Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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samedi 22 octobre 2011

Lolita malgré moi - Mean Girls, Mark Waters (2004)


Après avoir passé son enfance en Afrique, Cady Heron atterrit un beau jour dans un lycée de l'Illinois, où elle découvre un univers encore plus exotique, plus mystérieux et plus dangereux que toutes les jungles : le monde des filles... Des cliques de lolitas branchées, friquées et assoiffées de pouvoir se disputent âprement ce terrain, où chaque jour est un combat pour être la fille la plus belle, la plus populaire et la plus prestigieuse.

Means Girls est une des teen comedy les plus réussies du genre et probablement la plus emblématique des années 2000. Les teen comedy les plus brillantes sont généralement celles qui parviennent à mêler regard tendre, incisif et cruellement juste sur les difficiles heures de l’adolescence souvent symbolisée par le parfois oppressant cadre du lycée. Le célèbre Breakfast Club de John Hughes avait réussi à traiter des clivages communautaires des lycéens en adoptant presque une approche théâtrale où chaque archétype (intello, sportif, rebelles…) voyait un représentant enfermés pour un samedi de colle avec les autres, l’issue de cette cohabitation révélant finalement des adolescents ordinaires et en plein doute. Autres sommet du genre Heathers de Michael Lehman abordait les mêmes questions mais dans une approche plus cynique et provocatrice se livrait à un surprenant jeu de massacre visionnaire du drame de Columbine. On peut ajouter aussi l’excellent Pump up the volume (1990) où la rébellion se mêle au mal-être avec un Christian Slater (qui donne un penchant lumineux à son rôle sulfureux de Heathers) animateur de radio pirate se lâchant sur les frustrations de ses camarades.

Lolita malgré moi se démarque en apportant une dimension sociologique voire ethnologique (avec un constant comparatif entre faune sauvage et adolescente) puisqu’il s’inspire de l’étude de Rosalind Wiseman Queen Bees and Wannabees dont l’ouvrage se penchait sur les rapports acérés de la gent féminines adolescente des lycées américains. La célèbre comique Tina Fey (vue dans la série 30 Rock, au Saturday Night Live et célèbre pour ses légendaires et hilarantes imitations de Sarah Palin) écrivit donc un script tissant une trame autour des réflexions soulevées par le livre.

On suit donc l’évolution de Caddy (Lindsay Lohan) jeune américaine ayant grandi en Afrique et éduquée à domicile par sa mère qui de retour aux USA découvre la jungle du lycée. Là, son innocence est mise à rude épreuve lorsqu’elle est adoptée par les « Plastics », groupe de jeunes filles superficielles et mesquines faisant et défaisant les réputations au lycée. Victime à ses dépens des mauvais tours de la meneuse Regina (Rachel McAdams) elle décide de pousser le mimétisme jusqu’au bout avec ses nouvelles « amies » afin de gagner leur confiance et se venger.

Le pitch rappelle grandement Heathers mais Lolita malgré moi (ah ces titres français infâmes…) s’éloigne du nihilisme de son modèle pour une autre approche tout aussi audacieuse. L’esprit caustique de Tina Fey (ici dans le rôle d’un professeur de maths déluré) associé à l’origine « documentaire » du projet donne une narration ludique et pleine d’apartés délirants et informatifs nous faisant découvrir les mœurs du lycée. On découvre ainsi un nid de sous-communautés foisonnant (raciales, sportif, culturelles…) où le simple fait de choisir où et avec qui s’asseoir à la cantine devient un acte déterminant sur votre personnalité et la place que vous occupez dans le microcosme lycéen. Le film s’avère très drôle en poussant loin la caricature (jamais très loin de la réalité pourtant) mais sait heureusement quand abandonner ce ton d’observateur distant pour nous impliquer dans une vraie intrigue.

Ce virage est amorcé à travers le personnage de Lindsay Lohan, oie blanche qui deviendra l’équivalent de celles dont elles cherchent à se venger. Elle réalise une belle transformation en pimbêche prétentieuse, la mine candide et avenant succédant bientôt au regard hautain, les vêtements ordinaires cédant tenues sexy à la mode et le beau visage au naturel disparaissant bientôt sous un masque de maquillage criard. On ne peut que regretter la tournure que la carrière de Lindsay Lohan a pris tant elle montre un talent certain ici (et dans nombres de ses premiers film avant que ses frasques fassent plus parler que ses prestations) où elle exprime parfaitement le basculement inconscient et progressif de Caddy en « Plastic » grâce à de belles nuances dans le phrasé, l’allure et le comportement qui la rende méconnaissable entre le début et la fin du film. Des actrices prometteuses se trouvent également dans les seconds rôles avec une excellente Rachel McAdams en peste et une Amanda Seyfried plus vraie que nature en blonde écervelée.

Les mauvais coups que se font nos héroïnes entre elles sont l’occasion d’étincelants moments de cruautés féminines (les barres céréales grossissantes génial) trouvant son apogée dans un grand final dénonciateur formidable. Mark Waters (qui avait déjà dirigé Lindsay Lohan dans le très amusant Freaky Friday) donne un tour très dynamique à l’ensemble.

Sa mise en scène alerte déploie pas mal de bonne idées comme les splitscreens progressifs sur les conférences téléphoniques des héroïnes où l’écran se découpe au fil des arrivées de nouveaux intervenants et révélant ainsi les messes basses et les réactions de celles qui en sont victimes sans qu’on sache exactement qui écoute ou est écouté. La morale finale est néanmoins sauve et le film, léger et acide à la fois est ainsi parfaitement représentatif de ses années où tout était aussi important que dérisoire mais dont le souvenir reste vivace, bon ou mauvais.


Sorti en dvd zone 2 français chez Paramount

vendredi 21 octobre 2011

La Perle du Pacifique Sud - Pearl of the South Pacific, Allan Dwan (1955)


Deux ramasseurs d'épaves possésseurs d'un yacht se joignent à Rita au lourd passé, dans une quête aux perles noires sur une île secrète...

La Perle du Pacifique Sud est un des Dwan les plus décriés (par l’auteur lui-même qui renie le film en bonus du dvd) mais s’avère finalement une série B d'aventures assez sympathique (même si pas à la hauteur des autres réussites de fin de carrière de Dwan). Une chasse au trésor amène un trio de filous, composé de David Farrar (méconnaissable en marin avide au visage buriné), Dennis Morgan et son ex, incarnée par la divine Virginia Mayo, à investir une île cachée et paradisiaque pour mettre la main sur des perles gardées jalousement par des indigènes. Dès le premier plan tout est dit : Dennis Morgan se réveille les yeux flous sur la paire de jambes somptueuses de Virginia Mayo. Nous n'aurons d'yeux que pour elle.


Se faisant passer pour une missionnaire, elle est chargée d'infiltrer l'île et d'amadouer les habitants afin de trouver la cachette des perles. Pourtant, elle est rapidement gagnée par la quiétude et la beauté des lieux, ainsi que par la nature simple et paisible de ses habitants, au point de ne plus être sûre de vouloir commettre le forfait avec ses complices. Une histoire simpliste certes, mais vraiment bien traitée.


En tout cas durant une bonne moitié de film, consistant à montrer l'évolution de Virginia Mayo, passant de la quasi traînée du début de film à une jeune femme découvrant les plaisirs d'une vie simple. Allan Dwan lui donne une aura sensuelle des plus vénéneuses, la filmant sous les angles et dans des situations ô combien érotiques, comme lorsqu'elle se fait voler ses vêtements et se voit contrainte de dormir nue sous sa couverture.

La très courte durée du film (1h20 à peine) sert bien le début percutant, démarrant au quart de tour (nous sommes sur l'île au bout de quinze minutes), mais gâche un tantinet la dernière partie par des raccourcis laborieux alors que le développement était excellent jusque là et un happy end qui tombe comme un cheveu sur la soupe. Visuellement, c'est un nouveau tour de force de la part d'Allan Dwan.

Le film fut tourné pour un budget minable sur une plage de Palm Springs décorée de palmiers en plastique (et quelques stock shots de la deuxième équipe filmés à Tahiti). Le tout est photographié (John Alton a encore fait des miracles) et cadré avec un tel brio que l'illusion est complète. On ne doute pas un seul instant que l'on est dans un coin reculé et sauvage du pacifique sud. Prodigieux visuellement et fort distrayant, un film qui ne mérite pas son affreuse réputation si on aime gouter aux plaisirs simples.Sorti en dvd zone 2 français au sein du coffret Carlotta consacré à Allan Dwan.

jeudi 20 octobre 2011

Emma, l'entremetteuse - Emma, Douglas McGrath (1996)

Une jeune et jolie fille qui s'ennuie dans une petite ville d'Angleterre au début du XIXe siècle se met dans la tête de chercher un mari pour sa nouvelle amie. Mais chaque jeune homme trouvé tombe amoureux d'Emma. En s'occupant de la vie des autres, Emma ne voit pas le cœur qui bat pour elle.

Après avoir passé l’été à dévorer l’intégrale de Jane Austen (bon reste encore Northanger Abbey) le moment est donc venu d’attaquer les nombreuses adaptations. Produit sans doute pour surfer sur le succès du Raisons et Sentiments d’Ang Lee sorti l’année précédente, cet Emma l’Entremetteuse peine cependant à en atteindre la qualité. La difficulté vient sans doute du roman en lui-même, sommet stylistique de Jane Austen mais à la construction pas évidente. Les trois premier romans de Jane Austen se dotaient d’héroïne espiègles mais fragile à la fois ce qui provoquait l’attachement du lecteur lorsqu’il les voyait subir ou se jouer des lois du paraître de cette haute société anglaise provinciale. Les dialogues piquants et caustiques laissaient pointer ironie, moquerie mais aussi profond désarroi à la fois dans un nœud d’intrigues sentimentales contrariées. Emma s’avérait quelque peu différent en semblant donner le premier rôle à une héroïne semblable aux personnages superficiels aperçu dans les ouvrages précédent.

Emma jeune fille hautaine mais néanmoins attachante et maladroite chercher donc à jouer tout au long du livre un rôle de marieuse pour laquelle sa jeunesse et son manque de jugement n’est pas approprié. Le roman adoptait donc constamment son regard biaisé et trop assuré, constamment dans l’erreur sur les évènements et le cœur des personnages qu’elle cherche à lier tandis que la notion de classe n’a jamais été plus prononcée dans un roman d’Austen. L’intrigue joue ainsi sur cette nonchalance de la vie bourgeoise provinciale, paraissant presque froid et lent puisque Emma ne regarde jamais où il faut et la touche sentimentale n’arrive finalement que sur la toute fin même si on la devinait.

Pour exprimer toute cette subtilité il aurait fallu un cinéaste aguerri ou alors une transposition qui prenne le temps de développer ces aspects, comme les feuilletons de la BBC par exemple. Pour son premier film, Douglas McGrath fait preuve d’une fidélité exemplaire mais manque le coche. Le sens de la narration et les dialogues de Jane Austen rendait passionnante une histoire qui se résume finalement à une série de dîner mondain, de bal et de pique-nique.

Ici c’est le regard du réalisateur qui aurait dû jouer ce rôle mais la mise en scène transparente de McGrath se contente d’aligner platement les passages obligés mais reste en surface. Il y a bien quelques idées comme la touche quelque peu colorée apportée aux décors pour appuyer la superficialité d’Emma ou les sauts narratifs dynamisant les conversations comme l’échange entre Emma et Miss Bates sur Jane Fairfax qui par la grâce du montage devient un dialogue entre Emma et Jane Fairfax.

Malheureusement cela se suit avec un intérêt poli pour le lecteur et un vrai ennui pour le non connaisseur tant l’ensemble demeure dans un académisme figé. L’interprétation va dans ce sens un peu creux notamment Gwyneth Paltrow qui passe le film à faire la moue, cligner des yeux et froncer les sourcils, adoucissant un peu trop Emma.

Jeremy Northam n’a guère la prestance et le charisme requis en Mr Knightley, Toni Collette joue trop de la simplicité d’esprit de Harriet Smith et pas de sa fragilité (et c’est le problème de l’ensemble du film qui est plus une farce décalée en costume qu'un récit romantique feutré). Bonne surprise par contre avec Alan Cumming excellent en sournois et intéressé Mr Elton et également Ewan Mcgregor très bon Frank Churchill. Assez oubliable donc et un peu longuet mieux vaut sans doute tenter la version récente avec Romola Garai pour la BBC…

Sorti en dvd zone 2 français chez Studio Canal, attention bizarrement l'édition a juste vo et vf mais uniquement des sous-titres anglais.

mercredi 19 octobre 2011

Le Défunt récalcitrant - Here comes Mr Jordan, Alexander Hall (1941)


Joe, un boxeur, meurt dans un accident d'avion. Mais dans l'au-delà, sa mort n'était pas prévue. On le réincarne dans la peau d'un banquier véreux. Mais Joe est honnête et voudrait bien continuer sa carrière de boxeur et affronter le champion Murdock...

Une jolie comédie à ranger en bonne place auprès du Ciel peut attendre de Lubitsch et Une Question de Vie ou de Mort de Powell et Pressburger en vision décalée de l'au-delà. Sans être aussi réussi que ces deux œuvres, le film d'Alexander Hall fait même figure de précurseur puisqu'il réalisé avant. Adapté de la pièce d’Harry Segall Heaven can wait, la grande force du film repose sur son script inventif qui nous emmène constamment dans des directions inattendues.

Joe (Robert Montgomery) jeune boxeur prometteur est suite à un accident d'avion amené prématurément aux cieux par un fonctionnaire céleste trop zélé. Problème le temps de réparer l'erreur, le corps de Joe a déjà été incinéré par ses proches. Le sympathique Mr Jordan (Claude Rains) va donc se charger de chercher un corps de substitution viable à notre héros mais ne va rien trouver de mieux que de celui d'un riche homme d'affaire détesté de tous et fraîchement assassiné par son épouse et son amant.

C'est un vrai plaisir que de suivre cette intrigue qui papillonne joyeusement d'une situation et d'un genre à autre. On passe ainsi de la satire décalée avec ce Ciel fonctionnant comme une administration (idée que reprend avec plus de brio encore Powell dans Une Question de Vie ou de Mort, toute comme l'esthétique dépouillée et onirique du Paradis là aussi en plus aboutit et inventif) au récit à la Capra lorsque notre naïf boxeur se mue en milliardaire soudainement préoccupé du bien d'autrui, à la comédie romantique et au film sportif. Robert Montgomery et sa bouille sympathique reste égal à lui-même et très attachant dans ses différents changements de directions, balloté d'un univers et d'un corps à l'autre sans jamais perdre son allant.

Tout n'est pas réussi pour autant, la partie lorgnant sur le policier est un peu laborieuse, l'histoire d'amour plutôt jolie ne convainc pas totalement la faute à une Evelyn Keyes un peu transparente et Alexander Hall n'exploite vraiment pas toute les possibilités visuelle qu'offre le script en allant au plus simple (Joe qui reste toujours sous les traits de Montgomery dans le regard des autres comme le sien lorsqu'il s'observe, dans le miroir les apparitions/disparitions de Mr Jordan sans idées le moindre épisode de Code Quantum est plus inventif sans parler du Powell/Pressbuger et sa féérie visuelle).

Cependant le rythme enlevée, la prestation tout en douceur de Claude Rains en mentor bienveillant, quelques seconds rôles excellents (Jack Gleason en entraîneur farfelu irrésistible et nominé à l'Oscar) et des situations drôllissimes (la réaction des assassins à la réapparition de Montgomery supposé mort assassiné quelques minutes plus tôt) offre un moment des plus agréables. Le film marquera pas mal les esprits à sa sortie avec un Oscar du meilleur scénario adapté et des nominations pour Alexander Hall et Robert Montgomery et connaîtra une suite en 1947, Down to earth toujours filmé par Alexander Hall mais où on retrouve uniquement Jack Gleason et Edward Everett Horton.

Un remake réalisé et joué par Warren Beatty verra le jour en 1978 (avec Julie Christie en fiancée, James Mason reprenant le rôle de Mr Jordan et Jack Warden en entraîneur pas vu mais ça donne très envie !) sous le titre Heaven can wait ce qui par inattention peur laisser croire que c'est une relecture du Lubitsch du même titre. Il y aura même une troisième version plus récente avec Chris Rock vraiment à oublier par contre.


Sorti en dvd zone 2 français chez Sony


mardi 18 octobre 2011

La Chute de l'Empire Romain - The Fall of The Roman Empire, Anthony Mann (1964)


Deux frères ennemis se disputent le pouvoir : le tyran instable Commode et le général Livius, digne disciple de Marc-Aurèle (père de Commode) et désireux de faire de Rome un empire résistant à la misère et aux invasions barbares. Le règne de Commode précipite Rome dans la décadence.

Avec Le Cid réalisé trois ans plus tôt, La Chute de l'Empire Romain constitue en quelque sorte le testament filmique d'Anthony Mann. Avec ces deux fresques monumentales, Mann délivre la quintessence de sa maestria visuelle et dramatique qu'il n'atteindra pas avec ses deux derniers films l'inégal Les Héros de Telemark et l'inachevé Maldonne pour un espion (il meurt sur le tournage et l'acteur Laurence Harvey achèvera le film). Si Le Cid s'attachait à illustrer la figure du héros dans le sens le plus noble du terme, La Chute de l’Empire Romain a pour lui un propos passionnant à savoir le déclin d’une civilisation.

L’intrigue fera plus qu’inspirer le récent Gladiator de Ridley Scott qui semble bien en être le remake officieux. La comparaison s’arrête cependant là. Gladiator est un efficace film d'action antique tandis que l’œuvre d'Anthony Mann est une analyse en profondeur des éléments qui mènent à la dérive puis à la chute d’une grande puissance. Lors de la sortie, le film avait en toile de fond contemporaine le régime soviétique mais la réflexion assez universelle peut s’attacher tout autant à l’histoire récente des Etats-Unis.

Les Romains sont en effet décrits comme un peuple fermé qui refuse d'intégrer les peuples conquis et d'en faire des citoyens romains à part entière tout en continuant à les exploiter, ce qui entraînera la rébellion de ses derniers. Une grande puissance sentant son pouvoir péricliter fait donc ainsi le choix de la fermeture et du repli sur soi au détriment d’une ouverture teintée de suspicion dont les apports potentiels sont mis en doute.

Seul le héros Livius (Stephen Boyd vraiment fade et peu charismatique Charlton Heston prévu au départ aurait été bien meilleur, tout comme Richard Harris qui abandonne le rôle de Commode au cabot Christopher Plummer) fait preuve d'ouverture d'esprit ainsi que le philosophe joué par James Mason, mais il sera écarté du trône qu’un Marc Aurèle visionnaire (Alec Guiness fascinant) lui destinait. C’est donc dans l’affrontement fratricide entre le prétendant déchu Commode (Christopher Plummer) et Livius que va se jouer le sort de l’Empire.

Mann se rattrape de la déconvenue de Spartacus par un son illustrations d’un cadre fastueux et de morceaux de bravoures brillants. La poursuite en char sur une route montagneuse enterre ainsi celle pourtant mythique de Ben Hur tandis que le rapprochement avec Gladiator est encore de mise avec un grandiose face à face final entre Commode et Livius dans une arène.

Contrairement au Cid aucune figure charismatique ne pourra cependant entraver la chute. Les moments symboliques montrent que quelques chose s’est définitivement brisé, que ce soit l'armée de rebelles de Livius achetée par Commode pour une poigné d'or ou la fin très cynique ou le titre de César se négocie au plus offrant… Malgré cette grande russites, l'échec du film sonnera pour un long moment la fin de ce type de fresque antique dans le cinéma américain... Jusqu'à Gladiator.

Sorti en dvd zone 2 français chez Opening mais les anglophones devraient plutôt pencher sur les magnifiques éditions collector éditées en zone 1 par Miriam et gorgées de suppléments passionnants.


lundi 17 octobre 2011

Le Train - The Train, John Frankenheimer (1964)


En juillet 1944, le colonel Von Waldheim fait évacuer les tableaux de maîtres de la Galerie nationale du Jeu de Paume pour les envoyer en Allemagne. Labiche, un cheminot résistant, est chargé de conduire le train transportant ces objets d'art. Avec l'aide de ses compagnons résistants, il va chercher à faire en sorte que le train et les tableaux n'arrivent jamais à destination.

Le Prisonnier d'Alcatraz, Sept jours en mai, les collaborations entre John Frankenheimer et Burt Lancaster sont toujours synonyme de qualité, ce que confirme cet excellent The Train. Formidable ode aux cheminots français résistants de Deuxième Guerre Mondiale, le film a un pitch des plus séduisants. Face à la débâcle de l'armée allemande et à l'arrivée imminente des alliés, un officier allemand amateur d'art décide d'embarquer en Allemagne tous les fleurons de la peinture française qu'il s'est plu à emmagasiner durant l'occupation. Seulement il va trouver sur sa route une horde de cheminots bien décidé à empêcher les toiles d'arriver à bon port.

Le film offre un questionnement intéressant à travers le rapport qu'entretiennent les deux héros au chargement prestigieux qu'ils se disputent. Pour Von Waldheim, cela est de l'ordre de l'obsession et fini par aller au-delà même de ses obligations envers son armée. Paul Scofield délivre une prestation fiévreuse et compose un personnage aussi captivant et énigmatique qu'Alec Guiness dans Le Pont de la rivière Kwai. A l'inverse le chef de gare résistant incarné par Lancaster est plus pragmatique et au départ préfère privilégier des actions plus utiles voire carrément le chargement. Ce qu'il n'a pas compris, la conservatrice de musée jouée par Suzanne Flon puis tous ses camarades sacrifiés (courte mais formidable prestation de Michel Simon en Papa Boule) tout au long du film lui feront saisir. Ces peintures représentent le patrimoine français, son histoire et son honneur et à l'heure d'une libération à venir il est impensable de le laisser partir chez l'ennemi.

Quand la seule passion élitiste et individualiste guide les actions de Von Waldheim (ce que confirme une superbe tirade finale), celles des français qu'ils soient en mesure d'apprécier cet art ou pas va bien au-delà. La séquence finale voyant montrant en montage alterné un monceau de cadavres de cheminots avec les caisses de tableaux simplement marqués du nom des artistes expriment magnifiquement cet idée. Dès lors la quête de Lancaster vire à la même obsession et détermination que son ennemi avec climax éreintant qui n'est pas sans rappeler dans l'idée ce que fera Frankenheimer à la fin de French Connection où un Gene Hackman traquait Charnier jusqu'au point de rupture.

En plus de soulever ces thèmes passionnants le film n'en oublie pas d'être hautement spectaculaire, chose réclamée par Lancaster qui souhaitait un vrai film d'aventure et renvoya Arthur Penn (qui débuta le film et fit la pré production) au profit du bien plus efficace Frankenheimer. Ici donc les moyens sont là avec un tournage dans divers poste ferroviaire aux quatre coins de la France où on retiendra une dantesque séquence de bombardement (que sillonnent le train conduit par Michel Simon) et impressionnante collision de locomotive.

Le suspense est rondement mené et inventif (la longue traversée où les cheminots trompent les allemands sur les parcours en changeant le nom des gares) pour un formidable morceau de cinéma à la conclusion parfaite. Un des meilleurs Frankenheimer.

Sorti en dvd zone 2 français chez MGM

Bande-annonce



Et une jolie curiosité un making-of d'époque réalisé par la SNCF et narré par Michel Simon

dimanche 16 octobre 2011

Le Poids d'un Mensonge - Love Letters, William Dieterle (1945)



Alan écrivait les lettres d'amour que Roger envoyait à sa fiancée. Une fois mariée, la jeune femme fut déçue par Roger, le couple se désagrégea et Roger mourut lors d'une dispute.

William Dieterle à la réalisation filmant le couple Joseph Cotten/ Jennifer Jones, cela éveille immédiatement de grandioses souvenirs de cinéma avec Duel au Soleil (filmé officieusement en partie par Dieterle) mais surtout le merveilleux Portrait de Jennie et sa romance fantasmagorique à l'esthétique flamboyante. C'est précisément à ce dernier qu'on pense d'ailleurs à la vison de Love Letters qui lui est antérieur et on peut supposer que c'est l'alchimie constatée ici entre Jennifer Jones et Joseph Cotten qui incita David O' Selznick à les réunir à nouveau par la suite.

Le plus troublant reste surtout les similitudes entre les récits du Portrait de Jennie et Love Letters qui sur des postulats bien différents offrent des situations et des personnages très proche à Joseph Cotten et Jennifer Jones. Le romantisme exacerbé s'exprime cependant dans une teneur rêvée et surnaturelle dans Jennie tandis que Love Letters a une approche essentiellement psychologique (présente néanmoins dans Le Portrait de Jennie).

Joseph Cotten est donc déjà ici un personnage solitaire et sans goût pour la vie courant après une chimère qui se verra personnifiée par Jennifer Jones. L'idée en elle-même est d'un romantisme si imprégnée de littérature qu'on l'imagine mal passer à l'écran. Cotten soldat mobilisé au front a rendu service à un camarade trop terre à terre en rédigeant pour son compte des lettres passionnée à sa fiancée. Contre toute attente celle-ci s'avère profondément touchée par ses écrits et lui de tomber amoureux de cette femme qu'il n'a jamais vu et qui ne soupçonne pas son existence.

Démobilisé pour blessure il apprend la mort de son ancien compagnon désormais marié et apprend que son épouse a subi le même sort. Surgit alors une étrange jeune femme dans son existence, la mystérieuse et innocente Singleton (Jennifer Jones). Le script de Ayn Rand (adapté d'un roman de Christopher Massie) rend l'ensemble limpide et particulièrement troublant.

La longue introduction appuie donc sur la nature obsessionnelle et insaisissable de la passion de Joseph Cotten, d'abord par la situation l'empêchant d'aborder cet amour invisible puis par la triste réalité elle-même lorsqu'elle s'avéra morte. Dès lors Dieterle retarde longuement la première apparition de Jennifer Jones (si ce n'est une furtive qui est totalement logique quant aux évènements qui vont suivre) sur laquelle Cotten va finalement lever les yeux et tomber follement amoureux.

Cependant l'ombre de la romance épistolaire non consommée plane constamment sur les lieux voisins du drame où va s'installer le couple, sur chacun de leurs actes mais surtout sur le mental fragile de Singleton. Cette figure absente et omniprésente à la fois s'exprime parfaitement dans la prestation fascinante de Jennifer Jones qui en cette période multipliait les rôles de femmes enfants séductrice et dangereuses.

Ici elle est confondante de candeur et de fragilité (son arrivée impromptue chez Cotten splendide séquence) mais à tout moment un nuage de démence et de désarroi peut venir obscurcir son regard, l'actrice graduant à merveille la progression de son malaise (un mot à la place d'un autres, un détail rappelant un souvenir enfouit et transformant son attitude...). Cotten tour à tour torturé, protecteur et impuissant est tout aussi bons et les séquences romantiques entre eux sont très touchantes mais toujours teintées de menaces.

Le scénario mêle au mélodrame des éléments de psychanalyse qui commencent à infiltrer la production hollywoodienne (La Maison du Docteur Edwardes le plus représentatif de ce mouvement sort la même année) mais Dieterle accroché à ses personnages s'avèrent très sobre et subtil pour exprimer cette facettes. Le mystère et le danger s'insèrent donc insidieusement, chape de plomb sur le bonheur du couple et les différentes pièces du puzzle s'agencent lentement jusqu'à une grosse révélation à mi film.

Le flashback explicatif final (on pense énormément à Rebecca ou aux futurs Vertigo et Psycho dans certaines trouvailles narratives) aurait pu s'avérer lourd mais Dieterle privilégie la résolution romanesque au cheminement qui l'a amenée. Les Love Letters au contenu si potentiellement néfaste tout au long du film reprennent leurs vertus initiales lors d'un ultime échange magnifique entre Jennifer Jones et Joseph Cotten.

Et la mauvaise nouvelle pour conclure film pour l'instant inédit en dvd donc guetter une diffusion TCM ou au Cinéma de Minuit...