Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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jeudi 23 novembre 2023

L'entreprenant Mr. Petrov - Shall we dance, Mark Sandrich (1937)


 Paris, 1937. Danseur étoile dans les ballets russes, Petrov envisage d'introduire des numéros de claquettes dans les chorégraphies classiques. Il rêve par ailleurs d'épouser la belle Linda Keene, vedette du music-hall américain, dont il s'est follement épris. Lorsque celle-ci embarque pour son pays natal, il n'hésite pas une seconde. S'il lui faut traverser l'Atlantique pour conquérir l'objet de son affection, alors il traversera l'Atlantique. D'ailleurs, ne s'appelle-t-il pas de son vrai nom Pete P Peters, natif lui aussi du pays de Washington et Roosevelt ? La manoeuvre aura également l'avantage de lui permettre de fuir les avances d'une admiratrice énamourée, lady Tarrington...   

Shall we dance est le septième film (sur neuf) du duo à succès Fred Astaire/Ginger Rogers dans la comédie musicale des années 30. C'est l'occasion pour eux de travailler à nouveau avec Mark Sandrich, réalisateur derrière certaines de leurs plus belles réussites comme La Joyeuse Divorcée (1934), Le Danseur du dessus (1935), En suivant la flotte (1936) et plus tard Amanda (1938). Un autre atout se profile lorsque le producteur de la RKO Pandro Berman parviendra à attirer les frères George et Ira Gershwin pour les bande-originale et les chansons. Ce sera d'ailleurs un des derniers travaux de George Gershwin qui décèdera tragiquement l'année suivante.

Le film n'est malheureusement pas la réussite attendue à cause d'un défaut de taille, son scénario. Même si la formule Astaire/Rogers avait ses codes et leitmotiv parfois redondant, le charme du duo, la variété des environnements et les chansons mémorables assuraient de passer un bon moment. Ce n'est pas totalement le cas ici, notamment à cause du vrai rendez-vous manqué avec le postulat prometteur du récit. Le rapprochement amoureux entre les personnalités dissemblables de Petrov (Fred Astaire) et Linda Keene (Ginger Rogers) devait aussi être la rencontre et la possible fusion entre leurs deux disciplines de danse différentes, le ballet pour lui et le music-hall pour elle. Cette connexion n'a réellement lieu que sur un seul numéro musical, They Can't Take That Away from Me

Les circonstances forcent Petrov et Linda à être partenaires devant une assemblée, et l'occasion de se faire pardonner pour Petrov. Sandrich filme le moment comme une sérénade amoureuse où Astaire "volète» autour de Rogers immobile selon une gestuelle ample et gracieuse de ballet, puis adopte progressivement la frénésie tout en claquettes et mouvement saccadé du foxtrot face à une Rogers médusée de lui découvrir de telles aptitudes. Elle ne peut s'empêcher de suivre progressivement ses pas, le numéro individuel devient enfin duo, les visages renfrognés se font souriant et complices et la réconciliation du couple se construit par la danse sans que des excuses ou explications superflues n'aient été nécessaire.

Avant ce grand moment et en dépit d'autres numéros dansés enthousiasmants (Slap That Bass avec des danseurs afro-américains où Astaire synchronise sa chorégraphie à la machinerie d'un yacht) le film s'égare dans un très laborieux marivaudage sur le vrai/faux mariage médiatisé de Petrov et Linda dans de la screwball comedy poussive. L'alchimie entre Astaire et Rogers fait épisodiquement illusion grâce à quelques répliques bien senties, mais il s'écoule un temps fou sur cette intrigue peu palpitante entre des numéros musicaux bien trop éloignés. Il y aurait même à redire sur l'attitude de certains protagonistes masculins puisque si la drague insistante de Petrov peut amuser, les manigances de Miller (Jerome Cowan) le manager de Linda pour la garder sous sa coupe sont assez discutables. On pourrait certes dire de même pour Flintridge (Eric Blore), patron de Petrov mais ce dernier a suffisamment l'occasion de l'humilier et se moquer de lui pour ne pas laisser la même désagréable impression que pour Linda.

Heureusement nous sommes malgré tout récompensé par l'ultime numéro qui justifie à lui seul la vision du film. Le mémorable Hoctor's Ballet permet à la danseuse Harriet Hoctor d'offrir une chorégraphie mémorable, avançant cambrée en arrière tout en effectuant des pointes. Puis le grand final Shall We Dance/ Finale and Coda reprend en partie l'idée du numéro I Only Have Eyes for You de Busby Berkeley dans Dames (1934) à savoir démultiplier le visage de la femme aimée sur le visage de toutes les danseuses. Aux arabesques vertigineuses et hypnotiques de Berkeley, Sandrich ne quitte jamais l'espace de la scène et confère un aspect jovial et intimiste lorsque Petrov devine la vraie Linda parmi les danseuses masquées et entame une partie de cache-cache endiablée. Une idée aussi romantique qu'inventive qui fait en définitive pardonner certains des pénibles errements du film. 

Sorti en dvd zone 2 français aux éditions Montparnasse

lundi 20 novembre 2023

Pour l'exemple - King and Country, Joseph Losey (1964)


 En 1917, dans les tranchées britanniques de Passchendaele, un soldat de l'armée anglaise, Arthur Hamp, est accusé de désertion après s'être rendu à l'arrière du front pour rentrer chez lui. Lors de son procès militaire, il est défendu par le capitaine Hargreaves. Ce dernier va tout faire pour tenter de sauver la vie de Hamp, qui s'était porté volontaire au début de la guerre et est l'unique survivant de sa compagnie. Lorsqu'on lui demande la raison de sa désertion, il explique simplement avoir décidé de faire une promenade en marchant à pied jusqu'à son domicile à Londres.

Pour l’exemple est l’autre grand film après Les Sentiers de la gloire de Stanley Kubrick (1957) à dépeindre une autre terrible injustice judiciaire et militaire durant la Première Guerre Mondiale. Si Kubrick se basait sur des faits réels, Losey adapte lui la pièce Hamp de John Wilson, elle-même tirée du roman Return to the Wood de James Lansdale Hodson publié en 1955. Autre comparaison avec Les Sentiers de la gloire, la première partie du film dépeint les évènements qui précèdent et conduiront à l’exécution finale injuste alors que Losey conserve le huis-clos de la pièce tout en échappant au théâtre filmé.

Le drame antérieur fonctionne de façon évocatrice et humaniste, par le seul prisme de la vulnérabilité du malheureux accusé, le soldat Arthur Hamp (Tom Courtenay). Ce dernier, arrivé au bout de ses ressources physiques et psychiques avait tout simplement entamé une marche erratique loin de sa garnison après avoir une fois de plus échappé à la mort. Ne comprenant pas le profond désespoir de l’acte, l’administration militaire engage un procès pour désertion susceptible d’aboutir à l’exécution de Hamp. L’atmosphère morbide s’instaure dès les premiers instants où défilent des images fixes de monuments guerriers puis du front, des visions de désolation faites d’étendues grisâtres et boueuses jonchées de cadavres. Un terrible fondu enchaîné passe d’un corps décomposé et son visage squelettique à celui de Hamp, le marquant d’emblée du sceau de la fatalité. 

Joseph Losey passe par plusieurs biais, à la fois pour expliquer le geste désespéré de Hamp mais aussi nous faire comprendre le contexte qui guidera la sentence cruelle qu’il subira. Le clivage de classe au cœur de la société anglaise est sur ce front de guerre guidé par l’hypocrisie des gradés et nantis n’ayant guère l’occasion de goûter à l’épreuve du feu. Eux qui sont mobilisé depuis bien moins que les trois ans d’enfer de Hamp, sont à cheval sur le sens de l’honneur et du drapeau, et le geste du déserteur paraît une infamie lâche dans la grande tradition britannique conquérante et fantasmée de Les Quatre plumes blanches notamment dans la version de Zoltan Korda de 1940). Ce clivage de classe va notamment se jouer entre Hamp et Le capitaine Charles Hargreaves (Dirk Bogarde) en charge de sa défense au procès. Condescendant et détaché avant de rencontrer l’accusé, Hargreaves va peu à peu compatir face à la naïveté de Hamp et ses douloureuses confidences. Pourtant de leur première à leur dernière rencontre, il ne se départira pas de sa supériorité de grade et surtout de classe envers Hamp, ce qui implicitement ôtera la conviction nécessaire à sa pourtant belle plaidoirie.

Sans goutter directement à la guerre, l’environnement se fait hostile et oppressant dans cette garnison. Losey alterne entre une mise en scène immersive observant les troufions dévitalisés vaquant à leurs tâches, et les plongées scrutant les silhouettes anonymes pataugeant dans la boue. Il y cette même dualité entre le relatif confort de la salle des officiers, s’affairant aux futurs manœuvres sanglantes auxquelles ils ne participeront pas directement, et la grange humide où croupit Hamp. La photo de Denys Coop plonge la silhouette frêle du malheureux dans la pénombre de ce lieu insalubre, où il conserve seul sa dignité face à des visiteurs symbole de la faillite du système : ses camarades le temps d’une beuverie sinistre, un prêtre venu l’absoudre d’on ne sait quoi et Hargreaves rongé par la culpabilité. Hamp en tant « qu’inférieur » ayant eu un comportement digne de sa classe, doit par son exécution servir d’exemple pour galvaniser d’autres soldats promis à un massacre qu’il cherchait à fuir. Une œuvre cinglante dont le minimalisme offre un complément davantage qu’une redite de Les Sentiers de la gloire.

Sorti en dvd zone 2 français chez StudioCanal

samedi 18 novembre 2023

Il était une fois en Chine 5 : Dr Wong et les Pirates - Wong Fei Hung chi neung: Lung shing chim ang, Tsui Hark (1994)

Wong Fei-hung aux prises avec Cheung, un redoutable pirate qui terrorise les habitants d'une région côtière depuis plus de 100 ans...

Dr Wong et les Pirates marque le retour à la barre de Tsui Hark sur la saga Il était une fois en Chine. Il avait délégué sa place de réalisateur sur le précédent volet, La Danse du dragon (1993). Ce film s’avérait un épisode de transition, un entre-deux introduisant Chiu Man Cheuk comme nouvel interprète de Wong Fei-hung. Cet opus hésitait entre l’approfondissement des thèmes politiques de la saga (cette fois n’intégrant pas seulement un contexte historique, mais un réel évènement avec la révolte des boxers), et le questionnement entre un renouvellement ou une redite complexe intégrant la personnalité différente du nouveau casting. 

Les préoccupations de Tsui Hark sont tout autres quand il se lance dans ce cinquième film. La saga Il était une fois en Chine est devenue une franchise lucrative qui s’apprête à être déclinée en parallèle sous forme de série télévisée (de 20 épisodes diffusés durant la saison 1995-1996) où l’on va retrouver Chiu Man Cheuk en Wong Fei Hung, ainsi que la même troupe d’acteur (Max Mok, Hung Yan-yan, Kent Cheng) jouant ses disciples. Il ne s’agit donc plus de composer une fresque ambitieuse à l’image des trois premiers films, mais de pencher vers une veine plus feuilletonnesque et serial où le spectateur peut retrouver le temps d’une aventure unitaire des protagonistes qu’il connait déjà bien.

On peut regretter ce virage, mais il a le mérite d’éviter au film le statut bâtard (mais fascinant) de La Danse du Lion. Le début de l’histoire instaure malgré tout une continuité avec un Wong Fei Hung et ses compagnons essayant de rentrer à Canton après les tumultes de la fin de La Danse du Lion. L’agitation générale a créée des zones de non-droit dans le pays et Fei Hung va traverser une région terrorisée par de redoutables pirates face auxquels il va naturellement s’interposer. Les occidentaux sont absents du film et avec eux tous les questionnements et ambiguïtés sur les rapports avec la Chine, remplacé par un triangle amoureux confrontant presque les incarnations de Wong Fei Hung. C’est le retour de Tante Yee (Rosamund Kwan) pour toujours dans l’esprit du public bien-aimée du Fei Hung de Jet Li, opposée à sa sœur Tante May (Jean Wang) love interest introduit en « remplacement » dans le volet précédent. 

Le personnage de Tante May est fortement mis en retrait tandis que l’alchimie si magique entre Rosamund Kwan et Jet Li ne prend jamais vraiment ici avec Chiu Man Cheuk, trop jeune et explicitement séduisant pour égaler la maladresse touchante de Jet Li malgré de sympathiques moments de marivaudages. Il y a vraiment un sentiment de « confort » et d’habitude que l’on cherche à réinstaurer, notamment dans les apartés comiques (globalement hilarant, Max Mok en tête) des disciples, certes récurrents dans la saga mais prenant ici plus de place faute d’avoir un Wong Fei Hung plus profond et habité.

Il y a malgré tout des éléments thématiques intéressant en filigrane, telle la question de devoir, de représentation de la loi devant résister à la terreur et corruption à travers ce groupe de policier se maintenant dans le village vaille que vaille. C’est entre autres leur courage et détresse qui incite Wong Fei Hung à intervenir, tandis que le chaos stimule au contraire l’instinct de spéculation des plus cupides avec ce marchand de riz défendant farouchement sa marchandise tout en laissant la population affamée. Dommage que tout cela ne soit pas davantage creusé pour privilégier le pur divertissement. De ce côté-là nous sommes servit avec des antagonistes peu approfondis mais charismatiques car fonctionnant sur une pure logique de bd. Ying (Elaine Lui), redoutable sous-fifre des pirates est auréolé d’un look mémorable et compense ses faibles aptitudes martiales par un vice de tous les instants avec sa multitude de pièges et bottes secrètes. 

L’affrontement dans la cave au trésor des pirates est l’occasion d’un numéro d’équilibriste et voltige virtuose entre caisses, vases et reliques où Wong Fei Hung défie un pirate centenaire. Chiu Man Cheuk y déploie toute sa maestria, tout comme dans le grand assaut final multipliant les situations et environnements périlleux, en particulier l’espace d’un arsenal explosif qui permet un spectaculaire déferlement de pyrotechnie. Une cassure majeure a d’ailleurs lieu dans cet épisode qui voit Wong Fei Hung et ses compagnons utiliser sans complexe les armes à feu, ce que se refusait totalement l’incarnation de Jet Li et qui était en parfaite adéquation thématique avec le propos sur l’obsolescence des arts martiaux face à la technologie des « diables d’étrangers ». Il n’y a pas autant d’état d’âmes ici et si l’on regrette cette contradiction, visuellement cela confère au film des airs de westerns survolté, par exemple lors de l’infiltration de l’antre des pirates.

Si la veine épique des précédents films manque, le virage serial est néanmoins diablement efficace et spectaculaire, faisant de ce Dr Wong et les Pirates une merveille de divertissement. On n’en dira pas autant de l’infâme sixième film à venir, Dr Wong en Amérique (1995) qui marquera pourtant le retour de Jet Li.

Sorti en dvd zone 2 français chez Metropolitan HK Vidéo

jeudi 16 novembre 2023

Le Jour où la Terre prit feu - The Day the Earth Caught Fire, Val Guest (1961)

Les États-Unis et l'URSS réalisent simultanément un puissant essai nucléaire dans le Cercle arctique. Des séismes et des phénomènes climatiques inhabituels se produisent par la suite. Pour la presse puis la population, la corrélation est vite faite. De son côté, Peter Stenning, un journaliste au Daily Express, un journal à sensation de Londres, découvre que le gouvernement britannique cache une terrible vérité : les essais nucléaires ont perturbé l'orbite de la Terre et celle-ci se dirige désormais vers le Soleil...

Le Jour où la Terre prit feu est une œuvre apparaissant comme une sorte de proto- film catastrophe bien avant l’explosion du genre dans les années 70. C’est en tout cas l’idée lors de ses morceaux de bravoures les plus spectaculaires et certaines visions apocalyptiques, mais le propos est bien plus riche que cela. Il s’agit d’un des projets les plus personnels de Val Guest qui mit près de huit ans à le financer, et y parvint grâce au succès de son film musical Express Bongo (1960). Bien que l’origine des anomalies affectant la Terre viennent d’essais nucléaires des deux blocs de l’URSS et des Etats-Unis dans le cercle arctique, le propos concerne moins la menace nucléaire en elle-même que la capacité de l’Homme dans sa nature profonde à courir à sa perte.

Le film offre ainsi une apocalypse à échelle humaine où les phénomènes des vont croissant. Nous le vivons depuis la rédaction d’un journal à travers le personnage de Peter Stenning (Leo McKern) qui va représenter un cheminement général de nos petites préoccupations égoïstes à une conscience d’une société au bord du gouffre. Le déplacement des premiers signes (hausse des températures, altération des lignes téléphoniques…) d’une notule aux gros titres du journal, la désinvolture initiale de Stenning dans ses investigations illustrent cela, avant que les éléments viennent rappeler l’humanité à ses responsabilités. 

De l’atmosphère bon enfant de la rédaction à la tension des derniers instants, et surtout de l’attitude égocentrique et détestable de Stenning jusqu’à son poignant monologue final, c’est toute une prise de conscience tardive qui se dessine pour les protagonistes face à une réalité qui se dérobe. Val Guest ne place le curseur sur ce microcosme que pour donner un visage à cette inconscience, mais le plus glaçant restent les allocutions politiques faussement rassurants émanant des postes radios et téléviseurs, enjoignant la population à ne pas paniquer face à des perturbations passagères dont les essais nucléaires ne sont pas responsables.

Un des aspects les plus glaçants du film pour un spectateur contemporain est que les anomalies climatiques lui semblent dangereusement familières. La cause en est différente dans le détail, mais similaire dans les grandes lignes à travers une course à la puissance (remplacée par la course au profit économique aujourd’hui) menée par des élites ne se préoccupant pas des conséquences sur l’environnement (dans le sens écologique comme social et humaniste) qui l’entoure. Les scènes de dérèglement climatique à grande échelle travaillent cela, spectaculaire dans leur imagerie mais à hauteur d’homme dans ses causes. 

On alterne entre trucages visuels dont la sidération sert presque une forme de poésie en prenant de la hauteur telle cette ville de Londres envahie par la brume, et un chaos dévastateur lorsque l’on redescend parmi le commun des mortels ayant à souffrir de la situation tel ce typhon titanesque. Val Guest renforce ainsi le réalisme des situations, notamment en insérant aussi des stock-shots de réelles catastrophes naturelles ou urbaines de l’époque, et où là aussi ce qui semblait hors-normes est désormais tristement coutumier (sécheresse, inondations, incendie de forêt…). On retrouve là le talent du réalisateur à instaurer une angoisse tangible sur ses postulats extraordinaires, comme sur ses perles sf que sont Le Monstre (1955) et La Marque (1957).

Le scénario ne perd jamais de vue les personnages dans ces réflexions, et les dote d’un cheminement passionnant. L’intérêt de Stenning ne s’éveille tout d’abord que pour la course au scoop, puis par le désir de séduire Jeannie (Jane Munro), avant d’amorcer une mue bienvenue en prenant conscience du péril en cours. Sans pousser les situations trop loin (censure oblige sans doute), Val Guest montre l’effondrement de la civilisation par le refuge hédoniste et égoïste face à l’amoncellement des privations lors de séquences glaçantes. Ce climat suffocant au propre comme au figuré finit par littéralement altérer la perception grâce à une brillante idée formelle, celle de donner une teinte dorée et brûlante à la texture de l’image pour faire ressentir la brûlure d’un soleil de plus en plus proche. La conclusion désenchantée nous laisse tragiquement à nos doutes, avec ses deux unes de journaux alternatives, l’une déclarant le monde sauvé et l’autre définitivement condamné. 


 Sorti en bluray français chez StudioCanal