Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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dimanche 20 février 2011

Vertiges - Per le antiche scale, Mauro Bolognini (1975)


En Italie, dans les années 1930, le professeur Bonaccorsi, psychiatre réputé, mène des recherches sur la folie, dans l'asile où il travaille comme médecin, en Toscane. Il a trois maîtresses, Bianca (son assistante), Carla (épouse d'un collègue) et Francesca (épouse du directeur de l'asile). Une nouvelle venue, le docteur Anna Bersani, est là pour une période de stage ; très vite, elle s'oppose aux théories de Bonaccorsi...

Deux ans après Liberté mon amour, Bolognini poursuivait son étude des années fascistes sous un angle inattendu avec Vertiges. Inspiré des écrits du médecin Mario Tobino, le film nous plonge dans le quotidien d'une équipe médicale dans un asile d'aliénés.

A leur tête, on trouve Marcello Mastroianni, médecin-chef totalement investi et convaincu de trouver une explication "biologique" à la folie, et menant des recherches afin d'en détecter le germe. L'équilibre des lieux bascule dès l'arrivée d'une assistante universitaire jouée par Marthe Keller, à l'approche plus psychanalytique et freudienne. Son regard extérieur va mettre à jour les dysfonctionnements divers, notamment les rapports étranges qu'entretient Mastroianni avec les autres femmes en fonction dans l'asile. Sa supposée bienveillance est sérieusement remise en cause par diverses révélations et un comportement révélant au détour d'un dialogue "tous les syndromes de la schizophrénie".

C'est là le grand thème du film, celui d'une Italie malade où la frontière entre la folie et un esprit sain est plus ténue qu'il n'y paraît, l'isolement et la société de déséquilibrés mentaux finissant par être contagieux. Bolognini multiplie les indices tels le générique d'ouverture nous montrant une fête costumée où Mastroianni apparaît grimé au milieu de ses patients sans que l'on fasse la différence ; ou encore les malades en voie de guérison (même si les rechutes inattendues sont légions) assignés aux tâches ménagères. Mastroianni est brillant d'ambivalence et Bolognini offre trois superbes portraits de femme avec Marthe Keller, Françoise Fabian et Barbara Douchet, chacune figurant la droiture, la fidélité ou la décadence, vertus les plaçant sous le joug ou en opposition à Mastroianni.

Les seconds rôles sont superbes également, Pierre Blaise (inoubliable héros de Lacombe Lucien) en homme enfant lucide mais fragile et surtout une magnifique Adriana Asti en femme de chambre en demande maladive d'amour physique. Bolognini confère la même minutie à son asile (le film fut tourné dans un vrai asile, la présence des fous orientant la performance des acteurs) qu'aux décors d'époque plus chatoyants que ses autres films, l'extérieur étant à peine entraperçu pour un huis clos oppressant. La conclusion se fait d'ailleurs cinglante quand on quitte enfin les lieux : le discours vindicatif des tuniques noires apparaît à peine plus sensé que celui des fous qu'on a cotoyés tout le film. C'est pourtant bien celui qui régentera la politique du pays et le menera à sa perte...

Sorti en dvd zone 2 français chez Carlotta

Extrait avec un petit souci de son on dirait...



vendredi 18 février 2011

Sabotage à Berlin - Desperate Journey, Raoul Walsh (1942)


Lors de la deuxième guerre mondiale, l'équipage d'un bombardier de la RAF est abattu au-dessus de l'Allemagne, les 5 rescapés s'organisent et se mettent à la recherche d'un avion pour rentrer en Angleterre, mais sur leur route ils multiplient les sabotages des installations ennemies qu'ils rencontrent...

Consacré figure de proue de l'héroïsme à la Warner autant dans le film d'aventures historiques que le westerns, Errol Flynn la deuxième guerre mondiale entamée allait transposer cette image dans les films de guerre patriotique en vogue une fois les Etats-Unis engagés dans le conflit. Desperate Journey est un des premiers qu'il tourne sous la houlette de celui qui su si bien le mettre en valeur l'année précédente dans La Charge Fantastique. On est d'ailleurs pas bien loin des grand films d'aventures d'antan avec un pitch excitant en diable où les rescapés de l'équipage d'un bombardier de la RAF abattu leur mission effectuée doivent traverser la moitié de l'Allemagne nazie pour regagner leur terres.

Tout est donc fait pour rendre l'ensemble le plus palpitant possible. Il y a pratiquement un rebondissement, une scène d'action où un coup de théâtre toutes les dix minutes sur un rythme échevelé ne laissant pas une minute de repos. C'est spectaculaire de bout en bout avec une Warner qui semble avoir déployé les grands moyens. La première partie aérienne est vraiment très impressionnante avec un palpitant duel d'avion et le bombardier anglais pilonné par les obus allemands le tout filmé avec maestria par Walsh épaulé par de remarquable effets spéciaux (transparences, maquettes impeccable). Les membres du commando sont caractérisé avec bonhomie et tendresse, leur complicité et amitié faisant bloc sous un même esprit courageux et héroïque (notamment un très amusant Alan Hale en soldat amateur de crachats de noix...). C'est donc à un divertissement de haute volée et sans temps mort auquel on assiste, fort plaisant.

Et finalement c'est un peu le problème du film. La formule à la Errol Flynn est transposée dans un cadre de guerre mais s'avère sans aspérité et prévisible (l'apparition d'un personnage féminin paraît presque dicté par cette nécessité), pas forcément à cause du contexte politique d'ailleurs puisqu'un Aventure en Birmanie bien plus ouvertement propagandiste s'avère autrement plus intéressant que Sabotage à Berlin. Hormis une péripétie finale surprenante à Munich le spectacle n'offre aucune surprise jusque dans ses morts que la caractérisation marquée permet d'anticiper tandis que les méchants allemands sont transparent (Raymond Massey d'habitude fabuleux dans ce registre fait une bien piètre opposition). La décontraction manifeste est vraiment plaisante par instants (les gags lorsque les héros sont fait prisonnier dans l'état major allemands) mais perd un peu l'attention lorsque le ton doit se faire plus dramatique le tout semblant très forcé comme la rencontre avec la résistance allemande.

Malgré les morceaux de bravoure époustouflant (dont une course poursuite en voiture finale assez extraordinaire) ça se suit finalement assez distraitement même si c'est réellement très bien fait. On pouvait peut être attendre un peu plus de Walsh que cet ancêtre de Quand les aigles attaquent, ce dernier allant tellement dans la surenchère et sans bons sentiments mécaniques qu'il est finalement plus plaisant à suivre que son modèle. Heureusement Flynn et Walsh feront bien mieux par la suite durant leur longue association.

Sorti en dvd zone 1 récemment dans le coffret "Errol Flynn Adventures" dont on va décrypter le contenu progressivement ces jours ci. Doté d'une vf, de sous titres français et comme c'est Warner c'est multizone et compatible partout.

Extrait

jeudi 17 février 2011

L'Arme à l'oeil - Eye of the Needle, Richard Marquand (1981)


Henry Faber (Donald Sutherland) connu sous le nom de code ''l'aiguille'' est un des espions nazis les plus réputés. Au cours d'une de ses missions, il découvre que les alliés ont édifié un immense subterfuge pour faire croire à un débarquement dans le Pas-de-Calais. Muni de preuves suffisantes, Faber doit retrouver le sous-marin qui le ramènera auprès du Führer. En tentant de rejoindre le point de rendez-vous, son bateau échoue sur une île quasi déserte où un couple le recueille.

L'Arme à l'oeil est un très réussi thriller d'espionnage qu'on doit au futur réalisateur du Retour du Jedi qui adapte ici un roman de Ken Follet. Le film constitue un mélange parfaitement réussi entre un suspense au cordeau et une surprenante facette romantique. La première partie est une haletante course poursuite servant à démontrer l'habileté et la nature de tueur impitoyable de Faber notamment par son arme, méthodique et meurtrière donnant son titre original au film.. On le voit manipuler tout le monde, multiplier les morts sur son passage et fuir Scotland Yard qui le traque à travers l'Angleterre suite à son astucieuse découverte des coordonnées réelles du débarquement.

Donald Sutherland trouve là un de ses meilleurs rôles, terrifiant de froideur en espion nazi et c'est cette caractérisation de la première partie qui contribue à le rendre menaçant dans la deuxième partie plus sentimentale. Sa fuite le mène sur l'île de Stirm où il rencontre Kate Nelligan, femme mariée esseulée et mariée à un handicapé. Etonnamment, la machine à tuer montre alors ses failles, se livre sans dévoiler l'essentiel de ses activités et les deux solitude de se rapprocher pour une histoire d'amour étonnante. Kate Nelligan est excellente oppose une présence fragile mais déterminée à Sutherland qui rendra le face à face moins déséquilibré qu'il n'y paraît. La romance n'est d'ailleurs pas appuyée outre mesure, régulièrement interrompue par les exactions de Faber (dont un saisissant meurtre du haut d'une falaise) le film ne perdant se délestant jamais de sa tension latente.

Lorsque l'identité de l'espion se dévoile, le suspense se fait alors Hitchcokien en diable, entre les faux semblant de chacun essayant de masquer ses découvertes sur l'autre puis une traque palpitante sur l'île où les rôle s'inversent presque. La frêle Kate Nelligan s'endurcit sous le poids de la menace d'un Sutherland amoureux et soudainement incapable de déployer les aptitudes meurtrières affichée depuis le début du film.. Il faut toute la finesse des acteurs pour faire passer la chose et l'ultime échange entre eux offre une séquence aussi violente que chargée d'émotion. Cette atmosphère au croisement des genres et des sentiments est le grand atout du film qui dévoile ses petites limites par la mise en scène un peu timorée de Marquand. Il yavait un vrai grand film à tirer d'un tel sujet, en l'état on a un efficace divertissement ce qui n'est déjà pas si mal. Autre qualité majeure, le score flamboyant du grand Miklos Rozsa qui devait disparaître peu de temps après et s'offrait là une sortie digne de sa légende.

Sorti en dvd zone 2 français chez MGM


mercredi 16 février 2011

La Duchesse des bas-fonds - Kitty, Mitchell Leisen (1945)


Au XVIIIe siècle, à Londres, l'ascension sociale d'une jeune femme de basse extraction, remarquée d'abord par le peintre Gainsborough puis courtisée par un riche dandy.

Une superbe fresque historique et romanesque parfaitement conduite par Leisen et illuminée par la beauté et le charme de Paulette Goddard. L'aspect historique se manifeste par la figure du peintre Gainsborough qui va faire basculer le destin de Kitty (Paulette Goddard), jeune fille des rues dont il repère la grâce sous les haillons et les manières rude spour en faire le portrait. Dès lors les nobles subjugués par le tableau ne manqueront pas de chercher à connaître le charmant modèle ce dont va profiter le noble en disgrâce et un peu escroc Hugh Darcy (Ray Milland) qui va la recueillir afin d'en faire une Lady et la livrer au plus offrant. La facette romanesque apparaît donc dans cette relation un peu sordide puisque Kitty va accepter tous ces tourments afin de gagner le coeur de Darcy dont elle est tombée amoureuse.

Sur une trame voisine, ce Kitty ose bien plus de chose que le Ambre de Preminger sorti à la même période. L'ouverture dans les bas-fonds londoniens crasseux est saisissant avec une Paulette Goddard qui s'en donne à coeur joie en jeune souillon écervelée à l'accent gouailleur. Sa transformation progressive et laborieuse en dame du monde est superbement amenée et offre de joyeux moments comique par la maladresse de l'héroïne (Paulette Goddard ayant pris un phrasé criard et aigüe hilarant pour signifier sa basse extraction) dont le destin n'est guère riant malgré le ton enjoué du film. Ray Milland incarne un tel goujat tout au long du récit que le final dans la grande tradition romanesque où le couple se retrouve finalement n'arrive pas à être totalement satisfaisant.

Le scénario (adapté d'un roman de Rosamond Marshall) interroge ainsi autant sur la condition de classe que sur la position des femmes à cette période. Kitty s'avère ainsi être le jouet des hommes, celui qu'elle aime la jetant dans les bras d'autres dans le but d'élever sa position tout en ne changeant jamais son regard sur elle du fait de sa condition modeste. Il faudra à Kitty devenir une vraie Lady et voir la déférence des autres hommes sur sa prestance de Duchesse une fois au sommet pour que Milland comprenne son erreur.

Toute les scènes d'apprentissage du monde (avec une excellente Constance Collier en noble quelque peu dépenaillée et alcoolique) soulignent d'ailleurs d'allieurs ce conditionnement machiste puisque toute l'éducation des femmes se fait sur la dissimulation des sentiments et la séduction au détriment du développement d'un vrai esprit d'initiative à l'image de Milland railleur lorsqu'on tente d'apprendre à écrire à Kitty. Les femmes sont des beaux objets qu'on possède où qu'on délivre aux plus offrant. Le film est donc passionnant en montrant l'ascension de cette fille des rues sans d'ailleurs éluder les aspect peu ragoûtant même s'ils ne sont pas appuyés (mariage avec un gros rustres, puis avec un vieux croulant grossesse non désirée... étonnant quant on voit tout ce qui a été éludé de l'adaptation de Ambre) où on la voit acquérir une réelle noblesse d'esprit et d'allure dans sa découverte du monde. Malgré les moments distillés pour signifier la repentance et la prise de conscience de Milland on ne peut être complètement satisfait de la voir finir dans ses bras, toute l'ambiguïté du romanesque en somme.

Leisen délivre un objet splendide visuellement où le noir et blanc n'altère pas du tout la vision de ce type de récit qu'on a plus l'habitude de savourer en flamboyant technicolor. Au départ d'une facture modeste, le film s'embellit au fil de l'assurance et de l'élévation toujours plus haute de son héroïne pour une dernière partie enchaînant les moments, décors et costumes fastueux tel une scène de bal magnifique et des superbes vues des appartements de la Duchesse. Paulette Goddard est épatante de bout en bout, autant pauvresse ballotée qu'en Duchesse au port parfait et impose une drôlerie, un charme et une espièglerie contagieuse. C'est d'ailleurs l'occasion d'imaginer quelle superbe Scarlett elle aurait fait puisque le rôle lui échappa d'un souffle au profit de Vivien Leigh. Ray Milland très bon également mais échoue peut être à dévoiler la petite facette d'humanité qui pourrait mieux faire passer son attitude et accepter la conclusion, on est loin d'un Clark Gable dans Gone with the wind en comparaison pour ce type de rôle. Belle fresque néanmoins pour les amateurs de ce type de récit !

Hélas le film est encore inédit en dvd zone 1 comme zone 2 mais est assez souvent diffusé sur TCM dans le cadre de cycle Mitchell Leisen soyez vigilants pour un enregistrement ! 

Extrait

mardi 15 février 2011

Meurtre à l'italienne - Un maledetto imbroglio, Pietro Germi (1959)


Un vol de bijoux vient d’être commis dans un immeuble bourgeois de Rome. Chargé de l’enquête, le commissaire Ingravallo porte d’abord ses soupçons sur le fiancé d’Assuntina, la domestique de Liliana Banducci qui vit dans l’appartement d’en face. Mais l’affaire se révèle plus trouble et plus complexe que prévu : la victime du vol semble peu encline à aider la police, Assuntina et son fiancé cherchent à se marier en hâte et, quelques jours plus tard, Banducci est retrouvée morte assassinée… 

Meurtre à l’italienne est une belle démonstration de l'étendue du registre de Pietro Germi, délivrant ici un polar des plus convaincants, distillant ses thèmes habituels avec la même acidité que dans ses comédies. Le film est une adaptation du roman L'affreux pastis de la rue des Merles de Carlo Emilio Gadda, grand succès littéraire de l'époque. Germi a expurgé toute la dimension purement littéraire du livre, qui donnait une grande importance aux jeux de mots découlant de l'origine régionale des personnages. Le réalisateur y accorde effectivement moins de place que dans Divorce à l'italienne (sur l’archaïsme des mœurs siciliennes) ou Signore & Signori. On appréciera néanmoins les allusions se glissant à travers quelques truculents personnages secondaires comme l'adjoint du commissaire, archétype du sicilien grande gueule et sans gêne.

L'intrigue policière est très habilement menée par un Germi qui a là l'occasion de montrer son amour pour les films noirs américains. L'histoire mélange le récit à énigme avec le mystère du meurtre sordide d’une femme bien sous tous rapports, tandis que les révélations progressives sur son entourage louche permettent à Germi de délivrer un récit de mœurs grinçant. Détournement de mineure, chantage financier, prostitution masculine, calomnies : tout ce qui fera le sel de Signore & Signori se retrouve déjà là. Le polar a simplement remplacé la comédie comme révélateur des tares de la bourgeoisie italienne. Le film ne s'enfonce pourtant pas dans un sérieux si prononcé et malgré le contexte, des traits humour viennent alléger l'atmosphère. Les rencontres improbables, quelques dialogues et situations décalées ainsi que des personnages secondaires hilarants diluent par intermittence le ton très sombre du film.

Pietro Germi interprète avec brio le commissaire menant l'enquête. Fin psychologue et tenace, il est tout bonnement excellent et charismatique, dommage qu'il ait en partie abandonné sa carrière d'acteur lorsque celle de réalisateur décolla totalement. On retrouve également une toute jeune Claudia Cardinale en femme de ménage, encore un rôle de fille du peuple comme elle pouvait en jouer à ses débuts mais dont l'intrigue va donner un tour étonnant. La résolution est à la hauteur de ce qui a précédé, déroutante et sordide tout en étant imprégnée du contexte social exprimé depuis le début.

Sorti en dvd zone français chez Carlotta

Extrait

lundi 14 février 2011

La Femme en question - The Woman in Question, Anthony Asquith (1950)


L'enquêteur Lodge est sur une nouvelle affaire. Celle du meurtre d'Astra Taylor, voyante retrouvée morte par le fils de la bonne, étranglée par son foulard dans sa demeure. La bonne lui donne rapidement des détails sur les relations qu'entretenait Astra et sa soeur Catherine avec qui elle est en froid, et avec Bob, le petit ami de sa soeur avec qui il souhaitait préparer un numéro de télépathie.

Un thriller anglais qui fonctionne sur le principe désormais bien connu et établi pour le meilleur par le Citizen Kane de Welles ou le Rashomon de Kurosawa à savoir un récit en flashback adoptant plusieurs point de vue sur un personnage disparu ou des évènements passés. Ici, il sera donc question de faire la lumière sur la personnalité trouble d'Astra Taylor voyante retrouvée assassinée et les évènements ayant conduit à cet acte. L'enquête nous promène donc à travers les témoignages de cinq personnages différents, plus ou moins proche de la défunte et qui vont en offrir un portrait bien contrasté.

L'aspect purement policier et "whodunit" ne semble pas particulièrement intéresser Asquith tant il semble traité laborieusement. Les personnages des policier terriblement terne suivent plus l'enquête qu'ils ne la mènent, les indices et révélations se dévoilent mécaniquement et sans surprise et la résolution finale (prévisible si on a été suffisamment attentif) est vraiment sans éclat. Le plus important ici c'est réellement l'étude de caractère qui se dévoile à travers la subjectivité des flashback. Asquith fait preuve d'une étonnante sobriété visuelle (surtout si on en réfère à Citizen Kane) où tout n'est que subtilité (la photo qui se fait soudain plus lumineuse pour adopter le regard amoureux de Charles Victor idéalisant Astra) l'ensemble reposant entièrement sur la prestation fascinante de Jean Kent. Affreuse mégère intéressée ou femme légère dans le regard des uns, fragile et attentionnée dans celui des autres l'ambiguïté quant à sa vraie nature est le seul vrai mystère à résoudre plus que celui de son meurtrier.

L'actrice se montre tour à tour d'une sensiblerie charmeuse attendrissante puis fait imploser totalement cette facette en explorant de manière provocante son côté obscur. L'enchaînement du premier flashback où elle est magnifiée avec le second où le visage bouffi, la mine défaite et les bas en lambeaux elle se réveille lourdement est un sacré choc et Asquith reprend avec une grande intelligence des angles et des mouvements de caméra presque identiques (mais toujours avec la petite variation qui change tout) en revisitant les scènes sous les différents points de vue.

Jean Kent vampirise réellement le film par sa performance et en est finalement le seul vrai intérêt. Les différents narrateur n'existent que par elles et s'avère plus caricaturaux qu'autre chose, même Dirk Bogarde pas encore grand qui gâche un peu un personnage intéressant par sa fadeur. Etrangement le plus ouvertement caricatural est aussi le plus convaincant avec un très bon John McCallum en marin amoureux dépité par les infidélités de Astra, il réussi à susciter une vraie émotion malgré la balourdise de son personnage et un temps de présence plus limité que les autres protagonistes. Bref pas inintéressant, mais loin d'être inoubliable non plus même si ça m'incite à me pencher plus en avant sur la filmographie de Jean Kent (et Anthony Asquith) qui paraît plutôt intéressante. .

Sorti en dvd zone 2 anglais mais malheureusement dépourvu du moindre sous titres, français comme anglais.

dimanche 13 février 2011

Le Roman d'un tricheur - Sacha Guitry (1936)


Assis à la terrasse d'un café, un homme rédige ses mémoires : il raconte comment son destin fut définitivement scellé lorsque, à l'âge de douze ans, parce qu'il avait volé dans le tiroir-caisse de l'épicerie familiale pour s'acheter des billes, il fut privé de dîner. Le soir même, toute sa famille meurt empoisonnée en mangeant un plat de champignons. Seul dans la vie et ayant ainsi constaté l'inutilité d'être honnête, il n’aura par la suite qu’une seule ambition, devenir riche. Voyant dans sa survie un signe du destin, il choisit de parvenir à ses fins en devenant tricheur et voleur professionnel.

Avec Le Roman d'un tricheur, Guitry trouve définitivement ses marques au cinéma après de précédentes tentatives infructueuses pour ce qui est un de ses films les brillants et à l'influence considérable. Si on devait résumer le film en un seul mot ce serait décalage tant il semble que ce soit le crédo de Guitry dans sa manière constamment surprenante de traiter. Cela se manifeste dès ce générique pas comme les autres où entre fausse fanfaronnade (Ce film je l'ai réalisé et produit moi même...) et vrai respect pour ses collaborateurs Guitry remplace le sacro saint panneau de noms d'équipe pour dévoiler ceux ci en plein travail ainsi que le casting au naturel.

Décalage à nouveau puisque passé cette mise en avant initiale la narration le verra monopoliser la parole en voix off, jouant tout les personnages. Le film est une sorte de duel constant entre la tradition du muet et une percutante modernité où le lien se fait justement par cette voix off entrecoupée de courts moment dialogués lorsque Guitry écrit ses mémoires dans un bar. Guitry narre ainsi de son timbre précieux et bourgeois l'irrésistible cheminement qui va conduire son personnage sur la voie de la tricherie. Les astuces narratives donnent un piquant et une drôlerie irrésistibles au récit où le phrasé de Guitry associés aux trouvailles de montage revient donc à cette idée de décalage.

L'ouverture sur l'enfance est la plus jubilatoire avec les jeux de mots rebondissant sur l'image en cours lors de la présentation puis la fatidique disparition de la famille où se manifeste déjà un jeu comique très outré et théâtral dans la gestuelle et les expressions des visages directement issu du muet. L'art de l'ellipse auréolé d'un certain humour noir s'exprime également dans la manière d'éliminer les différents membres de la famille à table lors du fatal repas de champignon empoisonnés, des petits bruitages ludiques et cartoonesque amplifiant la touche burlesque de l'ensemble.

Tout le film fonctionne ainsi, apportant toujours une petite idée supplémentaire qui permet d'éviter la redite. Ainsi lorsque notre héros déboule à Monaco, Guitry a l'audace d'insérer des images documentaire du Rocher qu'il détourne par son commentaire ironique mais aussi carrément les manipulant lorsqu'il raille le défilé journalier de la milice monégasque transformé en curieuse danse. Aucune audace n'est de trop comme cette séquence en forme d'ode à la beauté de sa compagne Jacqueline Delubac dont le visage charmant et le regard séducteur défile sous toutes les tenues et coiffures possibles, appuyées par les envolées de Guitry.

Le Scorsese des Affranchis et surtout de Casino s'annonce même lors d'une mémorable leçon de tricherie aux cartes où la mise en scène inspirée (le jeu avec le miroir pour l'apparition/disparition de la carte dans sa manche) se marie à un sens du rythme éblouissant dans la mise en situation notamment ce billet à demi placé sur la table de jeu. Les reproches des détracteurs lui reprochant parfois de faire du théâtre filmé s'avère particulièrement malvenus tant il fait preuve d'aisance et d'inventivité.

Le plus grand décalage c'est cependant la roublardise avec laquelle Guitry se joue du sujet du film. Le héros se trouve placé sur la voie du crime et du vice constamment malgré lui, presque toujours jouet des femmes et ne s'avère guère actif pendant l'essentiel de l'histoire. Une fois décidé à embraser sa nouvelle "carrière" le destin le ramènera paradoxalement dans le droit chemin par malchance quasi mystique (tout le passage avec Jacqueline Delubac) ou par l'illumination d'une rencontre lors du final. Roman d'un tricheur certes, mais d'un tricheur raté d'autant que Guitry met autant en valeur le brio de son héros (la séquence où défile tout ses déguisements et ce regard vers l'objectif contant dans un même mouvement d'appareils grandiose !) qu'il l'humilie en se moquant de son allure vieillissante et de sa couardise. La pirouette finale appuie d'ailleurs brillamment cette idée en dévoilant les nouvelles "fonctions" du tricheur. Un vrai petit bijou qui n'a pas pris une ride.


Sorti en dvd zone 2 français chez Gaumont dans une belle édition individuellement ou dans le coffret réunissant tout les films de la période 1936-1938 de Guitry.

Extrait

vendredi 11 février 2011

Mort d'un pourri - Georges Lautner (1977)


Cherchant à protéger un ami, le député Philippe Dubaye, Xavier Maréchal rentre en possession d'un dossier compromettant. Des tueurs se lancent à ses trousses pour récupérer ces documents.

Un thriller politique des plus prenant pour Lautner qui retrouvait ici Delon après l'excellent Les Seins de Glace. Le film adapte un roman de Jean Laborde que Lautner avait déjà transposé avec Le Pacha et on lui doit d'autres petits classiques du polar à la française des 70's comme Adieu Poulet. Le grand atout du film, c'est le scénario particulièrement corrosif de Michel Audiard qui s'inspirant des scandales politiques de l'époque comme L'affaire Boulin dresse un portrait particulièrement virulent et pessimiste des hautes sphères de la politique française.

Le personnage de Delon (ici producteur également) , entré en possession d'un document mouillant toute la classe politique se voit ainsi tour à tour menacé, corrompu et épié par les intéressés mais également abordés par l'opposition qui ne vaut guère mieux, Lautner renvoyant tout ce beau monde dos à dos. Une ambiance lourde et désespéré se dégage tout au long du film renforcé par la photo grisâtre de Henri Decaë (étonnant le fidèle Maurice Fellous n'est pas de la partie) et le score dépressif et jazzy de Philippe Sarde. Tout juste reprochera t on quelques longueurs tout de même, mais le courage de la position et l'interprétation impeccable emporte l'adhésion.

Loin de ses rôles de héros, Delon campe un type normal à la droiture morale inflexible et à l'amitié indéfectible tandis que et le casting offre une joyeuse galerie de trognes pour les méchants avec un Klaus Kinski glaçant (et qui a droit à un mémorable monologue glaçant de cynisme) , Julien Guiomar détestable et menaçant et un beau twist final révélant de manière inattendue le plus corrompu de tous. Seule Ornella Muti n'est pas très convaincante, d'autant plus rageant que l'habituée Mireille Darc en quasi rôle de potiche aurait été bien meilleure dans le rôle. Les fantaisies de ses comédies policières ne sont pas de mise ici et Lautner s'efface derrière son récit avec une réalisation sobre (et pas dénuée de faute de goût comme la mort du méchant dans la gare en arrêt sur image) mais qui réserve quelques bon moment comme le surprenant traquenard que subi Delon sur une route de campagne entouré de deux semi remorque. Très bon donc et fort courageux pour l'époque où il fut entrepris.

Sorti en dvd zone 2 chez Fox Pathé Europa

Extrait avec la glaçante tirade de Klaus Kinski tristement d'actualité encore aujourd'hui.