Quand une prostituée dont il est le
souteneur est assassinée, c'est tout naturellement que Marino Bottechia
dit "Mocassino" est suspecté. Accusé par Isolina Pantò, témoin du crime,
il est condamné à 20 ans de prison. Derrière les barreaux, il reçoit
régulièrement la visite d'Isolina, qui non contente de l'épouser, va
tout mettre en œuvre pour le faire libérer...
Super Témoin constitue pour Franco Giraldi une sorte de diptyque avec Les Ordres sont les ordres
réalisé l'année suivante et où dans les deux cas il scrute de manière
très différente l'émancipation de personnage féminin incarné par Monica
Vitti. Sans être dénué d'intérêt Les Ordres sont les ordres
ne s'avéra pas pleinement aboutit dans l'exploration de ces thèmes
tandis que ce galop d'essai offre une des comédies italiennes les plus
singulière de l'époque.
Le film s'ouvre sur une note plutôt sordide avec
le repêchage d'une voiture dans un canal où gît le cadavre d'une
prostituée. Le premier interrogé sera le compagnon de la victime, le
coquet et amateur de chaussure Marino "Mocassino" Bottechia (Ugo
Tognazzi) mais alors que l'enquête semble pencher vers le suicide un
témoin se manifeste pour accabler le suspect en la personne de Isolina
Pantò (Monica Vitti).
Sans trop s'embarrasser et sur le motif de cette seule accusation Marino
se retrouve condamné à 20 ans de prison, d'autant qu'on découvrira
qu'il était en fait le proxénète de la victime. La trogne sympathique et
les manières chaleureuses de Tognazzi le rendent immédiatement
attachant, faisant douter de sa culpabilité tandis que la fiabilité du
témoin laisse plutôt dubitatif. Isolina est une vieille fille frustrée
dont la peur des hommes amène à interpréter chaque gestes et regard
comme une velléité d'outrages à sa vertu signifiée par sa peur panique
lorsqu'elle se trouvera seule dans un ascenseur avec un membre du sexe
opposé.
Le doute se vérifiera bientôt puisque Isolina semble avoir
accusé à tort Marino mais Giraldi avec un beau sens de la satire croque
bien l'incompétence de la justice tout d'abord dans une scène onirique
montrant la condamnation quelque peu expéditive et injuste puis plus
tard le déni lorsque l'entité judiciaire se dédouane en maintenant la
peine désormais réduite à 4 ans pour ses activités de souteneur.
Cette introduction aura servi à montrer les univers très différents de
Marino et Isolina et ainsi introduire l'étonnante relation qui va se
nouer entre eux. Isolina se sentant coupable va rendre régulièrement
visite à Marino, lui amenant de nombreux cadeaux afin d'améliorer son
quotidien. Ainsi lestée de tout contact physique, le lien va se faire
plus intime et sincère durant les courts moments partagés au parloir. On
devine un sentiment plus vaste que la simple culpabilité dans les
attentions d'Isolina (qui a suivi Marino dans la région de la prison où
il a été déplacé) et Marino perd progressivement de ses manières rustres
face à celle à laquelle il a pourtant toutes les raisons d'en vouloir.
Le scénario explore même plus en avant cet amour et désir chaste lorsque
le couple improbable va se marier en prison sans avoir pu consommer son
union. Giraldi capture à merveille la frustration sous ses différentes
formes : la détresse des prisonniers amenés à se soulager leurs désir de
manières inavouables et assez sordides montrées de manière plutôt crue.
De l'autre on a Isolina tiraillée également entre sa libido naissante
et sa peur de l'acte physique.
Le récit procède ainsi par inversion où Marino après s'être ouvert à une
romance chaste devra dompter ses pulsions masculines par la patience et
le gout du fantasme (cette imagination pouvant aussi nourrir le
romantisque quand ils s'imaginent ensemble Place Saint Marc en fermant
les yeux) tandis qu'au contraire Isolina devra nourrir les attentes de
son époux en se libérant de ses inhibitions à travers divers jeux
amoureux sans contact comme des photos ou de l'exhibitionnisme.
Les deux
acteurs sont formidables pour véhiculer cette tension érotique.
Tognazzi délivre un grand numéro tout en regard fiévreux et parole
suave, l'isolation ôtant tout machisme potentiel à son personnage très
attachant. Monica Vitti est tout aussi convaincante en vieille fille
découvrant son pouvoir de séduction.
Cela passera grandement par le
physique et la tenue vestimentaire notamment, un simple déboutonnage de
chemisier ou l'apparition/disparition d'une moustache signifiant un
changement majeur dans l'attitude des personnages.
Le constat s'avèrera cependant plus sombre au final, cette relation
subtilement nouée ne pouvant survivre à l'assouvissement de l'acte et
aux tentations et facilités du monde extérieur. Alors que les
contraintes du cadre de la prison avait permis d'exprimer une étonnante
chaleur et humanité, la "liberté" refait naître l'hypocrisie dans une
conclusion d'une noirceur surprenante qui remet tout en question.
Sorti en dvd zone 2 français chez SNC/M6 Vidéo
Extrait
[Film] Ghost Nursing, de Wilson Tong (1982)
Il y a 3 heures
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire