera la vénérable armée de Sa Majesté qui en prendra pour son grade, si on ose dire.

Le récit a d'ailleurs l'audace de situer la satire à une époque où le patriotisme anglais est le plus exacerbé, durant la Deuxième Guerre Mondiale. C'est là que le jeune Stanley Windrush (Ian Carmichael) se voit contraint d'abandonner ses études universitaires pour répondre à l'appel des drapeaux. En quelques saynètes mordantes, l'incompétence tant physique qu'intellectuelle de notre héros est croquées à travers les exercices physiques où il est peu à son avantage et les examens d'officier où ses attitudes décalées laissent ses interlocuteurs circonspects. Il va donc se trouver intégré à une simple unité de soldat où l'on va constater immédiatement le décalage avec les premières scènes d'entraînement rigoureux.

Le but est là de tirer au flanc de toute les manières possibles et John Boulting convoque l'humour de régiment le plus débridé à travers quelques savoureuses séquences : une beuverie épique où Windrush va narguer un officier auquel il ne pourra cacher sa grande ébriété, du vol d'arrivage de ration en douce et surtout ce moment où les soldats "sèchent" la caserne pour aller au cinéma (voit Ceux qui servent la mer de David Lean) ! et croiser leur supérieur joué par Terry-Thomas dans la salle !

Si ce désintérêt total pour le conflit en cours (on aura à peine un court passage durant le blackout au début quand Windrush ira voir son père) demeure à une échelle modeste chez les soldats, il en va tout autrement lorsqu'on grimpe dans les hautes sphères de l'armée à l'image du roublard Brigadier joué par Dennis Price. Ainsi, le seul moment où Private's Progress va vaguement ressembler à un film de guerre classique sera pour une mission clandestine destinée à voler des œuvres d'arts allemandes dont on se partagera le butin après-guerre. Windrush mêlé à l'arnaque par erreur va bien entendu multiplier les gaffes et la réelle tension se mêle à l'hilarité notamment quand il va se faire arrêter par l'armée anglaise en uniforme allemand.

C'est d'ailleurs une de ses bévues (subtilement amenée et dont on ne mesurera les conséquences qu'à la fin) qui va lamentablement planter l'affaire lors de la conclusion. La charge est des plus corrosive et finalement les Boulting anticipe déjà l'esprit du futur De l'or pour les braves de Brian G. Hutton (voir même du M.A.S.H. de Robert Altman) où l'intérêt personnel prime sur un quelconque patriotisme de pacotille. Le film est porté par un casting de haut vol où on retiendra un Ian Carmichael parfait en imbécile heureux, Dennis Price plein de flegme et de malice ou encore Richard Attenborough en soldat pourri jusqu'à la moelle. Le film sera un grand succès, lançant donc les Boulting sur ce créneau comique et une suite tout aussi brillante verra même le jour trois ans plus tard avec I'm alright Jack où on retrouvera tous personnages avec de nombreux clins d'œil à Private Progress.

Sorti en dvd zone 2 anglais sans sous-titres

L'ouverture façon actualités décalée qui donne une bonne idée de l'esprit farceur du film


vendredi 17 août 2012

Chronique d'un homicide - Imputazione di omicidio per uno studente, Mauro Bolognini (1972)


Un jeune homme, étudiant en architecture, participe à une manifestation sur la voie publique. Durant celle-ci, un membre des forces de l'ordre trouve la mort.

Chronique d'un homicide peut surprendre au premier abord lorsqu'on y voit associé le nom de Mauro Bolognini. L'histoire est en effet emblématique du cinéma politique italien des "Années de Plomb" et depuis la fin de sa collaboration avec Pasolini on associe plutôt Bolognini à la grande adaptation littéraire et au film historique qu'à des récits contemporains. Pourtant même dans ses films d'époque le réalisateur n'a jamais cessé de se préoccuper du monde qui l'entoure. Metello (1970) évoquait des révoltes ouvrières gauchistes de la fin du XIXe reflet de l'agitation qui allait mener aux Années de Plomb et plus tard Liberté mon amour (1975) et Vertiges (975) scrutait l'ascension du fascisme dans l'Italie avant et durant la Deuxième Guerre Mondiale alors que la jeunesse d'alors oubliant les dérives passées trouvait une nouvelle attirance dans ce mode de pensée. Bolognini retrouve d'ailleurs ici son scénariste de Metello, le très politisé Ugo Pirro déjà auteur entre autres des scripts d'Enquête sur un citoyen au-dessus de tout soupçon et La Classe ouvrière va au paradis pour Elio Petri, Le Jardin des Finzi Contini de Vittorio De Sica ou L'héritage à nouveau pour Bolognini.

Le film s'ouvre sur une violente manifestation opposant policiers et étudiant au terme de laquelle un membre de chaque camp trouvera dramatiquement la mort. D'un côté, un policier véreux tirera dans le tas pour calmer ces jeunes sauvages et de l'autre un étudiant fracassera le crane d'un officier armé d'un poing américain. Cet étudiant, c'est Fabio (Massimo Ranieri) fils du juge Sola (Martin Balsam) en charge d'instruire l'affaire. Dès lors le juge va tenter de maintenir une partialité mise à mal par les pressions de la police et la découverte progressive de l'implication de son fils dans les évènements.

Bolognini renvoie finalement les parties dos à dos : la police représentative du système qui va pousser à condamner un innocent pour venger la mort de leur collègue mais également ces jeunes révolutionnaire prêt à laisser leur ami en prison pour maintenir la tension avec l'autorité. La prestation ambiguë de Massimo Ranieri est à ce titre des plus intéressantes. Il représente une sorte de pendant de Bolognini lui-même, jeune étudiant en architecture (formation initiale de Bolognini) dont les origines bourgeoises paraissent incompatible avec son engagement politique, tout comme Bolognini peut sembler illégitime sur un film engagé.

Le réalisateur met ainsi en valeur la fièvre et la rage du jeune Fabio prouvant ainsi qu'il n'y a pas de milieu dédié pour avoir des convictions, tout comme dans son cas il n'y a pas de filmographie qui justifie plus qu'une autre de les exprimer. Dans le même temps le mépris de sa famille (la scène avec la mère jouée par Valentina Cortese sont très dure) par Fabio dénonce aussi le mode de pensée extrême visant à se détacher de tout le passé pour la cause et qui conduira à la dérive terroriste de ces jeunes en révolte.

Martin Balsam (star du polar italien depuis le succès de Confession d'un commissaire de police au procureur de la république) offre une superbe prestation avec le personnage le plus humain du film. Malgré ses volontés d'impartialité, il sera le seul à suivre la voie de son cœur au-delà des idéaux et de son devoir pour tout simplement protéger son fils. L'acteur laisse perler l'émotion et la détermination vacillante de ce juge avec une grande justesse tel ce moment où il craque après une confrontation avec son fils endoctriné et inflexible. Mauro Bolognini, accusé souvent à tort de formalisme gratuit et d'être un sous Visconti n'applique vraiment cette esthétique recherchée que par soucis de réalisme et surtout quand elle est justifiée.


Chroniques d'un homicide est donc très sobre, avec une mise en scène simple et directe (hormis la manifestation heurtée et chaotique en ouverture) dont les décors se résument le plus souvent aux intérieurs où ont lieux les échanges entre les protagonistes. C'est de ses échanges que naîtra la tension et l'émotion à l'image des confrontations entre père et fils où se ressent le fossé des générations mais également de la pensée et vision de la société. Beau film qui démontre une fois de plus l'étendue du registre de Mauro Bolognini.

Sorti en dvd zone 2 français chez SNC/M6 Vidéo

Extrait sur le magnifique score d'Ennio Morricone

jeudi 16 août 2012

The Half-Naked Truth - Gregory La Cava (1932)


En 1932, aux Etats-Unis. Le bonimenteur d'une fête foraine miteuse devient un dynamique publicitaire à New York en transformant une danseuse, limitée jusque-là aux attractions, en sensation à Broadway.

Gregory La Cava réalise une savoureuse comédie Pré-Code avec ce très amusant The Half-Naked Truth. L'histoire se pose en féroce satire du monde du spectacle et des affres de la célébrité. On aura ainsi une démonstration de la vacuité du statut de vedette où le succès est moins affaire de talent que de promotion appropriée. Jimmy Bates (Lee Tracy) bonimenteur professionnel végète ainsi dans une fête foraine miteuse avec sa petite amie mexicaine Teresita (Lupe Velez) attraction du numéro de danse orientale plus pour sa plastique que ses dons de scène. Jimmy a alors l'idée d'inventer un scandale dans le trou paumé où ils jouent en faisant de Teresita la fille illégitime d'un notable local dont l'identité sera révélée à la fin du show.

La méthode fonctionne et l'attrait du scandale attire la foule jusqu'à ce que l'intervention du shérif fasse tourner court à l'arnaque au terme d'une bagarre homérique où la fête foraine sera saccagée. Qu'à cela ne tienne, Bates et sa belle vont appliquer la méthode à plus grande échelle là où tout se passe, Broadway. Teresita va ainsi passer pour une mystérieuse princesse turque évadée d'un harem dont les extravagances vont faire sensation et projeter en haut de l'affiche.

La description de ce monde du spectacle où tout n'est qu'affaire de rumeurs et de sensationnel n'est pas bien reluisante mais amuse par les excès nécessaire à attirer la lumière. La Cava déploie donc toute l'extravagance et le délire qu'on lui connaît avec une Lupe Velez qui passe la première demi-heure du film à moitié nue dans une tenue de danse orientale sexy, qui accueille les journalistes dans sa suite où elle héberge un lion et plus tard Bates se trouvera une nouvelle protégée écervelée qu'il exploitera dans un numéro sauvage de nudiste...

Le talent et l'amour de l'art n'ont rien à faire ici, à l'image du premier numéro de Lupe Lopez à Broadway qui ennuiera le public tant restera conventionnel et l'enflammera dès qu'elle se dénudera et entonnera une chanson grivoise. Dans le même ordre d'idée le directeur artistique joué par Frank Morgan suivra constamment le sens du vent de plus en plus assujetti au génial promoteur qu'est Bates.

L'ensemble est miraculeusement sauvé du cynisme total par ses personnages très attachants. Lee Tracy et Lupe Velez forment un couple orageux et attachant dont les échanges musclés font des étincelles. Lee Tracy en manager frénétique offre un grand numéro comique, sourire enjôleur, débit de parole hystérique cherchant toujours à vous embobiner. Lupe Velez en mexicaine volcanique est tout aussi excessive mais sous cette débauche d'énergie La Cava parvient toujours à faire ressentir les liens qui unissent son couple malgré les trahisons (la demande en mariage avortée).

Le comparse bougon joué par Eugene Pallette (qui retrouvera La Cava sur Mon homme Godfrey) dégage la même sympathie. Plus globalement, le film est une ode à cet art de saltimbanque que la quête de renommée perverti et rend moins amusant. Une vision qui semble associée à la ville, son opulence et ses tentations qui vont séparer les héros alors que le joli épilogue où on retrouve numéros minables et public péquenot est synonyme d'authenticité et de réunion. Même si La Cava a fait bien mieux après, un très bon moment.

Inédit pour l'instant en dvd mais cela doit sortir en speptembre aux Editions Montparnasse dans la collection RKO

mercredi 15 août 2012

Messaline - Messalina Venere imperatrice, Vittorio Cottafavi (1959)

A la mort de son neveu, le dément Caligula, Claude devient le nouvel empereur de Rome. Valérie, une jeune et belle vestale, s'éprend de Lucio Massimo, un centurion naïf. Mais elle va se laisser convaincre par un conseiller sans scrupule de délaisser cet amour pour tenter de se faire aimer de Claude. Elle y parvient et devient Messaline, impératrice cruelle et débauchée.
 
Messaline est un personnage historique ayant largement inspiré le péplum, sa luxure laissant libre court aux dérives érotiques du genre (l’inoubliable Caligula de Tinto Brass, le plus bis Caligula et Messaline de Anthony Passalia) mais en donnant aussi des interprétations flamboyantes à l’image de Susa Hayward qui l’incarna dans Les Gladiateurs de Delmer Daves. Le film de Cottafavi en donne une des visions les plus intéressantes. Aux antipodes de ses spectaculaires épisodes qu’il réalisa pour la saga d’Hercule (La Vengeance d’Hercule et Hercule à la conquête de l’Atlantide) Cottafavi livre ici un récit essentiellement intimiste où dans de longues intrigues de palais, on suit l'ascension puis le règne de la terreur de Messaline qui manipule, séduit et fait assassiner ses ennemis à tour de bras.

Belinda Lee livre une prestation flamboyante et vénéneuse en Messaline, exprimant parfaitement le pouvoir de séduction de l'impératrice et sa cruauté. Cottafavi s'en donne à cœur joie pour dépeindre ses charmes, plan de sa silhouette dénudé derrière des rideaux tout juste transparent, regard enflammé de désir, posture aguicheuse...Le moment le plus impressionnant reste cette séquence où un homme venu assassiner Messaline dans sa chambre voit sa détermination totalement annihilée par son pouvoir de séduction.

Sous ses aspects plus tapageurs l’actrice parvient à exprimer le côté plus romantique et fleur bleue de Messaline. Cottafavi dans ses entorses à l’Histoire cherche en effet à souffler le chaud et le froid sur Messaline. Impitoyable et cruelle, elle se perdra pourtant en épargnant le seul qu’elle ait jamais aimé et qu’elle avait sacrifié à son ambition sans bornes.

Malgré le côté anti spectaculaire l'intrigue est captivante, Cottafavi parvenant malgré les libertés historiques à dépeindre quelques aspects intéressant comme les manœuvres politiques voyant tour à tour le sénat fermer les yeux puis s'opposer aux agissements scandaleux de Messaline. On retrouve le fond d’un certain idéal de l’Empire Romain véhiculé par de nombreux péplums la déchéance de Rome est inévitable tant que le pouvoir est entre les mains d'un seul homme, l'empereur. Il peut être faible et jouet de son épouse comme ici Claude, fou comme Caligula ou mégalomane comme ce que l’on supposera être la cause de l’assassinat de Jules César.

La conclusion offre propose néanmoins une efficace bataille et un final tragique à souhait pour Messaline, tiraillé tout du long entre soif de pouvoir et son vrai amour pour Lucius Maximus. Sans être aussi mémorable que ses Hercule, l’ensemble est très élégamment filmé par Cottafavi dans cette production plutôt nantie aux décors soignés. Le seul problème concerne les coupes qui se ressentent dans certaines transition abruptes, sans doute dues à la censure car n’intervenant que dans les passages plus sensuels. Cela explique aussi la courte durée (1h20 à peine) pour une intrigue très dense.
Sorti en dvd zone 2 français chez Studio Canal

Extrait

mardi 14 août 2012

Two O'Clock Courage - Anthony Mann (1945)


Patty Mitchell renverse un homme qui se déclare frappé d'amnésie. Alors qu'elle l'aide à retrouver son identité, elle s'implique de plus en plus émotionnellement. Mais le secret qu'elle découvre est plus effrayant.

Two O'Clock Courage est seulement le 5e film d'Anthony Mann qui enchaîne à l'époque les série B à petit budget et démontre déjà ici son talent naissant avec brio. Le film est le remake de Two in the Dark réalisé en 1936 par Benjamin Stoloff qui produit lui-même la relecture de son œuvre initiale. L'ouverture chargée d'atmosphère laisse à penser qu'on va assister à un fil noir tortueux typique du genre mais pas tout à fait.

Une ruelle sombre et brumeuse, un homme titubant sans trop savoir où il va et blessé à la tête manque de se faire renverser par un taxi qui passait par là. Surgit alors la gouailleuse conductrice Patty Mitchell (Ann Rutherford) qui va constater que le quidam (Tom Conway) est fort mal en point et amnésique. Dans l'unité de temps de cette nuit, ils vont ainsi tenter de remonter la piste du passé de l'homme possiblement coupable d'un meurtre commis non loin de là.

Nous sommes plus là dans le registre du murder mystery/whodunit que du pur film noir et l'intérêt repose bien plus sur l'intrigue astucieuse truffée de rebondissement que le pur suspense. Ainsi un des grands apport de Mann par rapport à l'original est une légèreté et un humour constant que ce soit les échanges piquants entre Tom Conway et une pétillante Ann Rutherford ou des personnages secondaires tordant comme ce reporter annonçant le mauvais coupable tout au long du film à son rédacteur en chef bouillant de colère. Tout cela ne nous détourne pas du mystère à résoudre et le scénario distille habilement indices divers faisant progresser l'intrigue avec limpidité d'un point à un autre.

Si la culpabilité de Tom Conway n'est jamais remise en doute grâce à la prestation affable de l'acteur (et la dévotion immédiate et amoureuse d' Ann Rutherford) le rythme trépidant, les rencontres inattendues et l'ambiguïté constante des connaissances de Conway (amis ou ennemis ?) crée une tension jamais démentie sous la décontraction de façade. Ce traitement plutôt qu'un suspense plus marqué s'avèrera parfaitement justifié lorsqu’au lieu des gangsters habituels le cadre concernera finalement le milieu du théâtre, renforçant ce jeu de faux-semblant.

Mann emballe la chose en à peine plus d'une heure sans temps mort, haletante et surprenante jusqu'au bout. Un très bon moment porté par un duo vedette très complice, en particulier Ann Rutherford parfaite conductrice de taxi débrouillarde.

Pour l'instant seulement trouvable en édition espagnole sans sous-titres français mais patience le film sort le 4 septembre prochain aux Editions Montparnasse dans la collection RKO


lundi 13 août 2012

Le Sexe Fou - Sessomatto, Dino Risi (1973)


La sexualité débridée et libérée des 70's donnait l'occasion à Dino Risi de s'en donner à cœur joie dans la provocation avec ce savoureux film à sketches. Il avait déjà exploité ce filon sexuel dans un précédent film à sketches Une poule, un train... et quelques monstres avec un Nino Manfredi endossant tous les personnages principaux. Cette fois Risi ouvre la voie à la génération montante des stars comiques italiennes avec une Laura Antonelli popularisée par les comédies sexy (Malicia, Ma femme est un violon) et Giancarlo Giannini célèbre grâce à ses collaboration avec Lina Wertmüller. Tous deux seront des huit sketches où Risi par son regard féroce analyse toutes les pratiques, perversions et mœurs sexuelles étranges de ses congénères tapant sans distinction sur tous les milieux et classes sociales. Si Giancarlo Giannini représente toute la faiblesse et les instincts animaux de l'homme, Laura Antonelli sera elle l'objet et/ou le jouet de ses travers par son charme dévastateur. Comme souvent dans le genre c'est inégal mais vraiment de bonne tenue dans l'ensemble.

Madame, il est huit heures !

Démarrage sur les chapeaux de roue avec ce sketch où Giancarlo Giannini majordome est malmené par l'aussi tyrannique que sexy patronne campée par Laura Antonelli. Celle-ci absolument glaciale et hautaine multiplie involontairement (?) les situations équivoques qui mettent la libido de son subalterne à rude épreuve : sortie de piscine à moitié nue, endormie au petit matin en pleine posture provocante... Giancarlo Giannini est hilarant et débordant de désir, excellente entrée en matière.

Deux cœurs et une bicoque

Deux époux vivant dans une misérable bicoque à l'orée de la ville avec une marmaille fort nombreuses ne cessent de se soupçonner tromperie et se battre avant de se réconcilier fort peu discrètement la nuit venue sous les oreilles de leurs enfants. Pas le plus intéressant du film, une sorte de pré Affreux, sales et méchants en moins intéressant Antonelli et Giannini n'étant pas très crédible dans ce registre populaire dégénéré et excessif.

Il n'est jamais trop tard

Giancarlo Giannini est marié à une épouse sculpturale mais souffre d'une terrible perversion : les femmes ne l'excite que passé le troisième âge... Sketch très drôle où notre obsédé va harceler une malheureuse grand-mère de ses avances. Elle finira par céder mais on va découvrir que son objectif est encore plus fou...


Lune de miel

Un couple de jeunes mariés ne parvient pas à conclure, l'homme perdant tous ses moyens face à la libido affolante de son épouse. Le mâle italien en prend pour son grade dans ce segment tordant, Giancarlo Gianni multipliant les attitudes et postures machistes envers son épouse avant de se retrouver totalement démuni dans l'intimité du lit conjugal. Laura Antonelli fausse oie blanche va donc prendre les choses en main pour découvrir le mal dont souffre son mari dans une conclusion mouvementée, dira t on...


Travailleurs italiens à l'étranger

Le sketch le plus absurde du film. Installé en Allemagne un italien travaille à l'hôpital de la ville. Pas comme médecin comme on le penserai au départ mais comme... donneur de sperme ! Cette matinée de travail va s'avérer particulièrement prolifique puisqu'il va fournir son tribut en pensant à la plantureuse infirmière/sœur jouée par Laura Antonelli.

Allemagne peuplée de blonds platines "aryens" jusqu'au bout des ongles, une langue allemande plus proche du charabia qu'autre chose (avec quelques fous rires garantis dans l'exagération des intonations) et le summum avec une scène de fantasme extravagante où Laura Antonelli tombe la soutane de la plus affolante des manières, grandioses.

La virilité du mâle italien est autant vantée (la quantité de la contribution est impressionnante) que raillée, comme si elle était leur seule qualité nationale exportable.


La Vendetta

Une veuve se venge de du richissime assassin de son mari en l'épousant et l'épuisant au lit jusqu'à ce que mort s'ensuive. Prévisible et pas très intéressant si ce n'est Laura Antonelli qui porte fort bien l'habit de veuve.

Un amour difficile

Un jeune homme originaire des pouilles décide de s'installer à Milan pour y faire son chemin, comptant sur l'aide de son frère qui y séjourne déjà. Celui-ci ayant disparu, il trouve l'amour avec un transsexuel pour une passion surprenante. Le sketch le plus original du film qui rappelle beaucoup le très joli segment Ornella dans Une poule, un train... et quelques monstres.

Giancarlo Giannini amuse et émeut dans son ignorance de campagnard à la recherche de l'amour et Alberto Lionello évite la caricature avec une prestation étonnamment touchante en transsexuel. On attendait une grosse farce et le ton s'avère réellement sensible dans le traitement de cette relation. La chute logique, scabreuse et touchante fait son petit effet.

L'invité

Gros vaudeville pour ce dernier sketch où la femme d'un industriel séduit l'invité de son époux qui ne se rend compte de rien. Laura Antonelli est déchaînée dans un grand numéro provocant sous la distinction Giancarlo Giannini (au look de binoclard pervers hilarant) malgré ses efforts virant à la cocotte-minute prête à exploser lors du final.

Un bon cru donc avec au moins deux sketches d'anthologie (Travailleur italien à l'tranger et Un amour difficile).

Sorti en dvd zone 2 français chez SNC/M6 Vidéo

Extrait