Avant Amityville, il y avait Harrisville… Conjuring : Les dossiers
Warren, raconte l'histoire horrible, mais vraie, d'Ed et Lorraine
Warren, enquêteurs paranormaux réputés dans le monde entier, venus en
aide à une famille terrorisée par une présence inquiétante dans leur
ferme isolée… Contraints d'affronter une créature démoniaque d'une force
redoutable, les Warren se retrouvent face à l'affaire la plus
terrifiante de leur carrière…
Ce qui fait l’intérêt de l’œuvre de James Wan, c’est sa constante
contradiction entre ses vélléités novatrices et sa déférence au cinéma
de genre. Pour le meilleur, cela a pu donner le malin
Saw (2004) où le mystère et le fétichisme du
giallo croisaient un sadisme craspec à la
Seven
(David Fincher, 1995) dans un équilibre qui se perdrait lors de suites
donnant dans la surenchère. Wan refusait de choisir à nouveau dans
Death Sentence (2007) où le polar urbain vengeur âpre d’inspiration
70’s était complètement anihilé par l'imagerie très
comic book
des méchants qui désamorçait le parti réaliste de départ. C’est en
renouant avec l’horreur que James Wan livrerait son meilleur film, cet
entre-deux permanent constituant même une des bases de l’excellent
Insidious (2010). Le film démarrait comme un récit de possession façon
L’Exorciste
(William Friedkin, 1973) avant de basculer dans sa seconde partie et de
nous emmener sur des territoires bien plus inhabituels à la Lovecraft
avec mondes parallèles et créatures innommables tapies dans l’ombre.
The Conjuring donne donc dans l’épouvante et le registre bien
connu de la maison hantée. James Wan va déployer son art de la terreur
dans une première partie glaçante où la famille Perron va être
confrontée à des phénomènes de plus en plus menaçants dans leur nouvelle
demeure où ils ne sont manifestement pas seuls. Portes qui grincent,
ombres menaçantes, voix à l’origine inconnue et apparition spectrale
savamment amenées, tout y passe avec une virtuosité épatante car Wan s’y
entend pour faire grimper la tension à partir d’une séquence anodine.
Toute cette démonstration de force serait vaine sans une vraie
implication émotionnelle et le script opère sur ce point à deux niveaux.
Tout d’abord avec une longue introduction nous présentant et nous
attachant à cette petite famille pour laquelle nous tremblerons d’autant
plus et ensuite en développant plus en profondeur la nature des «
exorciseurs ».
Le film est en effet une adaptation des faits d’armes des
vrais médiums Ed et Lorraine Warren, surtout connus pour avoir résolu
le mystère de la maison hantée d’Amityville (qui donna en son temps
plusieurs films et un
remake récent) et ici incarnés par Vera
Farmiga et Patrick Wilson. Wan crée ainsi un sentiment inattendu, la
peur et l’empathie classiques pour les victimes se mêlent ainsi à celles
ressenties pour nos chasseurs de fantômes, loin du roc que pouvait
représenter l’inébranlable Max von Sydow dans
L’Exorciste par
exemple. Patrick Wilson et Vera Farmiga, sobres et anxieux, font
particulièrement bien passer ce sentiment et Lili Taylor est également
étonnante en mère de famille dépassée.
Wan nous dépeint longuement leur vie de famille, la manière dont s’y
inscrit constamment leur dangereuse profession (la fascinante salle des
objets démoniaques au sein de leur maison dont la poupée Anabelle vraie attraction du film) et ce qui leur en coûte de
quitter leur paisible quotidien pour se replonger dans les ténèbres.
Wan met ainsi en parallèle deux familles confrontées au surnaturel,
l’une impuissante et l’autre capable de l’affronter, ce qui rend
d’autant plus prenante l’intervention des Warren réellement impliqués et
non pas des pièces rapportés comme les exorciseurs un peu comiques de
Insidious.
La terreur n’en est que plus efficace puisque Wan associe son brio
formel à une vraie émotion qui s’inscrit à même le récit, le démon ne
s’y trompant pas en s’attaquant à ce qui est le plus cher aux deux
familles, sa damnation reposant justement sur un acte terrible. Le final
est d’une rare intensité avec un exorcisme spectaculaire et achève de
faire de
Conjuring un des grands films fantastiques vus cette
année. Avec les nombreuses affaires résolues par les Warren, on ne
s’étonnerait pas de revoir nos héros dans d’autres
opus en cas de succès.
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