Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

Pages

vendredi 16 août 2013

Edward aux mains d’argent - Edward Scissorhands, Tim Burton (1990)


Edward n'est pas un garçon ordinaire. Création d'un inventeur, il a reçu un cœur pour aimer, un cerveau pour comprendre. Mais son concepteur est mort avant d'avoir pu terminer son œuvre et Edward se retrouve avec des lames de métal et des instruments tranchants en guise de doigts.

Après le triomphe de son Batman (1989), Tim Burton se trouve parmi les réalisateurs les plus en vus d’Hollywood et profite de ce pouvoir pour enfin réaliser Edward aux mains d’argent, projet qui lui tient à cœur depuis longtemps. La Warner souhaitant plutôt le voir s’atteler immédiatement à la suite de Batman montre peu d’intérêt pour Edward et fini par revendre les droits du film à la Fox qui laissera une totale liberté artistique au réalisateur. Edward aux mains d’argent est le film le plus personnel de Tim Burton. Dans chacune de ses œuvres de cette époque, Burton place un miroir de lui-même au centre de l’intrigue. C’est l’adolescente gothique incarnée par Winona Ryder dans Beetlejuice (1988) - Beetlejuice  étant lui le mauvais génie qu’il aurait rêvé venir bouleverser son quotidien -,  c’est toutes les créatures de la nuit asociales des deux Batman ou encore l’excentrique au talent tout relatif Ed Wood dans le film éponyme.  

Edward Scissorhands va plus loin puisque son héros est tout simplement le double du réalisateur, la trame enrobant dans une inspiration gothique (au croisement de Frankenstein, Le Bossu de Notre-Dame ou Le Fantôme de l’Opéra) l’adolescence solitaire d’un Burton trop différent de son environnement. A cette époque difficile, Burton aura exprimé ce mal-être dans un dessin représentant un homme avec des ciseaux à la place des mains.

Ces ciseaux sont une métaphore de la timidité, de l’incapacité à communiquer et se fondre dans la masse pour Edward (Johnny Depp), être fragile que son créateur (Vincent Price dans son poignant dernier rôle) n’a pas eu le temps de doter de main avant de disparaître. Edward est donc un reclus apeuré par le monde extérieur mais qui ne demande qu’à s’y intégrer, cela étant signifié dès sa première apparition où il se cache puis se révèle à Dianne Wiest dans le manoir, cette dernière ayant auparavant aperçu les coupures de journaux qu’il collectionne. Pour Burton, le monde extérieur est  symbolisé par cette banlieue pavillonnaire équivalente  à sa Burbank natale et dont il croque avec férocité le conformisme d’abord dans des vignettes sans paroles. 

Sa caméra balaie ainsi les maisons à l’aspect uniforme dans de même couleurs criardes, la curiosité malsaine et le commérage où chaque femme se ruera sur son téléphone après avoir entraperçu cet inconnu hirsute traverser la ville et bien sûr le manège routinier  et mécanique des maris quittant tous leur domicile en voiture au matin. 

Le portrait est plus corrosif encore lorsqu’il s’attarde plus précisément sur ce voisinage peuplé de mégères frustrées au maquillage criard, aux coiffures et tenues de mauvais goût et pour lequel le nouveau venu Edward constitue une attraction passagère qui les divertira un temps mais ne sera jamais vraiment des leurs. Kathy Baker dans une prestation génialement superficielle domine parfaitement ce défilé d’hypocrites.

Le cynisme est évité grâce au personnage plein de candeur d’Edward et à la prestation à fleur de peau de Johnny Depp. Après Batman, le look du héros (lorgnant sur celui du chanteur des Cure Robert Smith dont Burton est fan) associera définitivement Burton au mouvement gothique et le visage inquiet et la gestuelle de pantin désarticulé de Depp exprime magnifiquement la fébrilité d’Edward. A l’aise, aimé et en confiance il est capable de véritable prodiges (les impressionnantes haies animalières, les amusantes séquences où il se mue en coiffeur hors-pair) mais devenant un danger malgré lui dès qu’il se sent menacé. Ses rares crises morales lui sont refusées et réveillent les préjugés de son entourage qui lui rappellent son statut de monstre. 

Un pont avec le monde normal semble pourtant possible avec le personnage de Winona Ryder (teinte en blonde pour l’occasion) qui illustre d’abord cette intolérance à l’échelle adolescente (il est d’ailleurs amusant de voir Anthony Michael Hall l’ado chétif et complexé chez John Hughes jouer les brutes épaisses ici) mais finit par être réellement touchée par la sensibilité d’Edward. Burton dépeint cette romance platonique avec une magie rare et sans un mot si ce n’est ce court échange résumant toute la problématique du récit :

Kim: Hold me.
Edward: I can't.

Sinon cela passera par les regards significatifs où transparaît la complicité entre Johnny Depp et Winona Ryder en couple à l’époque, tel cette connexion qui se fait à travers un écran de télévision et bien évidemment celle de la danse sous la neige où la musique céleste de Danny Elfman et la mise en scène de Burton communient dans une grâce absolue. Peut-être la plus belle scène jamais filmée par le réalisateur avec la naissance de Catwoman dans Batman Returns (1992). La narration façon Il était une fois renvoie à cette dimension de conte où la conclusion exprime une féérie et une mélancolie inoubliable. Le chef d'oeuvre de Tim Burton.


Sorti en dvd zone 2 et blu ray chez Fox

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire