The Swimmer est un ovni et film charnière entre l'ancien et Nouvel Hollywood. Adapté d'une nouvelle de John Cheever, The Swimmer évoque des thématiques au cœur de grands films de la fin des 50's et du début 60's à savoir la remise en cause de la place toute puissante de l'homme et de statut chef de famille. Ce statut peut être vacillant par une quête d'ailleurs (Demain est un autre jour de Douglas Sirk (1956), Les Liaisons Secrètes de Richard Quine (1960)), un mal être et un sentiment de frustration (Derrière le miroir de Nicholas Ray (1956), L'Arrangement d'Elia Kazan (1969)) et plus globalement un sensation d'étouffement dans l'ambition effrénée exigée par l'American Way of Life (L'Homme au complet gris de Nunnally Johnson (1956)). Des questionnements qui annoncent les échappées libertaires du Nouvel Hollywood comme Le Lauréat (1967) ou Easy Rider (1967). Tourné en 1966 mais seulement sorti en 1968, The Swimmer est à la fois un prolongement et un précurseur de ces différents questionnement et captive par son ton assez unique.
Tout cela s'incarne à travers le mystérieux personnage de Ned Merrill (Burt Lancaster), surgissant comme dans un songe vêtu de son seul maillot de bain dans une villa pavillonnaire d'un comté du Connecticut. Il va alors se lancer dans un étrange périple où il va remonter la vallée en plongeant dans chaque piscine se situant sur le trajet jusqu'à chez lui. Autant de piscine que de demeures et de rencontre qui vont ainsi nous en révéler un peu plus sur le personnage. Merrill nous apparaît d'abord comme une sorte d'Apollon débordant de vie et de santé, la carrure sportive de Lancaster tranchant avec les mines rabougries de ses interlocuteurs.
Cela se situe également à travers les échanges qu'il a avec eux, lui naïf et insouciant uniquement préoccupé du présent avec en point d'orgue la fameuse traversée tandis qu'ils n'auront que des sujets terre à terre et matérialistes (le travail, la piscine sans impuretés dont se vante certains) à lui renvoyer. Son odyssée et plus précisément ses plongeons dans l'eau sont un moyen de fuir cette réalité qui cherche à le rattraper dès que son pied retouche le sol. La progression dramatique ira ainsi en inversant progressivement ce rapport, le réel se faisant de plus en plus cinglant et cruel pour Merrill et les plongeons s'avérant de plus en plus vains.
L'arrivée incongrue, le fait que les différents protagonistes semblent ne pas l'avoir vu depuis longtemps et les silences gênés sur sa situation nous indique que malgré son attitude fière Merrill ne fait plus partie de cette communauté bourgeoise de la vallée. Les révélations progressives vont effriter le sentiment de rêve éveillé que dégage dans un premier temps le film.
Cela passe notamment par l'altération physique de Lancaster qui semble au départ échappé de Tant qu'il y aura des hommes (1953) dans son petit maillot de bain seyant et se voit même magnifié dans une esthétique quasi publicitaire lorsqu'il va avec grâce faire la course avec un cheval, sauter des haies dans un halo lumineux sous le regard amoureux d'une jeune fille et porté par la musique emphatique de Marvin Hamlisch.
Le quinquagénaire refait soudainement son âge lorsqu'il se réceptionnera mal lors d'un saut et amorce la déchéance à venir dans la seconde partie du film. Chaque sortie d'eau sera désormais le théâtre d'une cruelle désillusion où il sera tour à tour éconduit en faisant une avance, snobé et humilié, le spectateur étant partagé entre pitié et recul en constatant que notre héros n'était sans doute pas très recommandable.
L'impasse finale se dessine peu à peu par la terrible entrevue avec une ancienne maîtresse (Janice Rule formidable d'intensité), une piscine publique surpeuplée rendant désormais impossible cette échappée par les eaux et cette porte close signifiant la fin du rêve et des illusions.
Cette dimension rêvée est grandement véhiculée par la mise en scène gorgée d'effets visuels typique de l'époque avec ses flous, ses dialogues hors champs et sa photo diaphane inscrivant le film dans une esthétique flower power et psychédélique. Plus on approche de la fin du voyage et plus cette imagerie se fait plus réaliste avec en point d'orgue la mise en image plus sobre et crue de l'échange entre Merrill et son ex maîtresse, accentué par le changement de réalisateur.
Frank Perry ayant claqué la porte pour différent artistiques, quelques séquences seront tournées par d'autres réalisateurs dont Sidney Pollack pour cette fameuse scène où son style plus sobre tranche judicieusement avec l'extravagance des premières scènes filmées par Perry. Cette bascule (et la chute morale et sociale de Merill) d'un mode de vie inscrit dans les années 50 vers un esprit plus rêveur se ressent par cette fuite en avant de Merrill mais désormais trop vieux, trop installé dans l'ancien monde et finalement aussi trop coupable, notre héros ne trouve plus sa place nulle part et ne trouvera plus que cette porte fermée et synonyme de mort pour lui répondre.
Sorti en dvd zone 2 français chez Wild Side
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