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mardi 27 septembre 2022

Il était une fois en Chine 4 : La Danse du dragon - Wong Fei Hung IV: Wong je ji fung, Yuen Bun (1994)


 Wong Fei-hung et ses disciples se trouvent pris dans les tourments de la colonisation. Les grandes puissances étrangères cherchent en effet plus que jamais à faire de la Chine un dominion. Un tournoi de danse du dragon est organisé par les Allemands et leurs alliés du moment pour mettre à l'épreuve les Chinois. Wong Fei Hung est invité à représenter la Chine. Le docteur et maître en kung-fu devra également faire face aux élans nationalistes de certains Chinois et en particulier d'une secte de femmes.

Le Tournoi du lion (1993), troisième volet de la saga Il était une fois en Chine, en avait marqué une forme de conclusion officieuse. Le film était un aboutissement au niveau du cheminement des personnages avec un Wong Fei Hung (Jet Li) en parfait équilibre entre son statut d’icône et une vulnérabilité, une timidité d’amoureux transi envers Tante Yee (Rosamund Kwan) qui voyait leur tension romantique enfin aboutir. C’était également un aboutissement thématique quant au regard de Tsui Hark à travers Wong Fei Hung sur le rapport de la Chine à son histoire, ses traditions, et l’attirance/répulsion envers l’occident. La suite s’annonçait passionnante mais la saga va prendre un tournant lorsqu’une brouille entre Tsui Hark et Jet Li va faire quitter le navire à ce dernier. Si Jet Li allait capitaliser sur son rôle à succès dans des décalques inférieur comme le diptyque La Légende de Fong Sai-Yuk de Corey Yuen (1993), Tsui Hark allait devoir réinventer sa saga à succès. Il embauche donc le jeune Chiu Man Cheuk pour remplacer Jet Li et délègue la réalisation à Yuen Bun, acteur ponctuel mais surtout chorégraphe martial et d’action hors-pair pour Tsui Hark et Johnnie To. 

Le film est un curieux, maladroit et parfois audacieux compromis entre renouveau et redite. D’un côté le scénario semblent rejouer les trames des films précédents, notamment une nouvelle confrontation avec une secte fanatique et xénophobe comme dans La Secte du blanc (1992), et la perspective d’un nouveau tournoi du lion comme dans le troisième film. Le film rejoue donc avec efficacité certes mais nettement moins de brio les sommets d’actions de ses prédécesseurs avec Wong Fei Hung allant défier la secte féminine des « Lanternes Rouges » dans leur antre et en conclusion participant à un tournoi des lion cette fois face à des occidentaux surarmés. Il y a pourtant des surprises à travers la position de Wong Fei Hung altérée par sa nouvelle incarnation, et le fait de ne plus seulement suggérer l’arrière-plan historique mais de l’y confronter directement. La révoltes des boxers indirectement évoquée dans La Secte du lotus blanc est cette fois au cœur de l’intrigue. 

Alors que le Wong Fei Hung de Jet Li s’avérait stoïque et au-dessus de la mêlée moralement, c’est très différent avec Chiu man Cheuk. La fin du Tournoi du lion voyait Wong Fei Hung refuser le trophée de vainqueur en mépris des manigances d’un pouvoir corrompu opposant ses ouailles, quand le même joué par Chiu Man Cheuk accepte immédiatement la perspective d’un nouveau tournoi pour ne pas perdre la face devant les étrangers. Le script s’amuse même du décalage entre les deux interprètes lorsque le disciple Leung Fu (Max Mok) s’amuse à anticiper les réactions de Wong Fei Hung quand ce dernier se voit proposer de participer de nouveau au tournoi. L’imitation colle parfaitement jusqu’à la surprenante et belliqueuse décision du héros d’aller au combat, impensable avec le réfléchi Jet Li. On a un sentiment de reboot masqué en éliminant l’emblématique amoureuse Tante Yee pour la remplacer par sa sœur Tante May (Jean Wang), comme s’il fallait inventer un nouveau personnage plutôt que reconstituer le couple emblématique avec d’autres interprètes.

Plus la première trilogie avançait, plus Tsui Hark se montrait nuancé et subtil en confrontant le repli sur soi chinois et le mépris d’une certaine frange des occidentaux, Wong Fei Hung, Tante Yee et quelques autres représentant un pont possible entre les cultures. La Danse du lion constitue un brutal retour en arrière justifié par le contexte historique réel de la révolte des boxers. La secte des lanternes rouges, toute fanatique qu’elle soit n’est qu’une conséquence malheureuse de la présence des étrangers, y compris quand elle attaque femmes et enfants. Hormis un personnage de prêtre, tous les occidentaux (en plus de jouer affreusement mal dans la grande tradition du cinéma hongkongais) sont des êtres belliqueux, sadiques et imbus d’eux-mêmes, avançant leurs pions pour conquérir la Chine – d’ailleurs les films occidentaux ne se montre pas plus fin quand il s’agit d’adopter l’autre point de vue comme Les 55 jours de Pékin de Nicolas Ray (1963). 

Le Wong Fei Hung de Chiu Man Cheuk ne peut adopter la posture noble de Jet Li, ou du moins quand il s’y essaie se heurte à la fourberie des étrangers. C’est du coup la seule fois de la saga où le héros sera ainsi malmené, passant un mauvais quart d’heure dans les geôles allemandes. En le plaçant dans l’urgence de la grande Histoire, Tsui Hark n’inscrit ses exploits que dans les moments de fictions « fantaisistes » (l’affrontement chez les lanternes rouges, le second tournoi du lion) mais le rend spectateur impuissant face aux évènements tragiques en cours notamment lors d’une conclusion très amère. C’est audacieux et passe par l’interprétation de Chiu Man Cheuk. Trop jeune et peu crédible quand il veut reprendre la position d’autorité charismatique d’un Jet Li, Chiu Man Cheuk convainc totalement quand il laisse dominer la fougue, la colère et la hargne qui l’habite face aux injustices auxquelles il assiste. 

L’acteur étant tout aussi impressionnant que Jet Li martialement, cette fébrilité et vulnérabilité amène une dynamique nouvelle en comparaison de son prédécesseur. Jet Li était fébrile dans l’intime et les affaires de cœur mais intouchable dès qu’il rentrait dans son costume héroïque. Chiu Man Cheuk est plus assuré dans ses sentiments (plus souriant, plus tendre dans son langage corporel) mais suscite plus d’empathie et de crainte quant à son sort lors des morceaux de bravoures où il dénotera jusqu’au bout en tuant un adversaire. L’acteur entamait là une fructueuse collaboration avec Tsui Hark qui allait déboucher sur trois chefs d’œuvres : Green Snake (1993), The Blade (1995) et Le Festin Chinois (1995). 

Survolté sans égaler les inoubliables arabesques martiales des trois précédents films (l’inoubliable séquence des échafaudages de Il était une fois en Chine (1991), l’affrontement sous la pluie avec Donnie Yen dans La Secte du lotus blanc), La Danse du lion est donc est curieux objet, hésitant constamment entre redite et renouveau, et qui sur ces deux points se montre tour à tour brillant ou laborieux. Tout le profond sérieux de cet opus va cependant totalement s’évaporer dans le suivant, Dr Wong et les pirates (1994), pur sérial d’aventure qui voit le retour de Tsui Hark à la réalisation.

Sorti en dvd zone 2 français chez HK Video

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