Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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mardi 13 février 2018

Ed Wood - Tim Burton (1994)

En 1952, Ed Wood cherche à percer dans l'industrie du cinéma. Il rencontre le producteur Georgie Weiss alors que celui-ci cherche à faire un film basé sur l'histoire de Christine Jorgensen (la première personne à s'être fait opérer pour changer de sexe) et lui propose d'écrire le scénario. Peu après, Wood rencontre Béla Lugosi et les deux hommes deviennent rapidement amis. Wood persuade Weiss de le laisser réaliser le film car lui-même aime s'habiller en femme et en mettant en avant la participation de Lugosi au projet. Wood réalise son rêve en étant à la fois acteur, scénariste, réalisateur et producteur de « Glen or Glenda? » mais le film est un grave échec à la fois commercial et critique.

Ed Wood s’affirme comme une des plus belles réussites et un des films les plus personnels de Tim Burton. A première vue on voit peu de point commun entre le wonder boy hollywoodien qu’est alors Tim Burton et le proclamé « plus mauvais réalisateur de tous les temps ».  Pourtant la seule vraie différence entre les deux repose avant tout sur le talent et la reconnaissance que leur accorda l’industrie. Tim Burton comme Ed Wood sont ainsi chacun à leur époque des parias à l’imaginaire excentrique qu’une rencontre avec une icône du cinéma fantastique (Vincent Price pour Burton, Bela Lugosi pour Ed Wood) mis en confiance pour se lancer, Price participant au court-métrage hommage Vincent (1982) puis Edward aux mainsd’argent (1990) tandis qu’un Lugosi sur le déclin joua dans La Fiancée du monstre (1956) et le fameux Plan 9 from Outer Space (1959). Pour résumer, Tim Burton est en quelque sorte un Ed Wood qui aurait réussi et dont la singularité fit le succès quand elle suscita le rejet pour Ed Wood. C’est en tout cas par le prisme de cette identification que Tim Burton oriente son biopic, au départ un projet dont il n’est pas l’initiateur ni le réalisateur initial (Michael Lehman devant mettre en scène le scénario de  du duo de scénaristes Scott Alexander et Larry Karaszewski spécialisé dans le biopic, Larry Flynt (1996) et Man on the Moon (1999) de Milos Forman suivront notamment). L’attachement de Burton au sujet sera la source de choix formels radicaux avec notamment le noir et blanc qui provoquera le retrait de Columbia Pictures studio au départ du projet pour Disney qui lui laissera toute latitude en échange d’un budget modeste de 18 millions de dollars.

Si le film s’inspire largement du livre Nightmare of Ecstasy: The Life and Art of Edward D. Wood, Jr de Rudolph Grey paru en 1992 (livre d’entretien avec les proches d’Ed Wood qui participa à la reconsidération du réalisateur avant le film de Burton), Tim Burton prend de larges libertés avec les évènements et la nature de certains personnages - la vision négative pas forcément justifiée de Dolores Fuller, première compagne d’Ed Wood jouée par Sarah Jessica Parker - pour orienter le film vers ses thèmes de prédilections. Tous les grands personnages de Burton souffrent de ce déchirement entre volonté d’intégrer un monde « normal » qu’ils observent de loin et le souhait de préserver leur individualité. Dans Ed Wood cela prend une tournure d’autant plus personnelle avec un héros aspirant réalisateur (Johnny Depp) qui observe avec envie le faste des studios en se rêvant également à la tête de ses propres films. Les chemins de traverse, le manque de moyen et surtout de talent pourrait décourager le personnage mais au contraire Burton s’attache à dépeindre son indéfectible optimisme – là aussi rejetant les réels penchants autodestructeurs d’Ed Wood qui conduiront à sa mort prématurée.

La normalité est un doux rêve mais la bizarrerie moteur de cette singularité une raison de vivre et un moteur créatif chez Burton. Dès lors ce sont les penchants les plus anticonformistes d’Ed Wood qui l’inspire quand il mettra en scène son goût pour le travestissement dans Glen or Glenda (1953). Le réalisateur prolonge cette idée dans la constitution de la communauté de « monstres » qu’est son équipe artistique. Cela passe par le physique et la carrure hors-normes de Thor Johnson (le vrai catcheur George Steele), l’identité sexuelle à nouveau incertaine de Bunny (Bill Murray) et surtout par la théâtralité du tempérament de Bela Lugosi (Martin Landau). L’excentricité de ce dernier l’a élevé puis suscité le rejet d’Hollywood pour lequel il constitue un vestige poussiéreux et oublié. L’interprétation fragile, tourmentée et imprévisible de Martin Landau en font une figure inoubliable et Burton soigne tout particulièrement l’attachant rapport père/fils qui se noue avec Ed Wood. Burton ne fait pas de son héros un génie incompris (l’incompétence manifeste et les bouts de ses films étant largement exposés) mais voit en lui un artiste à part entière dont la sincérité et la croyance profonde en ce qu’il raconte mérite le respect. 

L’exaltation avec laquelle il dirige son plateau et la fièvre avec laquelle il récite tous les dialogues des acteurs suscitent ainsi un enthousiasme contagieux. Mais c’est surtout dans la manière dont il se relève constamment de ses échecs et transcende les obstacles qui créent cette empathie. Les différentes déconvenues peuvent concerner son talent tout relatif (à un producteur qui lui signale la nullité de Glen ou Glenda, Ed Wood réplique que le prochain film sera meilleur), sa nature de freaks (Dolores ne supportant pas son attrait des vêtements féminins) ou les aléas de tournages fauchés, il se relèvera toujours plein d’allant. Deux scènes mettent superbement en parallèle cette idée. Ce sera d’abord quand il avouera à sa nouvelle petite amie (Patricia Arquette) son goût pour le travestissement dans un train fantôme qui tombe en panne le temps de la confession. 

Après s’être rassuré sur le fait que cette marotte n’altéra pas son gout pour le sexe, la fiancée ne s’en offusque pas et le train fantôme peut se remettre en route comme si de rien n’était. La seconde scène sera la rencontre (imaginaire) entre Ed Wood et Orson Welles (Vincent D'Onofrio) où le fossé de talent s’estompe pour ne laisser que le dialogue entre deux artistes ayant les mêmes difficultés à trouver le financement pour leur œuvre et à jongler avec leurs mécènes interventionnistes. 

« L’accomplissement » de Plan 9 from Outer Space se ressent ainsi plus dans l’énergie créative et la fougue d’Ed Wood que dans le résultat ridicule mais dont Burton nimbe l’amateurisme d’une poésie sincère - et accorde une scène d’avant-première qui ne s’est jamais déroulée. Ed Wood est le dernier vrai grand chef d’œuvre de Tim Burton, un de ceux où il se met le plus à nu et ne souffrant pas encore du malentendu à venir entre une bizarrerie devenue une trademark (Sleepy Hollow (1999)) et en contradiction avec un conformisme ayant pris le pas (Big Fish (2002), Charlie et la Chocolaterie (2005), Les Noces Funèbres (2005), Alice au pays des merveilles (2010)).

Sorti en dvd zone 2 français et bluray chez Touchstone

lundi 12 février 2018

Le Mystère von Bülow - Reversal of Fortune, Barbet Schroeder (1990)

Sunny et Claus von Bülow forment un couple de milliardaires distingués. Mais un jour, Sunny est retrouvée dans un coma profond provoqué par une surdose d'insuline. C'est son second coma et tous les soupçons se portent sur son époux. Déclaré coupable de deux tentatives de meurtre lors d'un premier procès, Claus von Bülow fait appel et obtient pour préparer le second procès le concours de l'avocat Alan Dershowitz, lequel n'est pourtant pas spécialisé dans ce genre d'affaires. Devant la complexité du dossier et les délais impartis, Dershowitz fait travailler sur le dossier une véritable équipe composée de professionnels et de ses élèves.

L'observation et la fascination pour le mal est un thème au cœur de la filmographie de Barbet Schroeder qui pour l'évoquer se partage souvent entre fiction notamment le thriller ( JF partagerait appartement (1992), L'Enjeu (1998), Calculs meurtriers (2002)) et documentaire (Général Idi Amin Dada : Autoportrait (1974), L'Avocat de la terreur (2007), Le Vénérable W. (2016)). Le Mystère von Bülow constitue un habile entre-deux en mettant en scène l'affaire von Bülow, faits divers controversé du début des 80's aux Etats-Unis. Plus précisément, Barbet Schroeder adapte le livre Reversal of Fortune: Inside the von Bülow Case d'Alan M. Dershowitz, avocat qui assura la défense de Claus von Bülow (et connu pour avoir défendu OJ Simpson quelques années plus tard) accusé du meurtre de son épouse par surdose d'injection d'insuline.

Le film par sa construction singulière évite les écueils du "film de procès" en se partageant entre différents points de vue. Le plus immédiat est celui de de Dershowitz (Ron Silver) qui se démène entre ses propres doutes et la rigoureuse enquête judiciaire qu'il mène, autant pour innocenter son client que sonder sa personnalité opaque. Cette notion de point de vue fait ainsi basculer l'idée qu'on peut se faire du crime, notamment les flashbacks dont les habiles variations donnent une perspective constamment renouvelée. Les débuts de l'enquête de Dershowitz et ses étudiants illustrent ainsi une pure vision des faits tel que rapportés dans la première audience o fut condamné Claus von Bülow.

Ces retours en arrière "à charge" sont troublés par l'énigmatique présence de Claus (Jeremy Irons), dont l'ironie pince sans rire témoigne autant d'un sang-froid suspect que d'une manière de masquer une réelle détresse. L'esthétique relativement neutre des scènes "au présent" bascule lorsqu'on plonge dans le quotidien de cette aristocratie. L'écart du monde (manifesté dès l'ouverture avec ces vues d'hélicoptère du domaine des von Bülow) se ressent dans les couleurs froides, les intérieurs vastes et neutres et la dimension de musée de cire de ce cadre luxueux où les relations du couple se désagrègent. Glenn Close est fascinante en figure autodestructrice fébrile qui endosse le point de vue le plus audacieux du film, corps immobile à l'état végétatif qui s'amuse du drame en cours dans une photo de mausolée bleuté signée Luciano Tovoli.

La proximité de la vie maritale semble désagréger l'amour sincère initial que laisse deviner un flashback à la flamboyance romanesque qui tranche avec la froideur du reste. C'est de ce mal latent que découle l'atmosphère morbide qui ronge les protagonistes et semble avoir mené au drame dont la culpabilité véritable demeure incertaine. C'est là que se niche le mystère et Barbet Schroeder jongle habilement entre la veine procédurière de l'enquête porté par le jeu énergique de Ron Silver, et un spleen glacial que le seul verdict ne saurait surmonter.

Sorti en dvd zone 2 français chez MGM 

vendredi 9 février 2018

Have a nice day - Hao ji le, Liu Jian (2017)

Dans une petite ville du sud de la Chine, Xiaozhang dérobe une forte somme d'argent à son patron et pense que celle-ci va l'aider à sauver sa relation avec sa fiancée. Il se retrouve poursuivi suite à son vol...

Big Fish and Begonia avait été l’occasion de constater l’avènement et la maturité récente du cinéma d’animation chinois. Cependant on en restait là à un versant « blockbuster » de la production et avec Have a nice day c’est l’occasion de découvrir aussi la vitalité de l’animation chinoise indépendante. Le spectateur français avait eu vent du film récemment lorsque Have a nice day avait été à la demande des autorités chinoise retiré d’une sélection hommage à l’animation chinoise lors du Festival d’Annecy 2017. Pour comprendre les raisons de ce veto, il s’agit de resituer le parcours du réalisateur Liu Jian. Celui-ci réalise son premier film en 2010 avec Piercing, œuvre sociale et politique âpre marquée par la crise économique de 2008. Piercing fit son chemin dans les festivals dont celui d’Annecy et donna à voir, à l’image du cinéma indépendant live chinois un autre visage que les grandes fantastiques et fantasy plus visibles à l’international.

Have a nice day creuse donc le même sillon près de sept ans plus tard. Cette longue attente vient autant d’une inspiration longue à retrouver pour un Liu Jian ayant fait le tour du monde pour promouvoir Piercing que d’un tournage à l’économie très restreinte. Le réalisateur occupe en effet la plupart des postes technique d’un film dont la production de longue haleine a quasiment été menée en solitaire grâce aux divers outils informatiques à disposition. Si les contraintes techniques se ressentent profondément à l’image et l’animation rudimentaire (les voitures seulement vues de profil, toutes les astuces et transition pour éviter d’avoir à animer l’image bien visibles), Liu Jian fait de ces aspects des atouts propres à appuyer son propos. Cet aspect figé se répercute complètement sur l’esthétique générale, le cadre du récit et la caractérisation des personnages.

La sinistre, pluvieuse et boueuse petite ville de province où se déroule l’intrigue est déjà à elle-seule l’illustration de l’avenir sans issue des protagonistes. La vulgarité d’un parrain local, la dévotion et la brutalité d’un chargé des basses œuvres, la stupidité d’une petite main de cette chaîne criminelle, tout concours à nous signifier la médiocrité de « héros » à la hauteur de leur environnement minable. Liu Jian évite pourtant en tout point le pensum dépressif par la tonalité qu’il confère à l’ensemble. L’humour noir, les éclats de violence et surtout le tempérament haut en couleur des personnages confère une drôlerie à froid assez irrésistible qui fait de Have a nice day un pendant chinois et animé du meilleur des frères Coen. Tout comme ces derniers (en particulier les films moquant les hillbilies comme Blood Simple (1984), Fargo (1996) ou No Country For Old Men (2009)), Liu Jian s’amuse de personnages produits de leur environnement mais porte sur eux une tendresse et un humanisme qui leur fait dépasser la caricature (en particulier l’homme de main). 

Le McGuffin est purement matérialiste avec ce sac rempli d’argent après lequel courent tout le monde, symbole de l’ambition aussi médiocre et superficielle (une opération de chirurgie esthétique pour la fiancée de l’un, Un après-midi de chien de Sidney Lumet (1975) n’est pas loin non plus) chez les uns que les chez les autres. La bande-son très electro-pop apporte une distance ironique bienvenue à ce jeu de massacre, mais Liu Jian apporte toujours un contrepoint plein d’empathie et de tendresse comme avec cette scène de rêve ou chacun aspire à son El Dorado loin de la fange ambiante. Entre le rire moqueur et/ou résigné du malheur, Liu Jian ne choisit pas et c’est ce qui fait tout le prix de Have a nice day.

Sorti en dvd zone 2 français chez Blaq out

jeudi 8 février 2018

Un été 42 - Summer of '42, Robert Mulligan (1971)

C'est l'été de l'année 1942. Herbert 15 ans vit sur l'île américaine de Nantucket avec ses parents et deux amis, Oscar et Bernard — tous trois semblent peu se soucier de la Seconde Guerre mondiale qui ailleurs fait rage. Les trois compères n'ont qu'une idée en tête : les filles. En même temps qu'avec ses deux amis il essaye de mettre en pratique le sexe en se basant sur un manuel médical qui consacre quelques pages au sujet, livre que l'un d'eux a dérobé à ses parents, Herbert tombe sous le charme d'une femme d'à peu près deux fois son âge, dont il sait dès le début qu'elle en aime un autre, son mari, un soldat parti à la guerre.

Un été 42 est le versant romantique du cycle estival et initiatique qui court tout au long de la filmographie de Robert Mulligan. Chacun des films montrent des personnages juvéniles arrachés à leur innocence par un contexte (la ségrégation raciale au cœur de Du Silence et des ombres (1962), par leur part d’ombre (le fascinant et oppressant L’Autre (1972)) ou par leur premiers émois charnels et amoureux que ce soit sous l’angle masculin de Un été 42 ou celui féminin du beau Un été en Louisiane (1991). Le scénario du film est totalement autobiographique pour son auteur Herman Raucher qui y évoque l’été de ses quatorze ans passé sur l’île de Nantucket dans le Massachussetts et où connu son premier amour, avec une femme mûre. Raucher officiant alors à la télévision écrit le scénario durant les années 50 en hommage à son ami Oscar "Oscy" Seltzer (joué par Jerry Houser dans le film) tué durant la Guerre de Corée mais le met de côté en attendant d’avoir une meilleure opportunité de le voir transposé à l’écran. C’est la rencontre et la sensibilité de Robert Mulligan qui le convainc de lui confier son script et le réalisateur en garantissant un budget à l’économie s’assure le soutien de la Warner.

La force du film tient à son délicat équilibre entre nostalgie, romantisme et trivialité adolescente. Ces trois éléments s’entremêlent en permanence dans une veine tour à tour grave, mélancolique ou rieuse. Par ses cadrages et compositions de plans majestueux de l’île (l’île de Nantucket désormais trop moderne pour être crédible, le tournage eu lieu à Mendocino en Calfornie), Mulligan dépeint un environnement nimbé d’une photo diaphane qui évoque à la fois le souvenir, la rêverie dans la manière dont le héros Hermie (Gary Grimes) observe énamouré la belle Dorothy (Jennifer O'Neill). Ces deux aspects se conjuguent avec un paysage magnifiant Dorothy inaccessible et observée de loin par Hermie et ses amis. Dans ce regard à distance s’exprime tout à la fois l’amour naissant et un désir physique qui reste très abstrait pour les ados titillés par leurs hormones mais dans une totale méconnaissance du processus. Le désir latent inhérent à leur âge passe ainsi par l’humour à travers le feuilletage d’un livre d’éducation sexuelle volé en douce, mais aussi dans les maladroites amours adolescente où un simple effleurement de bras durant une sortie cinéma peut vous mettre dans tous vos états.

Le désir plus concret mêlé à l’amour prend une tournure nettement plus sensuelle, Mulligan alliant brillamment fascination en capturant la photogénie et l’élégance de Jennifer O'Neill et trivialité à travers les réactions à fleur de peau d’un Hermie complètement troublé. Certains procédés qui pourraient sembler grossiers sont au contraire totalement justifiés, notamment lors de la scène où Hermie aide Dorothy à ranger des objets dans son grenier. La silhouette de Dorothy apparait ainsi avec la grâce de la veine distante initiale (lorsqu’elle traverse le salon pour rejoindre Hermie), plus avec la dimension plus ouvertement charnelle qu’entraîne cette promiscuité (amorcée avec la scène de la plage où Hermie la reluque en maillot de bain) avec la camera s’attardant de façon subjective à travers le regard d’Hermie sur sa poitrine, ses jambes et ses fesses parfaitement exposés dans ce débardeur et petit short blanc. 

Les inserts de ses courbes surgissant dans l’esprit en rut de l’adolescent sont donc une manifestation frontale et amusante de son trouble. Robert Mulligan observe ainsi la maladresse de l’enfance/adolescence transiter vers les préoccupations plus adultes et masculines, toujours dans ce jeu entre comédie candide (hilarante scène d’achat de préservatifs) et coming of age plus mélancolique - marqué par des réminiscence visuelle, Hermie désormais amoureux n'obsrvant plus le seul corps de Dorothy en cachette mais en train de lire une lettre de son époux au front. Le parcours amoureux parallèle d’Hermie et son copain Osczy symbolise bien cela, la « première fois » gaffeuse d’Osczy (manuel à la main) offrant un contrepoint à celle, sensible, délicate, silencieuse et chargée de gravité d’Hermie avec Dorothy. De même la désillusion d la séparation qui suit restera le souvenir d’un été pour Osczy et celui d’une vie pour Hermie. Notre héros sera devenu un homme à travers cette expérience où il aura été un substitut plutôt que réellement aimé alors que son ami conserve de son innocence malgré ce premier petit chagrin d’amour. 

Le spleen latent grandit ainsi progressivement pour nous mener à cette conclusion où seul le souvenir demeure. Robert Mulligan renoue formellement avec ce regard à distance, d’abord en en restant au point de vue adolescent d’Hermie qui observe de loin la maison de Dorothy, puis à travers la hauteur de regard de l’homme qu’il est devenu avec intervention de la voix-off les vues d’un crépuscule – celui de son enfance. La Warner ne croyant pas au potentiel du film demande à Herman Raucher d’écrire en trois semaines une novélisation qui sortira avant et a la surprise de voir celle-ci devenir un immense best-seller. Le film est alors faussement vendu comme une adaptation (alors que le film fut pensé et tourné avant le livre) pour devenir un succès immense et certainement l'oeuvre plus populaire de Robert Mulligan (bien aidé par l'entêtant score de Michel Legrand) avec Du Silence et des ombres

 Sorti en dvd zone  français chez Warner

lundi 5 février 2018

Tatouage - Irezumi, Yasuzo Masumura (1966)

Parce qu'on l'empêche de vivre sa passion pour un apprenti, la jeune Otsuya fuit la maison parentale et se réfugie chez Gonji. Après avoir tenté d'abuser d'elle, ce dernier la vend au tenancier d'une maison de geishas. Un jour, un artiste fasciné par la beauté d'Otsuya lui tatoue une araignée sur le dos. C'est une révélation pour la jeune femme qui décide, dès lors, de se venger de la gente masculine.

Tatouage est une des œuvres les plus emblématiques du style singulier de Yasuzo Masumura. Le réalisateur précède de peu tout en s’intégrant totalement à la Nouvelle Vague japonaise des Nagisa Oshima ou Shohei Imamura. Mais quand ces derniers adoptaient un style ouvertement frondeur afin de bousculer le système, Masumura s’avère plus insaisissable. Son parcours le fait osciller entre le classicisme des grands auteurs japonais tels que Mizoguchi ou Ichikawa dont il fut l’assistant, tout en ayant un pied dans la modernité européenne puisqu’il obtint une bourse d’études pour étudier le cinéma en Italie au début des années 50 avec comme illustre professeur Michelangelo Antonioni. Et en parallèle de cet apprentissage cinématographique Masumura naviguera de ses études de droits initiales à une formation philosophique avec une thèse sur Kierkegaard.

Tatouage illustre à merveille ce parcours. Le postulat évoque ainsi autant les mélodrames au féminin de Mizoguchi que les provocations à venir du Pinku Eiga (la scène de tatouage d’ouverture sera reprise de manière plus sulfureuse encore plus tard dans La Vie secrète de madame Yoshino de Masaru Konuma (1976)). Formellement on navigue également entre un élégant classicisme et une liberté de ton typique à la fois du cinéma européen mais donc aussi de la Nouvelle Vague japonaise, notamment dans la description crue et sensuelle du corps féminin, du désir charnel. Cette schizophrénie irrigue le récit du cheminement de la jeune Otsuya (Ayako Wakao), tourmentée et tourmenteuse dans son rapport aux hommes. Elle signe ainsi la perte de Shinsuke (Akio Hasegawa), jeune apprenti de son père tombé fou amoureux et qu’elle incite à s’enfuir avec elle. D’emblée Masumura se débarrasse de tout contexte vaguement socio-historique qui aurait rendu le couple attachant dans ses choix (tout juste apprend-t-on que le père destinait sa fille à un meilleur parti) pour se concentrer sur leur rapport dominant/dominé.

Shinsuke est rongé par le remord et la culpabilité tandis qu’entre autoritarisme, chantage affectif et vertige des sens, Otsuya lui impose sa volonté. La dualité entre le plaisir charnel et la domination mentale/physique tisse donc pour l’ensemble des personnages des pulsions reposant sur la possession, qu’il en soit tour à tour acteur ou victime. Quand la simple beauté d’Otsuya avive le désir du fourbe entremetteur Gonji (Fujio Suga), c’est la fortune qu’elle pourrait lui rapporter qui excite le tenancier de maison de geisha Tokubei (Asao Uchida) tandis que c’est la peau de porcelaine de la jeune femme qui attire le tatoueur torturé Seikichi (Gaku Yamamoto). Masumura navigue ainsi entre mysticisme, psychanalyse et simple observation du mal inné dans le caractère d’Otsuya jamais présentée comme une victime dans les situations – alors que le déroulement de l’intrigue le fait. 

La scène du tatouage est ainsi typique de cette approche, Otsuya subissant l’imposant dessin d’araignée sur son dos passant de victime à prédateur au fur et à mesure que la figure marque son corps de façon indélébile. L’alternance entre plan large sur l’artiste et son modèle, le dessin prenant forme, puis la fascination du dessinateur se conjuguant à la douleur/plaisir d’Otsuya marque la bascule de ce rapport dominant/dominé. D’ailleurs la séquence se termine sur la jeune femme qui malgré sa chair à vif semble triompher sur Seikichi pétrifié par le monstre qu’il vient de façonner.

Le mysticisme est alors un prétexte pour céder à ses mauvais penchants pour Otsuya, la malédiction de l’araignée carnivore en elle servant moins une supposée vengeance envers les hommes qu’un plaisir naturel à les malmener de ses charmes. Les plus faibles sont poussés à une violence provoquée comme Shinsuke, les plus forts sont exploités pour leur richesse avec l’orgueilleux Serizawa (Kei Sato). Visuellement Masumura donne dans l’abstraction où le décor studio domine pour tisser un arrière-plan abstrait qui nous immerge dans la psyché des personnages tant dans les supposé « extérieur » (la scène sur le pont enneigé avec sa nuit ne se cachant pas de sa nature factice, le meurtre dans la forêt) que les intérieurs.

Là les poses alanguies d’Otsuya l’associe littéralement à la mante religieuse quand elle enserre ses amants soumis, son corps constituant une vraie arme d’hypnose avec cette nudité subtilement exposée/masquée et en premier lieu le fameux tatouage. Il en résulte un spectacle immoral et fascinant, baigné d’un charme sensuel et morbide (la pâleur du corps d’Otsuya aussi cadavérique que séduisante) qui culmine dans un final où ce croisement de pulsion, d’onirisme cru et de désir maladif culmine avec ce plan sur le tatouage inondé de sang.

Sorti en dvd zone 2 français chez Zootrope Films

vendredi 2 février 2018

Uniformes et jupon court - The Major and the Minor, Billy Wilder (1942)

Susan Applegate, dégoûtée par sa vie new-yorkaise de coiffeuse pour homme à domicile, décide de retourner dans l'Iowa. Ses économies ne lui permettant pas de payer la totalité du voyage en train, elle se déguise en fillette pour bénéficier d'un billet demi-tarif. Traquée par les contrôleurs, Susan se réfugie dans le compartiment–lit d'un bel officier instructeur. Croyant avoir affaire à une gamine de douze ans, il s'institue son protecteur.

Uniforme et jupon court constitue le vrai départ de la carrière de réalisateur de Billy Wilder. En exil à Paris après avoir fui la montée du nazisme en Autriche, Il y avait réalisé le méconnu Mauvaise Graine (1934) avant le départ aux Etats-Unis. Entre les huit ans qui séparent son premier scénario Music in the Air de Joe May (réalisateur allemand qui contribua à l’arrivée de Wilder aux Etats-Unis) et la réalisation d’Uniforme et jupon court, Wilder s’est imprégné de la langue/culture américaine, et intégré au système studio en tant que scénariste. Sa fructueuse collaboration avec Charles Brackett aura été source de grandes réussites notamment pour son mentor Ernst Lubitsch (La Huitième Femme de Barbe-Bleue (1938) et Ninotchka (1939)) mais aussi de frustration dans le traitement de ses scripts. Mitchell Leisen (dont Wilder et Brackett ont écrit certains des meilleurs films comme La Baronne de Minuit (1939) ou Arise, my love (1940)) rejette ainsi une séquence loufoque écrite pour l’ouverture de Par la porte d’or (1941) et suscite définitivement chez Wilder le désir de mettre désormais en scène lui-même ses scripts. Entretemps Preston Sturges aura ouvert la boite de Pandore en étant le premier scénariste hollywoodien à passer à la réalisation avec Gouverneur malgré lui (1940), brèche où s’engouffreront notamment John Huston et donc Billy Wilder entre autre.

Avec Uniforme et jupon court Billy Wilder pose les jalons de sa filmographie comique à venir, et ce alors que jusqu’à Sabrina (1953) et surtout Sept ans de réflexion (1955) son nom sera avant tout associé à un registre dramatique – si l’on excepte le mineur La Valse de l’empereur (1947) et La Scandaleuse de Berlin (1948). Le film – adapté de la pièce de Edward Childs Carpenter – conjugue donc sujet de départ possiblement scabreux (La Garçonnière (1960) Certains l'aiment chaud (1959) Sept ans de réflexion (1955) Embrasse-moi idiot (1964) ...), jeu sur le travestissement sexuel et identitaire (Certains l'aiment chaud et Embrasse-moi idiot encore) et un traitement d'une justesse et d'une perfection telle qu'il désamorce toute la provocation potentielle du propos. Chez Wilder la duperie est moins source de mensonge que de révélateur à la fois pour le berné et l’usurpateur. La gold digger Marilyn Monroe fini par s’amouracher du fourbe et pauvre Tony Curtis dans Certains l’aiment chaud, l’époux potentiellement volage fini par éprouver le manque de sa famille dans Sept ans de réflexion et celui jaloux d’Embrasse-moi idiot retrouve une conscience qui lui fait renoncer à ses ambitions. 

L’influence de Lubitsch qui rendait les sentiments sincères plus vibrant par l’immoralité (Ange (1937) et Sérénade à trois (1933) en tête) est manifeste chez Wilder mais à la sophistication de son mentor il troque un habile mélange de grotesque et de finesse. C’est le naturel qu’il parvient à tirer de ses personnages qui fait ainsi passer tous les artifices grossiers. En l’occurrence ici l’interprétation de Gingers Rogers la fait brillamment basculer du registre populaire gouailleur dans lequel elle excelle (tant dans une veine comique qu’ouvertement dramatique notamment chez Gregory La Cava) vers une candeur adolescente, au propre comme au figuré. C’est d’abord Susan Applegate (Ginger Rogers) la citadine démunie et qui en a tout vu avec les hommes (soi la Ginger Rogers de La fille de la cinquième avenue (1939) ou Primrose Path (1940)) que nous découvrons en ouverture avec l’énième déconvenue d’un nouveau job qui tourne au harcèlement sexuel. Au départ de cette ville où rien ne lui a réussi s’ajoute ainsi le renoncement à son statut de femme adulte et indépendante puisqu’elle retourne chez sa famille. 

L’habile argument comique de la fraude au billet de train et à son travestissement en fillette de douze ans n’est qu’une manifestation exacerbée de sa déchéance. Ce jeu entre la finesse et le grotesque se joue ainsi chez Wilder avec une magnifique scène de « mue » où Susan quitte les oripeaux de femme adulte pour ceux de la fillette gironde, le grotesque se jouant dans le cabotinage de Ginger Rogers surjouant cette juvénilité à coup de voix aiguë, chewing-gum bruyamment mâché et tripotage de nattes. Le monde réel et ses désillusions est toujours là à travers la réaction des contrôleurs qui ne sont pas dupe et celui du conte de fée peut commencer avec celle du Major Philip Kirby (Ray Milland) qui lui l’est. Cette bienveillance aveugle au statut adulte de sa protégée (et donc de désir pour elle) reconstruit un monde lumineux pour Susan subissant ou s’amusant de sa régression. Wilder multiplie les situations et dialogues équivoques aussitôt désamorcés, le vice n’ayant pas sa place dans l’imaginaire refaçonné d’une fillette. C’est particulièrement vrai dans les scènes de train, notamment une où Kirby apaise les supposée terreurs nocturnes de Susan et dont l’ambiguïté comique sera reprise à l’identique dans la séquence quasiment remakée de Certains l’aiment chaud où Jack Lemmon (travesti en femme) et Marilyn Monroe sèment la zizanie dans un train.

Dans cet entre-deux amoureux et moral repose tout le charme du film. La lourde et insistante séduction de l’adulte en ouverture devient un ressort comique amusant avec la maladroite et hasardeuse tentative des adolescents cadets de l’école militaire. Ginger Rogers possède l’assurance de l’adulte pour les repousser et l’insouciance de l’adolescente pour s’en amuser, et même d’en user lors de l’hilarante scène de standard rappelant son passif de comédie musicale le temps d’un numéro de claquette. C’est bien sûr dans le lien à Kirby que cela est le plus captivant, notamment quand ce dernier décide de lui expliquer les « choses de la vie ». Wilder passe progressivement du plan d’ensemble au champ contre champ pour illustrer les émotions contradictoires et coupables se développant au cours du dialogue métaphorique sur « la lampe et les abeilles attirées par la lumière. 

Dans le regard et l’attitude de Ginger Rogers s’exprime l’amour et l’impuissance de la fillette attirée par un homme adulte, mais aussi l’émotion de la femme face au premier homme « bien » qu’elle n’ait jamais rencontrée. C’est encore plus savoureux chez Milland prenant de la hauteur paternelle dans son rôle de « Oncle Philip » mais progressivement si troublée par son interlocutrice supposée si jeune, mais pourtant si attirante. L’acteur excelle à exprimer ce malaise qu’il ne s’explique pas et Wilder dose si bien la chose que le spectateur de l’époque soumis au Code Hays comme celui d’aujourd’hui plus sensible à ce genre de sujet possiblement douteux ne verra le mal.

La magie se brise lorsque cette ambiguïté se rompt le souhait d’une vraie relation amoureuse. Les masques et l’hypocrisie du monde des adultes peuvent ressurgir à travers la cruelle fiancée jouée par Rita Johnson, et coïncidant avec la réapparition du riche concupiscent de la première scène. Le scénario est un peu plus laborieux que dans l’absurde assumé et la frénésie de Certains l’aime chaud pour nous conduire à l’inévitable happy-end mais conserve néanmoins son ambiguïté. Report d’un désir coupable sur une adulte, découverte de la supercherie, tout est possible dans l’interprétation des retrouvailles finales et c’est là tout le génie de Billy Wilder déjà fin provocateur.

Sorti en dvd chez Carlotta et ressort en salle le 7 février 

mercredi 31 janvier 2018

Oh Lucy - Atsuko Hirayanagi (2018)


Setsuko mène une vie solitaire et sans saveur à Tokyo entre son travail et son appartement, jusqu’à ce que sa nièce Mika la persuade de prendre sa place à des cours d’anglais très singuliers. Cette expérience agit comme un électrochoc sur Setsuko. Affublée d’une perruque blonde, elle s’appelle désormais Lucy et s’éprend de John son professeur ! Alors, quand Mika et John disparaissent, Setsuko envoie tout balader et embarque sa sœur, dans une quête qui les mène de Tokyo au sud californien. La folle virée des deux sœurs, qui tourne aux règlements de compte, permettra-t-elle à Setsuko de trouver l’amour ?

Oh Lucy est une première œuvre singulière qui fait le pont entre les cultures japonaise et américaine. Ce clivage sert une thématique plus intime pour la réalisatrice Atsuko Hirayanagi qui s’intéresse ici aux personnalités silencieuses mais intérieurement ardentes. Partie poursuivre ses études aux Etats-Unis à l’âge de 17 ans, la jeune femme freinée par la barrière de la langue qu’elle maîtrisait encore mal s’était murée dans une attitude réservée qui la figea dans le clichée de la fille asiatique discrète pour ses camarades. Cette dichotomie entre ce que l’on est et ce qu’on reflète aux yeux des autres sera donc illustrée dans Oh Lucy au départ un court-métrage d’étude lauréat du 2e prix de la Cinéfondation au Festival de Cannes 2014. Cette récompense attirera l’attention sur la réalisatrice qui permet un prolongement/transposition du court coproduit par la NHK (grande chaîne publique japonaise) et Gloria Sanchez Productions (compagnie de production de Will Ferrell et Adam McKay).

Le film inverse le contexte suscitant la nature introvertie par rapport à l’expérience personnelle d’Atsuko Hirayanagi. Quand la timidité face à la culture et le cadre étranger avait tétanisée la réalisatrice, c’est la société japonaise pauvre en perspective pour les femmes qui éteint l’enthousiasme de Setsuko (Shinobu Terajima) modeste employée de bureau quarantenaire. On ressent la dimension patriarcale oppressante et subtile à travers le rôle subalterne de notre héroïne préposée au café, la retraite d’une collègue n’ayant guère dépassé ces responsabilités n’offrant guère l’exemple d’un futur probant. Les couleurs ternes du bureau, l’urbanité tokyoïte suscitant les idées noires et l’espace exigu de son appartement et le train-train des mêmes visages représente un quotidien terne qui mure Shinobu dans un silence résigné et une présence éteinte. L’élément désinhibant reposera donc sur l’ailleurs représenté par John (Josh Hartnett) séduisant professeur d’anglais dont la nature et l’enseignement enjoué ravive Setsuko. Shinobu Terajima joue parfaitement la surprise et l’éveil de celle à qui l’on fait soudainement attention, l’espace du cours étant un lieu d’excentricité des rencontres, d’arrière-plan bariolé et de l’identité même de notre héroïne réincarnée en Lucy et affublée d’une perruque blonde.

 Lorsque cette amour lui échappe - au profit de sa nièce Mika (Shioli Kutsuna) qui l’a inscrite à sa place au cours -, elle est fin prête à dépasser sa timidité et poursuivre John aux Etats-Unis. Atsuko Hirayanagi prolonge ce traitement dans ce pays étranger. Ce sera notamment par l’interaction entre les personnages japonais, loin de la réserve nippone pour exprimer des sentiments similaire ou très différents. On devine que la brouille entre Setsuko et sa sœur Ayako (Kaho Minami) s’était résolu dans une ignorance polie, mais le voyage et la promiscuité sera source de truculent moment de conflits comiques reposant toujours sur une confrontation amusée avec les locaux. De même la relation amicale entre Setsuko et sa nièce vole en éclat le temps d’une scène de colère expansive. 

Le territoire comme le séduisant étranger sert donc de déclencheur à la folie douce mais l’amertume et la désillusion ne seront jamais loin, à l’image d’une scène de sexe aussi inattendue que pathétique. Le revenant Josh Hartnett est parfait pour incarner la figure idolâtrée puis pathétiquement quelconque dans son cadre naturel, tout tendant (caractérisation, situation personnelle) à le faire descendre de son piédestal aux yeux de Setsuko. La Californie elle-même se montre sous une imagerie assez clichée parfois volontaire, d’autres fois maladroite dans les clichés du film indé US. Même si l’intrigue s’égare parfois dans quelques longueurs, le beau retour final au spleen initial ravive toute l’émotion à fleur de peau recherchée par la réalisatrice. Le renouveau passera certes par l’ailleurs mais intime plus que géographique et l’âme sœur n’était peut-être pas à aller poursuivre aux antipodes. Une première œuvre très attachante.

En salle