Fedora commence par la fin : on apprend la mort de Fedora en même temps que le héros, William Holden, un scénariste-producteur indépendant sur le déclin. Holden se souvient que, quelques semaines plus tôt, il avait tenté d'aller jusqu'à l'île où vivait recluse Fedora pour lui proposer de faire son comeback dans une nouvelle version d'Anna Karenine qu'il souhaitait produire. Mais, alors que Fedora, qu'il est arrivé à joindre difficilement, parce qu'elle vit entourée de gens étranges qui semblent l'isoler du reste du monde, voulait faire ce film, son entourage s'y est opposé et l'a empêchée de tourner.
En 1950 Billy Wilder réalisait avec Boulevard du Crépuscule un des films les plus cinglants sur
Hollywood. Wilder alors en pleine gloire et au sommet de son art (succès
d’Assurance sur la mort (1944) Oscar du meilleur film et réalisateur pour Le Poison (1945) et les années 50 seront
plus triomphales encore) se penchait sur le destin des stars déchues du muet où
une Gloria Swanson pratiquement dans son propre rôle y incarnait un fossile
encore resté figé au temps de sa gloire. Le jeu théâtral et expressionniste
d’une Swanson en représentation permanente en faisait un monstre plus à sa
place dans le Hollywood moderne, ce que viendrait lui rappeler un William
Holden en jeune loup aux dents longues et que chercherait à lui dissimuler les
collaborateurs d’antan en caméo renforçant la vérité du récit (Cecil B.
DeMille, Hedda Hopper, Buster Keaton…) ou un Erich Von Stroheim en majordome revivant leur
conflit de Queen Kelly (1929). Avec Fedora, Billy
Wilder réalise le film jumeau de Sunset
Boulevard en posant un même regard cinglant sur les rescapés d’un Hollywood
disparu, bercé des lueurs du temps de leur splendeur.
Quelque chose a pourtant
changé depuis le film de 1950, Wilder s’identifie désormais à ces fossiles d’un
autre temps. Après un ultime triomphe avec La
Garçonnière (1960), le réalisateur aura en effet passé deux décennies
compliquées le plaçant progressivement à la marge. Lui qui sut si bien inscrire
ses œuvres dans les goûts et attentes du public se trouvait désormais trop en
avance sur son temps (l’audacieuse comédie adultère Embrasse-moi idiot (1964) ou la farce politique Un, deux, trois (1961)), en décalage (la
romance adulte de Avanti (1972) et
quand il pense réaliser son grand œuvre avec La Vie Privée de Sherlock Holmes (1970), le montage originel de 4
heures se voit mutilé par le studio, renforçant son amertume. Wilder verra donc
le portes des studios se fermer lorsqu’il cherchera un financement pour Fedora et à l’image de son héros William
Holden courant le monde pour trouver les fonds de sa prochaine production, cet
avant-dernier film sera une coproduction franco-allemande.
L’inspiration principale de Fedora est bien évidemment Greta Garbo, star secrète et mystérieuse, aux
prétendant(e)s innombrables prêts à se damner pur elle et qui entretint sa
légende en se retirant au faîte de sa gloire pour ne plus reparaître
publiquement. Wilder dans sa première partie montre le mythe s’effriter, la
beauté physique est une illusion du passé artificiellement entretenue, mais l’égo
démesuré qui en résulte souffre de ne plus être le centre de l’attention et des
regards, créant des êtres monstrueux et inaptes une vie normale.
Marthe Keller
est un masque de cire désarticulé et dissimulé derrière chapeau et lunette ne
la rendant que plus insaisissable est formidable (et avec le recul annonce dans
son allure d’autres grands incompris reclus tel un Michael Jackson) et
offre un contraste saisissant avec la véritable déesse aperçue dans les
flashbacks mais déjà là aussi prisonnière de son mythe.
Fedora ne pourra retrouver son lustre que lors de son
enterrement où elle pourra une ultime fois se mettre en scène et susciter l’admiration
de son public. La deuxième partie du film écornera pourtant une nouvelle fois
le souvenir par une révélation donnant une portée plus vaste encore. L’âge d’or
Hollywoodien pensait avoir créé des Dieux modernes avec ses stars plus grandes
que natures mais il a pour le pire engendré des monstres prêts à sacrifier leurs
proches pour perpétuer une grandeur disparue.
Wilder s’avère moins cinglant et
corrosif que dans Sunset Boulevard,
la lucidité se disputant au regret de ce qui n’est plus et dont l’émerveillement
avait finalement sa part d’ombre. Wilder observait sa Norma Desmond avec la
fascination d’un anthropologue, à l’inverse il regarde Fedora avec compassion
car il partage son sort de fossile. Le film testament de Wilder dans lequel on
préférera voir sa vraie dernière œuvre plutôt que le piteux Buddy Buddy (1981).
Encore inédit en dvd hormis une onéreuse édition espagnole mais le film ressort en salle le 21 août dans une copie magnifique et devrait certainement être enfin édité par Carlotta dans la foulée.
Bonjour.
RépondreSupprimerI like your choice of films!
Good screen shots too!
I wish I understood more though!
Salut
Nick
Thanks Nick ! You can try google traduct for more understanding ;-) I saw your blog I like it too !
RépondreSupprimer