Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram
Un jeune homme veut gagner l’estime du père de
sa copine, un pêcheur solitaire. Celui-ci l’initie aux secrets de la
pêche au thon, affrontant l’âpreté de la mer et les risques du métier.
Après trois premiers films placés sous le signe de l'adolescence (Tonda Couple (1980), Sailor Suit and Machine Gun (1981) et P.P. Rider (1983)), Shinji Somai effectue un virage surprenant avec The Catch (adapté d'un roman de Akira Yoshimura dont Shohei Imamura transposera plus tard L'Anguille
(1997), fascinant objet entre documentaire et chronique familiale. On y
plonge dans le milieu des pêcheurs de thon où le jeune Shunichi (Kōichi
Satō) souhaite apprendre le métier auprès de Kohama (Ken Ogata), le
père de sa fiancée Tokiko (Masako Natsume). Seulement Kohama est un
vieil ours solitaire dont toute l'attention est obnubilée par la pêche,
ce qui lui a valu d'être quitté par sa femme et d'être un père absent
malgré qu'il vive avec sa fille. Le rapprochement entre Shunichi et
Kohama est laborieux et la première sortie en mer se fait après moult
supplication sans que le père ne se montre un mentor très coopératif.
Shinji Somai fait de la mer un espace semé d'embûches et qui lorsqu'on
décide de l'investir par le seul égoïsme et la fuite des autres, sera un
lieu de séparation.
Le drame ne s'invite que progressivement dans la
description méticuleuse de la pêche au thon. Somai procède à son art du
long plan-séquence pour dépeindre chaque étape du processus et c'est
précisément cette longue continuité filmique qui confère cette dimension
documentaire au film. Rien que le départ du bateau de Kohama du port
impressionne en capturant à la fois l'ensemble du mouvement de
l'appareil mais aussi toutes les manœuvres du pêcheur à son bord, le
tout en longue focale qui appuie ce côté sur le vif. Il en va de même en
mer mais la mise en scène inscrit ce réalisme dans la caractérisation
des personnages, le découpage isolant Shunichi, les compositions le
plaçant en arrière ou avant-plan et l'exploration de la topographie du
bateau en fait toujours un étranger, un encombrant sur le chemin de
Kohama. Ce dernier n'accepte pas réellement Shunichi sur son bateau et
par extension dans sa famille. Ce ne sera pas par méfiance ou peur pour
sa fille, Shunichi est simplement un importun qui le dévie de sa seule
et unique obsession, le prochain thon qu'il pêchera et pourra revendre à
terre. C'est une forme de déshumanisation qui le mènera au point de
non-retour quand il tardera à sauver Shunichi grièvement blessé pour
finir d'extraire l'énorme thon accroché à sa ligne.
La mer donne ou retire pour ceux qui ne savent pas la partager. Le passé
de mari indigne de Kohama ressurgit quand il recroisera sa femme Aya
(Yukiyo Toake) et que parallèlement le thon se refusera désormais à lui
en se libérant systématiquement de sa ligne. Les retrouvailles des époux
sont amorcées par une séquence impressionnante scène pluvieuse, travers
un mouvement de grue où l'on passe des hauteurs du village à ses
ruelles, accompagnant le regard d'Aya et Kohama qui se reconnaissent et
vont longuement se poursuivre. Aya aura préféré une vie frivole plutôt
que cet époux taciturne et éteint hors de son bateau, et le
rapprochement furtif leur rappellera aussi pourquoi ils se sont quittés
autrefois. C'est dans l'étirement de séquence que Somai laisse deviner
l'issue de cette rencontre, les plans rapprochés exprimant l'éphémère
rapprochant possible durant la scène d'amour tandis que les plongées, le
filmage à distance en longue focale en fait des pantins qui rejouent
leur séparation passée. L'art du plan fixe et de la composition de plan
de Somai peut cependant conférer une vraie poésie et révéler des
sentiments profonds quand il filmera les quais (sous le même angle où
l'on a vu précédemment une bagarre) où revient Aya, puis théâtre de feux
d'artifices. Les lieux sont ce que l'on en fait, ce qui se rapproche du
rôle de la mer au sein du film et que traduit la photo de Mutsuo
Naganuma entre contemplatif et rugosité.
Au début de l'histoire, Tokiko reproche à Shunichi de toujours lui dire
qu'il l'aime, "elle et la mer" sans jamais pouvoir les détacher dans
l'expression de son amour. Alors qu'il n'est pas encore un pêcheur
accompli, Shunichi partage finalement déjà la même obsession que son
beau-père Kohama. Il finit par reproduire les comportements passés
méprisables de celui-ci à force de revenir bredouille au port, et se met
à se montrer violent envers Tokiko. Dompter la mer, y affirmer sa
virilité en revenant avec une pêche conséquente ravive donc cette notion
séparation, d'espace égoïste de la mer et précisément la facette
amenant le malheur. Shinji Somai montre cet envers néfaste mais de
nouveau la facette lumineuse avec la réconciliation père/fille quand
Tokiko demandera à Kohama d'aller chercher Shunichi pas revenu de sa
dernière pêche. </
La magnifique conclusion laisse ainsi dans un sentiment
contrasté où la mer a donné l'instant de complicité tant espéré entre
Shunichi et Kohama lors d'une périlleuse pêche d'un ton aux proportions
énormes, mais cette communion sera fatalement la seule pour eux.
L'interprétation est pour beaucoup dans la force du film, Ken Ogata est
plus vrai que nature en pêcheur expérimenté (la mise en scène épurée de
Somai révèle bien qu'il effectue lui-même toutes les tâches) et passe de
manière impressionnante de l'adolescente délurée à l'épouse meurtrie,
notamment la très belle scène finale. Hormis de petites longueurs par
moment (les scènes sur terre surtout, celles en mer ayant un pouvoir de
fascination constant), une œuvre captivante et singulière.
James Bond enquête sur
le vol de puces électroniques commis par un mystérieux criminel. Apparait
rapidement un lien entre cette affaire et le riche industriel Max Zorin,
passionné de chevaux. De Paris à San Francisco, il faudra à 007 toute son
énergie pour éviter une catastrophe écologique doublée d’un renversement des
valeurs économiques à échelle mondiale...
Avec le bariolé et virevoltant Octopussy (1983), Roger Moore avait remporté (sur le plan commercial et
qualitatif) la « guerre des Bond » face à Jamais plus jamais sorti simultanément et qui voyait le bref retour
de Sean Connery dans cet épisode non officiel. Roger Moore s’affirmait donc là
pour le grand public contemporain comme LE James Bond. Malgré les fautes de
goût de certains films, l’acteur s’était brillamment approprié le rôle, y
apportant la fougue, le panache et l’humour distancié qui le différenciait d’un
Sean Connery démotivé sur Les Diamants
sont éternels (1971). Cependant Roger Moore vieillit et incarne donc un
Bond un peu plus marqué dans Rien que pour vos yeux (1981) et Octopussy
sans que cela entache l’allant des films. Ce sera malheureusement le cas sur Dangereusement votre, l’épisode de trop
pour Roger Moore approchant la soixantaine et désormais dépassé par la jeunesse
du cinéma d’action émergeant du côté des Etats-Unis avec Sylvester Stallone,
Arnold Schwarzenegger, Harrison Ford et les Indiana Jones. Cela est visible
dans les scènes d’action où la plus infime bagarre réclame désormais une
doublure, le film devant à Moore l’infâme surnom de « l’homme qui se
faisait doubler même pour s’asseoir ».
C’est assez injuste pour Moore qui
sur l’ensemble de ses Bond a plus donné de sa personne niveau cascade que Sean
Connery (il a par exemple passé un permis bus pour conduire l’engin de Vivre et laisser mourir (1973), et effectué en grande partie l'haletante scène d'escalade de Rien que pour vos yeux). Cela se
remarque aussi dans les tenues vestimentaires, Moore autrefois si félin à des
allures de vieil oncle quand il s’infiltre en survêtement informe dans la base
du méchant, et paraît terriblement ringard dans une tentative de faire jeune
lorsqu’il arbore un blouson en cuir. L’acteur en se rendant compte sur le
tournage qu’il est plus âgé que la mère de la James Bond girl Tanya Roberts
comprendra son désormais anachronisme et décidera de tirer sa révérence.
Passé ces écueils Dangereusement
votre même si loin d’atteindre les sommets de la saga (ni même de la
période Roger Moore) se regarde sans ennui. Le scénario est une sorte de remake
modernisé de Goldfinger (1964) où un
riche mégalomane veut annihiler la concurrence de la Silicon Valley pour s’assurer
le monopole sur les puces électroniques. Christopher Walken en psychopathe peroxydé
apporte une étrangeté menaçante et imprévisible (cet incroyable scène où il abat ses ouvriers à la mitraillette dans un grand éclat de rire) à ce Max Zorin, renforcé par le
background du personnage supposé être le fruit d’expériences génétiquess russe
pour concevoir un être de génie. Grace Jones en « femme de main »
constitue une redoutable adversaire également, avec une vraie présence de
panthère menaçante et aux tenues extravagantes. Ce duo apporte un vrai souffle
de modernité face à la vieille garde bondienne puisque Patrick « John
Steed »Macnee est au casting (renforçant les liens entre Chapeau Melon et
bottes de cuirs et James Bond après Honor Blackman dans Goldfinger, Diana Rigg et Joana Lumley dans Au service secret de sa majesté (1969)), et que certains habitués
font leur dernière apparition comme Lois Maxwell en Miss Moneypenny.
La première partie du film en France est assez remarquable.
Le cadre touristique est très bien utilisé avec un affrontement sur la Tour
Eiffel (même si Moore a le souffle court pour dévaler les marches) puis une course
poursuite dans les rues de Paris (parfaitement réglée par le regretté Rémy
Julienne) qui se termine sur une péniche. La menace et le mystère fonctionnent
vraiment dans ce milieu hippique et on savoure un Roger Moore à l’aise qui
enchaîne les mots d’esprit. La seconde partie à San Francisco est nettement
moins convaincante. On y repère une tentative d’américanisation de Bond pour le
rajeunir, que ce soit par les tenues vestimentaires évoquées plus haut, ou par
des scènes d’actions à la « Blues Brothers » mécaniquement intégrées
au récit avec des sursauts d’humour façon Police
Academy qui rappelle les errances comiques de Vivre et laisser mourir et L’Homme au pistolet d’or (1974) et son
insupportable shérif Pepper. Le rythme est mou et laborieux, les morceaux de bravoures
poussifs (l’incendie dans la mairie) et très clairement la doublure de Roger
Moore a plus de présence à l’écran que l’intéressé.
On aura un petit sursaut d’intérêt
lors de la conclusion avec l’originalité du plan de destruction de Zorin, le
revirement de Mayday (Grace Jones) sans céder au cliché de la saga en l’attribuant
à un amour pour Bond, et le climax du haut du pont du Golden Gate bien que
mollement exécuté n’est pas dépourvu de suspense. Le seul point ou la tentative
de lifting est vraiment réussie concerne la bande-originale de John Barry. Le
compositeur restait dans un certain classicisme bondien depuis L’Homme au pistolet d’or (malgré les
quelques écarts disco de Moonraker
(1979)) mais là embrasse pour le meilleur les sonorités des années 80. Le morceau
A View to A Kill composé avec les « Nouveaux
Romantiques » de Duran Duran est percutant en diable et sa mélodie
imparable imprègne tout le score, que ce soit pour de somptueuses pièce
romantiques symphoniques (l’instrumental Bond meet Stacy sur la bande originale
est une merveille romantique) ou les élans héroïques où s’invite la boite à
rythme et le synthétiseur. La musique dynamise à elle seule la tenue
mollassonne du film et Barry poursuivra brillamment dans cette voie sur le
suivant Tuer n’est pas jouer (1987).
Des adieux honorables de Roger Moore donc, avant que Timothy Dalton vienne
apporter un sacré sang neuf.
Le docteur Michael
Parker vit seul avec sa fille. Séparé de sa femme, il la croit décédée. En se
rendant à New-York, il tombe par hasard sur elle, en couple avec un artiste. En
voulant s'enfuir, elle est renversée par une voiture. Par miracle, Michael
parvient à sauver la vie de son ex-femme. Le feu de l'amour brûle à nouveau.
Mais la jeune fille du couple a du mal à se réajuster à cette nouvelle vie...
Ne dites jamais adieu
est un mélodrame Universal typique de ceux produits avec succès par le studio
durant les années 50, et plus particulièrement ceux réalisés par Douglas Sirk. On
attribue d’ailleurs officieusement à ce dernier la réalisation au détriment de
Jerry Hopper mais la réalité est plus complexe. Dans le livre d’entretien Conversations avec Douglas Sirk de Jon
Halliday, Sirk déclare avoir effectué la préparation du film et être à l’origine
du casting de Cornell Borchers, sa compatriote allemande dans le premier rôle
féminin. Il partit ensuite réaliser Ecrit sur le vent (1956) avant de revenir retourner quelques scènes. Le film est
effectivement sirkien en diable, que ce soit par sa conception, son sujet et
son esthétique. Comme pas mal des classiques du réalisateur, il s’agit du
remake d’un mélo plus ancien de Universal, This
Love of Ours de William Dieterle (1945) qui était lui-même adapté de la
pièce Comme avant, mieux qu'avant de
Luigi Pirandello. Le flashback viennois et le contexte post-Seconde Guerre
Mondiale annonce Le Temps d’aimer et le temps de mourir(1959) tandis que le postulat (une mère retrouvant après de
longues années le foyer qu’elle a perdu) est voisin de All I Desire (1953), un des belles réussites méconnues de Sirk.
Ne dites jamais adieu offre donc un mélodrame assez touchant mais plutôt convenu, auquel il manque l’emphase,
la dimension spirituelle et l’emphase formelle de Douglas Sirk. Ce dernier
point peut éventuellement ce discuter sur quelques belles fulgurances qu’on
attribuera malgré tout à Jerry Hopper puisque les reshoots de Sirk concernant
uniquement les scènes de son ami George Sanders qui avait réclamé sa présence.
Les flashbacks viennois opposent donc une Europe aussi féérique que tortueuse à
la ligne claire de de l’’Amérique pavillonnaire wasp où vit Michael Parker avec
sa fille.
La rencontre inopinée avec son épouse Lisa (Cornell Borchers) qu’il
croyait morte amorce donc le souvenir de leur rencontre. Une superbe maquette
nous introduit dans cette Vienne, la photo stylisée de Maury Gertsman laissant
tout autant deviner l’aura romantique que tourmentée de la ville. Cela concerne
bien sûr le schisme politique qui conduira à la séparation avec la frontière
russe (et qui aura son importance dramatique dans le récit) mais surtout le
voile qui va s’immiscer dans le couple Michael/Lisa. Sans repères dans un pays
étranger, Michael est suspicieux envers tout ce qui rattache Lisa à son passé
et ses racines « saltimbanques », en particulier ses rapports affectueux
avec Victor (George Sanders).
Jerry Hopper un peu trop souvent par le dialogue
ou le jeu renfrogné de Rock Hudson pour faire passer l’idée, mais fait parfois
preuve aussi de plus d’inspiration. On pense à la scène où Michael retrouve
Lisa dans le bar où elle joue, alors qu’elle embrasse un vieil ami, la photo
plonge soudain Hudson dans l’ombre comme pour faire passer par la seule image
les idées noires de jalousie qui traverse son esprit. Le jeu à fleur de peau et
très expressif de Cornell Borchers est également d’une grand force pour faire
passer l’émotion, dans le drame comme les séquences romantique. Ce regard bleu
tour à tour chargé d’affection ou d’affliction marque durablement à chaque gros
plan et l’on peut regretter que l’actrice n’ait pas eu une carrière
hollywoodienne plus riche (même si elle retrouvera Rock Hudson l’année suivante
dans Istanbul de Joseph Pevney (1957)).
Le retour au présent est beaucoup plus convenu, sur le fond
et la forme. La reconstitution de la cellule familiale obéit certes aux
conventions d’alors (et est peut-être conforme à la pièce), mais aurait pu être
amené moins grossièrement. Lisa oscillera donc entre renoncer à revoir sa fille
puis y consentir mais vivant à nouveau sous le même toit que Michael alors qu’elle
a toutes les raisons de lui en vouloir. De même le long déni de la fillette que
Lisa est sa vraie mère pourrait être résolu en lui montrant une simple photo. On
pourrait y voir une considération trop terre à terre dans la logique du
mélodrame, mais les flashbacks s’attardent longuement sur les albums photos de
la famille ce qui oblige le spectateur à y penser en fin de compte.
Il est
difficile en plus de croire au vu de l’idolâtrie qu’entretient Parker auprès de
sa fille sur sa mère disparue, il ne lui ait jamais montré de photo d’elle. Tous
ces raccourcis sont là pour servir un rebondissement final où la fillette
admettra la vérité en voyant un portrait dessiné, c’est touchant mais
poussivement mis en place malheureusement. Toute la partie retrouvailles est
donc assez convenue malgré la jolie patine formelle typique d’Universal et ne
fonctionne que sur la conviction du casting. Un joli moment donc, mais très
clairement dénué de la poésie, l’audace et la vision sociale d’un Douglas Sirk
ou Delmer Daves dans leurs mélodrames Universal.
Sorti en bluray et dvd zone 2 français chez Elephant Films