Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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jeudi 22 août 2013

Femme de feu - Ramrod, André De Toth (1947)

  

 1870 dans une petite ville de l'Utah. Dave Nash (Joel McCrea) travaille pour Walt Shipley (Ian MacDonald), un éleveur de moutons en guerre contre Ben Dickason (Charles Ruggles) et Frank Ivey (Preston Foster), deux ranchers puissants et autoritaires qui ne souhaitent pas partager leurs pâturages avec un vulgaire "Sheepman". La rivalité entre les deux clans n’est pas si simple à gérer puisque la fille de Ben, Connie (Veronica Lake), s’est amourachée de Walt, l’ennemi de son père, alors que ce dernier lui destinait son partenaire Frank Ivey pour époux. Un soir, humilié par le camp adverse, Walt préfère quitter la partie, abandonnant ses terres et sa "fiancée". Mais Connie, blessée dans son amour-propre, décide de poursuivre le combat ; pour tenir tête à son père et à son promis, elle engage Dave. Il va néanmoins se retrouver au centre d’un combat sans merci et sans scrupules au cours duquel les deux clans vont s’entredéchirer causant morts sur morts.

Ramrod est un western atypique dans le fond et la forme employés par André De Toth pour illustrer un scénario complexe. A l'origine destiné à John Ford qui trop pris sur My Darling Clementine recommanda André De Toth, le film sur un argument de western classique (conflit terrien entre riches propriétaires) part dans des directions surprenantes notamment une tonalité évoquant grandement le film noir. Le récit débute dans une tension extrême et mettra à jour un conflit plus complexe qu'il n'y parait.

Un éleveur de mouton (Ian MacDonald) est littéralement humilié et chassé de la ville pour avoir voulu partager l'usage des pâturages avec les ranchers tyranniques que sont Ivey (Preston Foster) et Dickason (Charles Ruggles). La propre fille de Dickason Connie (Veronica Lake) s'était opposée à lui en se fiançant à l'ennemi alors que ce dernier lui destinait justement Ivey pour asseoir leur partenariat. La fille rebelle va pourtant reprendre les terres de son fiancé défait et compter sur l'aide de Dave Nash (Joel McCrea) son ancien contremaître.

L'argument terrien est finalement vite éclipsé pour révéler une lutte de pouvoir impitoyable dont les enjeux sont tout autre. Par son action, Connie souhaite prendre son destin en main et s'émanciper de l'autorité de son père ainsi que du destin qu'il lui a choisi auprès d’Ivey. On pense bien plus au film de gangsters dans les escarmouches et manœuvres d'intimidation des deux camps et la manière de jongler avec la loi sans commettre l'irréparable. 

Cette caution est tenue par le personnage droit de Joel McCrea partagé entre la vénéneuse Connie et la plus paisible Rose (Arleen Whelan). L'aspect film noir sera accentué par le caractère ambigu de Veronica Lake. Alors que les femmes à poignes les plus fameuses du western comme Joan Crawford dans Johnny Guitar (1953) ou Barbara Stanwyck dans Quarante Tueurs (1957) se plairont à affirmer une certaine androgynie voir masculinité (s'imposant en se montrant l'égal des hommes) Veronica Lake conserve la détermination et la dureté en plus toute la candeur et les minauderies féminines qu'on lui connaît dans d'autres films. 

C'est une femme fatale de film noir projeté dans l'Ouest et sa volonté de réussite passera par la séduction en poussant ses hommes à des actions aux conséquences dramatiques. Ce mélange détonant est en grande partie dû au scénario adapté du romancier Luke Short adepte de ce croisement des genres et dont Robert Wise tirera l'année suivante un Ciel Rouge qui se fera remarquer pour sa photographie sombre et oppressante éclairant des paysages de western comme des ruelles urbaines de polar.

De Toth joue également de cela dans nombres de situations notamment un haletant gunfight nocturne où est pourchassé l'attachant personnage de Bill (Don DeFore). Le réalisateur fait également un étonnant usage de son environnement. Le film est presque entièrement tourné en extérieur dans l'Utah, ce que De Toth cherche clairement à nous signifier avec ses longs mouvements de caméras accompagnant les personnages dans les recoins les plus sinueux et inhospitalier, et fuyant constamment le côté contemplatif et grandiose qu'on peut associer à un paysage de western. Le climat de menace sourde est ainsi constant lors des scènes en terre sauvage et désolée tandis que pour les scènes de ville cette menace se traduira par une dimension poreuse constante entre intérieur et extérieur. 

Le danger s'annonce ainsi souvent d'abord en fond de champ à travers une vitre, des personnages surgisse dans le cadre avant qu'un mouvement de caméra ne révèle qu'on les apercevait entre des rideaux, derrière une porte. Là aussi on a plutôt le sentiment de codes de thriller réajusté pour le western, les grands espaces étant réduit au strict minimum pour renforcé une claustrophobie plus urbaine. C'est particulièrement vrai pour le gunfight nocturne mais même l'affrontement final fait preuve d'une brièveté et d'une sécheresse peu coutumière dans le western de l'époque.

Tortueux, surprenant et superbement exécuté, un beau western qui annonce sur pas mal de point la future grande réussite que sera La Chevauchée des Bannis (1959).

 Sorti en dvd zone 2 français chez Wild Side

2 commentaires:

  1. Très sympathique western en effet. D'André de Toth je préfère quand même l'exquise "Chevauchée des bannis" :)

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  2. Je préfère aussi "La Chevauchée des Bannis" dont on retrouve pas mal d'élément ici déjà. Mais le joyau absolu de De Toth en western, c'est pour moi "La Rivière de nos amours" (pour une fois que le titre français est plus beau je le préfère au "Indian Fighter" original) vraiment une merveille absolue il faudra que j'en cause pas ici un de ces jours !

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