Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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lundi 24 mai 2010

Les Grandes Manoeuvres - René Clair (1955)



Au début du siècle dans une petite ville de garnison, Armand de la Verne, lieutenant des dragons fait le pari de séduire une femme désignée par le hasard. Marie-Louise Rivière se trouve être l'innocente victime du pari, mais Armand en tombe malgré lui éperdument amoureux.

Un beau drame sentimental, parmi ce qui a pu se faire de mieux dans la veine romanesque au sein du cinéma français. Gérard Philippe de nouveau dans une grande figure de séducteur, qui campe ici un lieutenant au charme dévastateur et à la goujaterie étincelante comme le montre une mémorable entrée en matière où quittant une amante, il en trouve une autre dont il avait oublié la présence en rentrant chez lui. Sur un pari, il se lance dans une cours éfrennée de Michelle Morgan, un repas étant l'enjeu s'il la fait sienne. Cependant, loin des jeunes provinciales naïves (dont une toute jeune Brigitte Bardot) ou des femmes mariées esseulée auquel il a affaire d'ordinaire, Marie Louise Rivière est une femme distinguée venue de Paris qui voit clair dans son jeu.

C'est cette distinction et cette opposition qui va prendre en défaut le séducteur pris à son propre jeu, car c'est en tombant réellement amoureux et se dévoilant qu'il finit par progressivement gagner le coeur de Michelle Morgan. Sous l'aspect sentimental, le film s'avère d'une terrible cruauté dans sa description du mode de vie provincial bourgeois. Toutes les femmes se montrent défiantes et distante envers Michelle Morgan, jalouses de son allure et de sa beauté. Chaque faits et geste est épié, étudié et commenté par la communauté pour faire circuler la calomnie, notamment lors d'une belle séquence de ballade romantique totalement détournée car constamment perturbée par les voix des harpies observatrices en voix off.

Si la solitude entraînée aboutit au rapprochement du couple de héros, il sera aussi la cause de la rupture définitive car impossible de reparaître à la face du monde après avoir vu son nom bafoué. Michelle Morgan est magnifique d'assurance et de distinction, ce qui rend les moments où elle cède d'autant plus fort face un un Gérard Phillippe parfait qui montre bien l'impasse de son personnage prisonnier e sa réputation et ses mécanisme hypocrite. Visuellement c'est vraiment un des plus beaux films français de l'époque, couleurs chatoyantes, intérieur studios de tout beautés et filmage élégants de cette ville bourgeoise de province.

Une dernière scène poignante qui montre toute l'impasse ayant parcouru le film, les sentiments des personnages sont intact mais le poids des regards (les rires des camarades de régiment en fond sonore uand Gérard Philippe tente de s'expliquer durant l'avant dernière scène sont terriblement cruels) et la fierté à afficher empêche tout retour en arrière.


Disponible en dvd zone 2 chez René Chateau ou pour encore moins cher en dvd zone 2 anglais de très bonne qualité.

Extrait avec la séduction très agressive de Gérard Philippe

dimanche 23 mai 2010

Dans la nuit des temps - Hua yue jia qi, Tsui Hark (1995)


Lors d'une "fête des affinités", soirée destinée aux célibataires, un jeune homme, Kong, et une jeune fille, Yan Yan, se croisent à plusieurs reprises, sans s'apercevoir qu'ils sont faits l'un pour l'autre. Bientôt, Kong est assassiné par des gangsters. Son fantôme demande alors à Yan Yan de remonter le temps avec lui afin d'empêcher sa mort...

En 1994, Tsui Hark réalisait ce qui reste un de ces plus beaux (et accessibles) film avec le sublime The Lovers adaptation de la célèbre légende chinoise des amants papillons. Succès énorme à Hong Kong, le film reposait grandement sur le charme juvénile et l'alchimie entre ces deux acteurs, Nicki Wu et la belle Charlie Yeung. En producteur avisé, Tsui Hark décide de réunir à nouveau son couple vedette dans un autre film qui sera donc Dans la nuit des temps. Les amateurs du romanesque contemplatif de The Lovers en seront pour leur fais puisqu'il s'agit là d'un des films les plus fous du réalisateur. Le film offre un spectacle étourdissant et éreintant qui croise une love story émouvante entre la vie et la mort façon Ghost (1990) croisée à un récit de voyage dans le temps avec paradoxes temporels tarabiscotés à la Retour vers le futur 2 (1989)

On oublie bien vite ces deux références face à la narration survoltée de rythme et de rebondissement, aux ruptures de ton constante (grosse comédie scato puis drame poignant s'alternant dans la même scène parfois) et au foisonnement d'idées folles dont une seule suffirait à nourrir 10 films chez d'autres (l'incroyable création qu'est le monde électrique des pylônes où sont enfermées les âmes bloquées dans l'espace-temps par l'électricité). Tsui Hark parvient en un clin d'œil à créer un univers propre avec ses règles sans s'embarrasser d'explication superflues (l'idée des pensées tristes et amoureuses pour effectuer le saut dans le temps) et nous offre une de ses réalisations les plus inventives tout en parvenant à ménager de beaux instants à son couple de héros (la transmission de pouvoir, Charlie Yeung qui explique le sens de la chanson chantées par son père, le final).

Comme souvent il n'a pas forcément les moyens de ses ambitions et on dénombre pas mal d'effets visuels ratés (tous les pouvoirs de Niki Wu) même s'ils font preuve d'une inventivité constante (les scènes avec les doubles surprenante, le fascinant monde des pylônes). Le récit emporte suffisamment pour qu’à la manière d'un Green Snake (dont la poésie transcendait complètement les effets spéciaux limités) on passe vite ces détails pour se laisser porter par l'aventure. Seul vrai défaut, un trop plein de péripéties dans le dernier quart d'heure qui finit tout de même par perdre le spectateur le plus attentif (et habitué à la frénésie du cinéma de Hong Kong). 

Belle reconstitution à la hauteur des meilleures productions Workshop et Niki Wu et Charlie Yeung confirme leurs incroyable alchimie de The Lovers sur un ton plus déjanté mais tout aussi émouvant. Porté par une superbe musique de Wu Wai Lap (qui avait collaboré avec James Wong sur celle de The Lovers) le film laisse souvent penser qu'il aurait pu constituer une suite thématique à Shanghai Blues (1984) et Peking Opera Blues (1986) avec ses personnages évoluant dans le théâtre mais s'en éloigne complètement par la suite. La folie expérimentale du film ne touchera pas autant les spectateurs hongkongais que The Lovers mais pour l'amateur du cinéma de Tsui Hark, un de ses films les plus passionnants.

Sorti en dvd chez HK Video

samedi 22 mai 2010

Bienvenue à Gattaca - Gattaca, Andrew Niccol (1997)

Dans un monde futur, on peut choisir le code génétique des enfants. Gattaca est un centre d'études et de recherches spatiales pour des gens au patrimoine génétique impeccable. Jérôme, candidat génétiquement idéal, voit sa vie détruite par un accident tandis que Vincent, enfant naturel, donc au capital génétique « imparfait », rêve de partir pour l'espace. Chacun des deux va permettre à l'autre d'obtenir ce qu'il souhaite en déjouant les lois de Gattaca.


Premier film de Andrew Niccol qui signait là une des oeuvres les plus marquantes de la science fiction utopique et alarmiste. Dès les premières minutes, nous pénétrons un monde froid et aseptisé où déambulent des êtres parfaits au physique longiligne et au visages sans défauts. C'est la société de Gattaca (terme associant les quatres éléments essentiels composant le génome humain Guanine, Cytosine, Adénine et Thymine), pratiquant l'eugénisme à l'échelle moderne et faisant de vos gènes le critère essentiel pour accéder à de haute fonction.

Dans cet univers, Jérôme (Ethan Hawke) est un des meilleurs éléments mais on va bientôt découvrir qu'il n'est pas ce qu'il prétend être. Andrew Niccol fait des miracles avec un budget limité pour illustrer son futur, à la fois très avancé stylisé et dépouillé et fuyant tout clinquant inutile. On pense bien évidemment au THX1138 de George Lucas pour l'esthétique (des scènes ayant même été tournées au "Marin County Civic Center", ouvrage réalisé par l'architecte américain Frank Lloyd Wright en 1957 à San Rafael qui abrita le tournage du film de Lucas également) désincarnée et les personnages glaciaux mais aussi au Meilleur des Mondes de Aldous Huxley au message similaire.

Niccol rend pourtant le film unique associant ses influences à un vrai drame humain. Gattaca est un monde où plus aucune chance n'est laissée au hasard et où tout est prédéterminé. C'est contre ce destin tout tracé que se dresse Vincent dont le rêve est d'aller dans l'espace. Un flashback puissant nous fait découvrir le véritable chemin de croix traversé par "les enfants de l'amour" mis de côté par leur failles potentielles (et non avérées) et cela dès le jour de leur naissance comme le démontre une sordide scène d'accouchement où la sage femme dénombre toutes futures caractérisques physiques et mentales du nourrisson (y compris le jour de sa mort).

Est ce les gènes dont nous avons été doté qui nous rende légitime ou la volonté de ce que l'on souhaite faire de nos atouts qui nous rend légitime ? Là est la grande question du film avec un Vincent imparfait mais habité d'une vraie foi pour son projet auquel il sacrifie tout à l'inverse de Jérôme (premier rôle de Jude Law qui n'a jamais été meilleur) possédant le physique mais pas l'envie de s'élever au firmament. La relation de Jérôme avec son frère génétiquement parfait (Niccol semble vraiment avoir mis beaucoup de lui même dans cet rapport) est également passionnante, à travers cette éternelle rivalité où une nouvelle fois le mental et l'envie vont faire la différence lors de deux scène clé où ils se défient à la natation. C'est en battant son frère une unique fois que Jérôme découvre que rien n'est déterminé, s'il s'en donne les moyens il peut renverser des montagnes.

Niccol distille également une ambiance de thriller très originale à travers les stratagèmes que doit employer Vincent pour donner le change. Dans ce monde hyper contrôlé, la perte d'un cil devient soudain dramatique et Vincent doit constamment rester sur ses gardes pour ne pas se trahir. L'enquête policière parallèle (très bon Alan Arkin en policier génétique) maintient la pression sur notre héros avant son départ pour l'espace.

L'histoire d'amour entre la distante Uma Thurman qui fend l'armure progressivement (et dépasse ses préjugés) au contact de Vincent réserve également de beaux moments tel ce lever de soleil au petit matin (pour l'encdote Ethan Hawke et Thurman sont tombé amoureux sur le tournage et l'alchimie se resssent). Ethan Hawke est formidable de bout en bout et se débarrassait définitivement là de l'image de jeune rebelle de la Génération X pour prouver qu'il était un grand acteur, il retrouvera Niccol sur Lord of War en 2005.

Produit sur la foi du script de Niccol par la société de production de Danny De Vito, le film attire un casting prestigieux puisqu'en dehors du duo vedette on retrouvait Anan Arkin, Loren Dean ou le grand Ernest Borgnine. Succès relatif à l'époque, le film est devenu culte avec le temps. On est pas prêt d'oublier la dernière séquence et le regard de Vincent prenant enfin son envole sur les score envoutant de Michael Nyman, grand film.

Facilement trouvable en dvd zone 2

mercredi 19 mai 2010

La Fille de Ryan - Ryan's Daughter, David Lean (1970)

Après les succès colossaux de ses 3 précédents films (Le Pont de la Rivière Kwai, Lawrence D'Arabie, Docteur Jivago) également salué par la critique, David Lean revient là à un scenario original pour ce qui sera son dernier grand chef d'oeuvre.

Comme d'habitude la petite histoire se mêle à la grande pour dépeindre le destin des personnages même si le ton se fait plus intimiste (sur le fond du moins) ici que dans ses trois précédents film. On suit le destin de Rose jeune fille ne rêvant que de grande épopée romantique et donc forcément à l'étroit dans ce petit village isolé. Amoureuse de son professeur dont l'érudition est synonyme d'ouverture vers l'extérieur elle l'épouse mais une scène de nuit de noce assez pathétique lui fait vite comprendre la vie assez morne qui l'attend, arrive alors un bel officier anglais bien torturé qui va faire basculer son destin.

Lean capte parfaitement l'atmosphère de ces petits villages où règne le poids du quand dira t on, des regards, ici exacerbé par un patriotisme violent dû à l'occupation anglaise entrainant une forte tension pleine de complots potentiels, la rancoeur et la suspicion s'avérant avoir des conséquences tragiques: on passe ainsi à la cruauté ordinaire envers l'idiot du village en début de film à une traumatisante scène de lynchage collectif au final.

L'interprétation est assez inégale, et c'est les vieux briscard s'en sortent le mieux. Trevor Howard en curé gueulard en impose énormément, figure d'autorité néanmoins compréhensive et à l'écoute tandis que Mitchum en contre emploi total campe un instituteur rural simple et touchant. John Mills en idiot du village est aussi pathétique et bouleversant (oscar à la clé) et la galerie de trognes jouant composant les villageois est parfaite. Sarah Miles (femme du scénariste Robert Bolt) parait un peu tendre pour son personnage mais apporte une fraicheur et un spontanéité inouïe surtout en début de film mais Christopher Jones s'avère d'une rare fadeur en officier amoureux (plus convaincant en soldat traumatisé par le front) manquant de plomber l'histoire d'amour pilier essentiel du film.

C'est là qu'intervient le principal atout du film la mise en image d'un David Lean au sommet de son art. Pour compenser les carences de l'interprétation Lean se repose plus que dans tout autre de ses films sur l'image pour raconter son histoire. Les amants échangent finalement très peu de mots mais une stupéfiante scène de coup foudre (on ressent comme rarement le sentiment d'intensité et d'oubli de tout ce qui existe autour dans situations là) et une scène d'amour en pleine forêt (où l'éclosion de la faune accompagne l'épanouissement des amants) d'une tétanisante beauté suffisent à nous faire partager les sentiments des héros.

La photo de Freddie Young est une splendeur et nous offre des vues majestueuse de la cote irlandaise, de ses colline verdoyante et ses plaines immenses. Malgré le côté un peu hypertrophié (récit moins riche qu'un Jivago ou un Lawrence D'Arabie) on ne peut qu'être subjugué par la beauté des images.

Sans oublier des scènes d'anthologie comme l'union du village pour repêcher des armes destiné à la résistance irlandaise ou encore l'éprouvante scène de lynchage où on retrouve toute la cruauté dont peut faire preuve David Lean et on tient le travail le plus impressionnant du maître en terme de mise en scène (même si le romanesque Docteur Jivago conserve ma préférence). Le beau score de Maurice Jarre étant utilisé avec plus de retenue qu'à l'accoutumée.

Le contexte historique moins fouillé qu'à l'ordinaire mais toujours très bien vu également et sans manichéisme avec des soldats anglais parachutés là qui font ce qu'ils peuvent (un brillant dialogue dans le pub l'illustre bien et des Irlandais hargneux et revanchard qui veulent leurs libertés.

Sorti en plein avènement du Nouvel Hollywood où les figures d'un certain classicisme étaient montrées du doigt, le film fut injustement éreinté par la critique. David Lean subit également l'humiliation d'une conférence de presse transformée en lynchage par la journaliste Pauline Kael et ses sbires qui l'incita à s'éloigner de la réalisation les 15 années suivantes avant de terminer sa carrière sur La Route des Indes.

Disponible dans une belle édition zone 2 warner comme le prouve les belles captures ci dessus.


mardi 18 mai 2010

Blonde - Joyce Carol Oates

 

Une des grandes nouvelles en provenance du Festival de Cannes aura été l'annonce d'un biopic de Marilyn Monroe avec Naomi Watts dans le rôle, le tout réalisé par Andrew Dominik, réalisateur de l'excellent L'Assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford. Un biopic poussif de plus pensez vous et non pas du tout puisque le film sera une adaptation du roman de Joyce Carol Oates Blonde, paru chez nous en 2002. Le livre est une biographie romancée de Marilyn Monroe dont il offre un réinterprétation de la psychologie et donne une nouvelle vision des différents événement qui ont jalonnés sa vie, de son enfance à sa mort tragique. Détesté par les fanatiques les plus ardents de Marilyn pour les libertés prises, le livre nous fait entrer dans son intimité comme rarement. Le plaisir et le complexe de n'être vue que comme un objet de fantasme, les récits des tournages et la manières dont Marilyn s'approprie chacun de ses rôles mythique (Niagara, 7 ans de réflexion...) de manière instinctive, tout cela narré de manière fascinante et avec une rare empathie pour la personnalité troublante de Norma Jean Baker. Le mystère autour de l'actrice reste entier puisqu'elle apparait autant comme la ravissante idiote blonde que le commun des spectateur s'imagine que comme un être profonde et sensible. Les passages les plus dramatiques comme le tournage de Certains l'aiment chaud où elle est censé faire rire alors qu'elle sort d'une fausse couche sont formidable, tout comme ceux évoquant le mythique The Misfits et son casting en lambeau. Le fan ouvert de Marilyn y verra un superbe hommage respectueux et risqué à la fois, et les autres auront un tout autre regard de celle qu'il ne voyait que comme une bimbo blonde (et s'intéresseront peut être de plus près à sa vie et ses films). Une première adaptation peu appréciée fut diffusée à la télévision avec Poppy Montgomery. Vu le fabuleux travail de démythification qu'il a offert avec L'assassinat de Jesse James, Andrew Dominik est en tout cas le candidat idéal pour l'adaptation et Naomi Watts (même si un peu mince il est vrai pour la sculpturale Marilyn) devrait être formidable. En attendant le film, tentez le livre ! Blonde paru aux éditions Livre de Poche En prime une interview intéressante de Joyce Carol Oates 

Ulysse - Ulises, Mario Camerini (1954)


Conquérant de troie , Ulysse (Kirk Douglas) essuie la malédistion de Cassandre , qui lui prédit que les dieux contrarieront son retour jusqu'à sa mère patrie , Ithaque.
De fait , une série de péripéties et de confrontations périlleuses vont considérablement le retarder. Mais le plus grave se joue à Ithaque , son royaume , où la reine Pénélope (Silvana Mangano) , sa femme , l'attend depuis de longue années déjà. Le trône laissé vacant , de nombreux prétendants briquent à la fois la main de Pénélope et la couronne d'Ithaque. Préssée de toutes parts , Pénélope a jusqu'alors réussi à repousser toutes les demandes par un subterfuge qui ne trompe plus personne : une tapisserie. L'orsqu'elle aura achevé celle-ci , elle sera libérée de son lien à Ulysse et devra accepter l'un des prétendants.


Etrangement, alors que L'Iliade comporte foule de versions plus ou moins fidèle sur grand écran, L'Odyssée n'a jamais suscitée le même engouement et ce film constitue pratiquement la seule adaptation cinéma connue. On ne s'en plaindra pas puisque c'est tout simplement un des plus grands films du genre.

Dans la foulée des films monumentaux entrepris pour entamer la concurrence de la télévision (Quo Vadis, La Tunique) , les studios américain investissent également à l'étranger pour que les écrans soient au maximum alimenté en oeuvres spectaculaires. La qualité du film tient grandement de cette association de talent, de moyens et d'influence artistique venus des deux côté de l'Atlantique. Ainsi au capitaux américains s'ajoute l'apport des deux monstres sacrés que sont les producteurs Carlo Ponti et Dino De Laurentiis, le grand Ben Hecht contribue au scénario et on a une vraie superstar au pic de sa carrière (par sur le déclin ou devant sa notoriété aux films italiens comme cela arrivera plus tard donc) en la personne de Kirk Douglas qui créera sa société de production Bryna dans la foulée.

Le film mélange ainsi les gros moyens américain et un sens de la poésie et de la tragédie tout européen. La reconstitution est ainsi exemplaire, les décors et costumes réellement fastueux et le film étonne par la qualité de ses effets spéciaux (le Cyclope est réellement impressionnant on est loin du bric et broc du péplum rital) et de ses séquences d'actions époustouflantes.

Le scénario respecte parfaitement le poème d'Homère dans sa trame (même si Calypso disparait du récit), mais le ton est cependant bien différent au niveau du traitement du personnage d'Ulysse, marqué par la personnalité de Kirk Douglas. Alors que dans L'Odyssée, les tourments d'Ulysse étaient souvent dû à la maladresse et à la bêtises de ses compagnons, le propos est radicalement inversé ici. Le Ulysse de Kirk Douglas est un homme constamment tiraillé entre ses aspirations à l'aventure et à une existence palpitante et le désir de rentrer chez lui et retrouver la paix auprès de sa famille. C'est donc son inconscience face au danger, son air de défi face aux Dieux qui entraîne constamment son équipage dans les situations les plus périlleuses, jusqu'à les mener à leurs perte lorsqu'il sera ensorcelé par Circé.

C'est ce dernier évènement qui amènera la sagesse nécessaire au personnage. Ce changement rend Ulysse bien plus humain et faillible que dans le poème d'Homère où il était idéalisé, d'autant que son sens de la ruse et des stratagèmes est parfaitement illustrés dans le film. Kirk Douglas est absolument parfait pour exprimer toute ces nuances et le reste du casting est tout aussi bon. Silvana Mangano encore toute jeune (23 ans à l'époque) campe à merveille cette femme mûre désespérée, Anthony Quinn excelle en prétendant comploteur et orgueilleux et Rossanna Podesta (qu'on reverra plus tard dans les meilleurs Hercule) touchante en jeune amoureuse d'un Ulysse amnésique.

Mario Camerini, touche à tout qui aura tâté de tout les genre (dont déjà un péplum avec un Maciste muet), de la satire sociale à la grande épopée romanesque, offre un travail remarquable. Parvenant à mêler le spectaculaire à l'américaine (le passage avec le Cyclope annonce Jason et les Argonautes), le fantastique le plus envoûtant (les sirènes, Circé) et un sens de la tragédie bouleversant lorsqu'on assiste aux épreuves de Pénélope. On appréciera la manière dont il revisite le face à face avec Circé (double rôle de Silvana Mangano) dont l'ambiance morbide et les éclairages expressionniste anticipe les travaux à venir de Mario Bava, tout e en confrontant Ulysse à son passé et à ses responsabilité lorsque lui est offert l'immortalité.

Parmi les moments les plus impressionnant, le face à face avec le Cyclope donc, des séquences en mer fabuleuse et surtout le morceaux de bravoure final aussi bref que furieux où Ulysse décime à lui seul tout les prétendants au trône. Une scène féroce à souhait et à la montée dramatique parfaite. Un des meilleurs péplums italiens et un excellent film d'aventure en prime qui vieillit particulièrement bien.

Trouvable en dvd zone 2 français malheureusement épuisé mais récemment réédité en zone 1

lundi 17 mai 2010

Miracle au village - The Miracle of Morgan's Creek, Preston Sturges (1944)


Trudy Knockenlocker est la fille du commandant de la garnison locale. Après la fête d'adieu des soldats, lui reviennent de vagues souvenirs d'un soldat auquel elle serait mariée. Pourtant, elle ne se rappelle pas de son nom. Quelques semaines plus tard, elle découvre qu'elle est enceinte... Entre en scène Norval, un camarade de classe. Mis au parfum, lui propose de devenir le père de l'enfant.


Preston Sturges aura traversé comme un météore le paysage du cinéma américain. Inaugurant par son audace la segmentation d’alors en étant le premier scénariste intronisé réalisateur à Hollywood, Sturges aura connu un âge d’or fulgurant de l’inaugural Gouverneur malgré lui (1940) à The Great Moment (1944) qui amorcera son déclin en dépit d’autres réussites comme Infidèlement vôtre (1948). Un moment où tout semble lui réussir avec un mélange détonant de comédie et mélodrame explorant des thèmes sociaux audacieux. Le traitement comique est novateur, introduisant des éléments de cartoon et de parodie qui rénoveront la comédie américaine de la décennie suivante tandis que sous cette facette l’argument dramatique n’appelle pourtant pas à la gaudriole et est encore souvent marqué par la Grande Dépression des années 30. C’est le couple pensant à tort avoir gagné à la loterie dans Christmas in July (1940) ou encore la dernière partie étonnamment sombre des Voyages de Sullivan (1941). Miracle au village allait s’inscrire dans cette lignée et chronologiquement se situe dans cette période d’ébullition créatrice puisque bien qu’il soit sorti en 1944, le film fut tourné en 1942 et retardé à cause d’un embouteillage de nouveautés à sortir au sein de la Paramount.

Le postulat est des plus provocateurs et audacieux, narrant les mésaventures de la jeune Trudy (Betty Hutton) qui suite à une fête d'adieu de soldat trop arrosée dans son village se réveille mariée et enceinte sans avoir aucun souvenir du père. Norval (Eddie Bracken), son meilleur ami et amoureux d'elle depuis l'enfance entre en scène et décide de l'aider en l'épousant. Mais pour cela il faut trouver le moyen d'annuler le premier mariage, rester discret pour ne pas s'attirer la vindicte morale du village et surtout dissimiler les évènements au très orageux et protecteur père de Trudy génialement joué par William Demarest. Une situation anodine aujourd'hui prend des proportions monumentales dans la société américaine prude des années 40. Le script est d’ailleurs si habilement ficelé que le film malgré ses écarts passera entre les mailles du Code Hays alors qu’à la première lecture en 1942, seulement dix pages en seront approuvées. L’intelligence de Sturges sera d’entremêler une réelle dimension morale à un regard critique sur les dysfonctionnements de l’époque sous couvert d’humour. Le contexte de cette Amérique en guerre suscite fascination et une dévotion pour l’uniforme militaire amenant une idolâtrie démesurée et une promiscuité malencontreuse entre les « boys » en permission et les jeunes filles énamourées. Sturges avait déjà abordé ce thème dans son remarquable Héros d’occasion (1944) où Eddie Bracken malheureux réformé passait pour un héros de guerre et amenait l’hystérie collective dans sa petite communauté fière de l’enfant du pays. Le suivisme des masses en quête d’une image plutôt que d’une personne – on peut ajouter l’inaugural Gouverneur malgré lui (1940) sur ce thème -, la goujaterie militaire cherchant du bon temps et une prévention des jeunes filles forment ainsi un tout cohérent et inattaquable.

Ce suivisme des masses aveugles est tout aussi intense pour exprimer l’opprobre moral envers notre héroïne, là aussi la jeune fille en détresse étant oubliée pour le seul jugement intolérant envers celle qui a fautée. Les gags et situations loufoques viennent atténuer le sort pourtant peu enviable des filles-mères quasiment livrées à elles-mêmes et il faudra les stratagèmes les plus farfelus pour s’en sortir. Les quiproquos et situations extravagantes sont légions notamment la grandiose séquence où Trudy et Norval vont tenter de se marier sous de faux noms, l’anxiété du second s’avérant un écueil de taille. Eddie Bracken est un chevalier servant aussi ordinaire qu’attachant, dévoué à sa dulcinée dont il veut sauver l’honneur. Betty Hutton dans un rôle potentiellement frivole et/ou antipathique dégage aussi une belle émotion dans la culpabilité de son personnage, notamment la scène où elle ne peut se résoudre à piéger Norval pour qu'il l'épouse et lui avoue tout. On retrouve à travers eux la tendresse de Preston Sturges pour les gens du peuple, toujours juste quand il adopte leur point de vue – Christmas in July – et jamais condescendant lorsqu’il prend celui d’un bienfaiteur comme dentiste de The Great Moment ou le cinéaste des Voyages de Sullivan.

Les seconds rôles sont tout aussi truculents et en plus de William Demarest, Diane Lynne (un peu mûre pour les 14 ans de son personnage) en petite sœur espiègle et à la langue bien pendue est adorable. Le film constituera un vrai tour de force jusque dans la conclusion pour décanter une situation inextricable où il est question de la nature très particulière de l'accouchement de Betty Hudson. Un final délirant typique du réalisateur qui en avait façonné un tout aussi fou dans The Palm Beach Story (1942) notamment. Cerise sur le gâteau, on savourera l’autocitation en retrouvant Brian Donlevy et Akim Tamiroff qui reprennent leur rôle de Gouverneur malgré lui  en ouverture et en conclusion. Un bijou de comédie.

Disponible en dvd zone 1 doté de sous titres anglais chez Paramount


dimanche 16 mai 2010

2010 : l'Année du Premier Contact - 2010 : The Year We make Contact, Peter Hyams (1984)


Neuf années ont passé depuis l’incident, toujours inexpliqué, survenu au vaisseau DISCOVERY qui poursuit seul son errance, en orbite autour de Jupiter. Alors que les relations russo-américaines ne sont pas au beau fixe, le Dr Dimitri Moisevitch s’arrange pour rencontrer Heywood Floyd et émettre l’idée d’une mission conjointe entre astronautes et cosmonautes. Après de nombreuses tergiversations, les instances des deux puissances spatiales finissent par trouver un accord. L’équipage du "LEONOV", sous commandement russe, comportera quelques membres de la NASA, plus à même de remettre en fonction HAL et ramener DISCOVERY sur Terre.Impensable jusque là, il fallu la folie SF générée par les succès de Star Wars et Alien (qui retomba avec ce film et Dune de David Lynch sortis la même année et échec cuisant au box office) pour que cette suite décriée de l'intouchable chef d'oeuvre de Kubrick voit le jour. A la place du réalisateur visionnaire, un solide technicien déjà rompu au genre avec l'excellent "Outland" 3 ans plus tôt et un ton radicalement différent mais qui parvient à inclure les élément les plus fascinant du film de Kubrick dans son intrigue. Adapté du roman de Arthur C. Clarke faisant suite à 2001, "2010 : Odyssée Deux", l'intrigue s'en trouve paradoxalement plus datée en plongeant les personnages en pleine guerre froide, ce qui amènera quelques interactions intéressante entre les membres de l'équipage mais qui sape un peu la tension du final sur fond de 3e guerre mondiale. Chose qui étonnement n'aura jamais posé problème à la revoyure dans Abyss, le contexte et la conclusion des deux films étant très proche, la petite touche de génie et d'émotion en plus pour le Cameron.


Les autres grosses différences sont plutôt dû à la volonté de Peter Hyams de donner au film son identité propre, sachant bien qu'il serait lapidé en marchant sur les traces de Kubrick. Là où 2001 est tout en ellipses, mystère et questionnement constant, le scénario de "2010" explique en détail tous les faits restés en suspens dans le premier film, le dysfonctionnement de HAL n'étant pas des moindres. Réalisé au pic de la fascination du grand public pour la conquête spatiale (avec le premier homme sur la lune l'année suivante), Kubrick usait d'une imagerie flamboyante qui dépaysait totalement le spectateur, le faisant rêver en l'emmenant ailleurs. Au contraire Peter Hyams dans la lignée de son Outland et fidèle au parti pris réaliste instauré par Alien nous dépeint un vaisseau au intérieur moins clinquant que le Kubrick et à l'aspect plus austère et fonctionnel. Il en va de même pour les scène sur Terre identique à l'Amérique de l'époque. Plus globalement, là où Kubrick rendait son monde le plus éloigné possible du notre, Hyams cherche au contraire à entretenir la proximité entre eux.

Une première demi heure exemplaire de concision qui met en place la nouvelle mission et les enjeux pour se retrouver assez rapidement dans l'espace en route pour le Discovery. Roy Scheider reprend le rôle de Heywood Floyd (incarné par un William Sylvester plus mûr dans 2001) rongé par la culpabilité au vu de sa responsabilité de l'expédition du premier film et qui constituera la principale motivation à repartir. Le reste du casting est tout aussi solide avec Helen Mirren en commandant russe, John Lithgow en ingénieur de la NASA et Bob Balaban technicien en charge de révéler les secrets de HAL.

L'intrigue assez classique utilise bien les élément mis en place dans 2001, notamment l'attraction et les objectifs obscurs généré par le Monolithe, peu présent mais occasionnant des séquence de toute beauté. Le personnage de Dave Bowman totalement transfiguré par son expérience du premier film revient également et Hyams utilise brillamment ses différentes incarnation de la fin de 2001 lors d'une scène où il vient mettre Roy Scheider en garde. Hyams livre d'ailleurs volontairement d'autres séquences miroirs de 2001, visuellement comme la réactivation de HAL ou encore une haletante sortie dans l'espace, ou thématiquement comme lors du final tendu où une nouvelle crise de paranoïa de HAL pourrait conduire au désastre.Tout n'est pas parfait cependant, le surexplicatif par le dialogue est assez pénible par moment, tout en en révélant paradoxalement moins que le tout image de Kubrick qui donnait une vraie hauteur aux évènements et laissait libre court à l'interprétation. Kubrick avait d'ailleurs manifesté son mécontentement à ce sujet dans le livre d'entretien de Michel Ciment.


Là où le film s'avère par contre irréprochable, c'est sur son design et ses effets visuels avec la crème des techniciens de l'époque aux commandes, notamment Syd Mead à la conception des décors (des petites choses comme Blade Runner, Tron ou Aliens au CV) et Richard Edlund aux effets visuels. Entre les maquettes saisissantes de détails et les matte painting invisibles, les séquences spatiales sont fabuleuses dans l'ensemble et le film s'avère encore très impressionnant aujourd'hui, la photo splendide de Hyams en personne ajoutant encore à la tenue technique exceptionnelle de l'ensemble. Dénué du génie visionnaire et du pouvoir de fascination du Kubrick, une suite tout à fait honorable donc, tenant largement la route sans être un classique du genre.

Dvd facilement trouvable chez Warner en zone 2 et zone 1