1870 dans une petite ville de l'Utah.
Dave Nash (Joel McCrea) travaille pour Walt Shipley (Ian MacDonald), un
éleveur de moutons en guerre contre Ben Dickason (Charles Ruggles) et
Frank Ivey (Preston Foster), deux ranchers puissants et autoritaires qui
ne souhaitent pas partager leurs pâturages avec un vulgaire "Sheepman".
La rivalité entre les deux clans n’est pas si simple à gérer puisque la
fille de Ben, Connie (Veronica Lake), s’est amourachée de Walt,
l’ennemi de son père, alors que ce dernier lui destinait son partenaire
Frank Ivey pour époux. Un soir, humilié par le camp adverse, Walt
préfère quitter la partie, abandonnant ses terres et sa "fiancée". Mais
Connie, blessée dans son amour-propre, décide de poursuivre le combat ;
pour tenir tête à son père et à son promis, elle engage Dave. Il va
néanmoins se retrouver au centre d’un combat sans merci et sans
scrupules au cours duquel les deux clans vont s’entredéchirer causant
morts sur morts.
Ramrod est un western atypique dans le fond et la forme employés par André De Toth pour illustrer un scénario complexe. A l'origine destiné à John Ford qui trop pris sur My Darling Clementine recommanda André De Toth, le film sur un argument de western classique (conflit terrien entre riches propriétaires) part dans des directions surprenantes notamment une tonalité évoquant grandement le film noir. Le récit débute dans une tension extrême et mettra à jour un conflit plus complexe qu'il n'y parait.
Un éleveur de mouton (Ian MacDonald) est
littéralement humilié et chassé de la ville pour avoir voulu partager
l'usage des pâturages avec les ranchers tyranniques que sont Ivey
(Preston Foster) et Dickason (Charles Ruggles). La propre fille de
Dickason Connie (Veronica Lake) s'était opposée à lui en se fiançant à
l'ennemi alors que ce dernier lui destinait justement Ivey pour asseoir
leur partenariat. La fille rebelle va pourtant reprendre les terres de
son fiancé défait et compter sur l'aide de Dave Nash (Joel McCrea) son
ancien contremaître.
L'argument terrien est finalement vite
éclipsé pour révéler une lutte de pouvoir impitoyable dont les enjeux
sont tout autre. Par son action, Connie souhaite prendre son destin en
main et s'émanciper de l'autorité de son père ainsi que du destin qu'il
lui a choisi auprès d’Ivey. On pense bien plus au film de gangsters dans
les escarmouches et manœuvres d'intimidation des deux camps et la
manière de jongler avec la loi sans commettre l'irréparable.
Cette
caution est tenue par le personnage droit de Joel McCrea partagé entre
la vénéneuse Connie et la plus paisible Rose (Arleen Whelan). L'aspect
film noir sera accentué par le caractère ambigu de Veronica Lake. Alors
que les femmes à poignes les plus fameuses du western comme Joan
Crawford dans Johnny Guitar (1953) ou Barbara Stanwyck dans Quarante Tueurs
(1957) se plairont à affirmer une certaine androgynie voir masculinité
(s'imposant en se montrant l'égal des hommes) Veronica Lake conserve la
détermination et la dureté en plus toute la candeur et les minauderies
féminines qu'on lui connaît dans d'autres films.
C'est une femme fatale
de film noir projeté dans l'Ouest et sa volonté de réussite passera par
la séduction en poussant ses hommes à des actions aux conséquences
dramatiques. Ce mélange détonant est en grande partie dû au scénario
adapté du romancier Luke Short adepte de ce croisement des genres et
dont Robert Wise tirera l'année suivante un Ciel Rouge
qui se fera remarquer pour sa photographie sombre et oppressante
éclairant des paysages de western comme des ruelles urbaines de polar.
De
Toth joue également de cela dans nombres de situations notamment un
haletant gunfight nocturne où est pourchassé l'attachant personnage de
Bill (Don DeFore). Le réalisateur fait également un étonnant usage de
son environnement. Le film est presque entièrement tourné en extérieur
dans l'Utah, ce que De Toth cherche clairement à nous signifier avec ses
longs mouvements de caméras accompagnant les personnages dans les
recoins les plus sinueux et inhospitalier, et fuyant constamment le côté
contemplatif et grandiose qu'on peut associer à un paysage de western.
Le climat de menace sourde est ainsi constant lors des scènes en terre
sauvage et désolée tandis que pour les scènes de ville cette menace se
traduira par une dimension poreuse constante entre intérieur et
extérieur.
Le danger s'annonce ainsi souvent d'abord en fond de champ à
travers une vitre, des personnages surgisse dans le cadre avant qu'un
mouvement de caméra ne révèle qu'on les apercevait entre des rideaux,
derrière une porte. Là aussi on a plutôt le sentiment de codes de
thriller réajusté pour le western, les grands espaces étant réduit au
strict minimum pour renforcé une claustrophobie plus urbaine. C'est
particulièrement vrai pour le gunfight nocturne mais même l'affrontement
final fait preuve d'une brièveté et d'une sécheresse peu coutumière
dans le western de l'époque.
Tortueux, surprenant et superbement exécuté, un beau western qui annonce sur pas mal de point la future grande réussite que sera La Chevauchée des Bannis (1959).
Sorti en dvd zone 2 français chez Wild Side
Très sympathique western en effet. D'André de Toth je préfère quand même l'exquise "Chevauchée des bannis" :)
RépondreSupprimerJe préfère aussi "La Chevauchée des Bannis" dont on retrouve pas mal d'élément ici déjà. Mais le joyau absolu de De Toth en western, c'est pour moi "La Rivière de nos amours" (pour une fois que le titre français est plus beau je le préfère au "Indian Fighter" original) vraiment une merveille absolue il faudra que j'en cause pas ici un de ces jours !
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