Un jeune employé de bureau, Freddie Clegg, collectionneur de papillons, nourrit une passion éperdue pour une jolie étudiante, Miranda Grey. Tels les papillons, il la prend en filature et finit par l'enlever en la chloroformant. Il la séquestre dans une maison isolée et annonce a sa victime qu'aucun mal ne lui sera fait.
Après le déjà fort sulfureux La Rumeur, William Wyler tenait encore une sacrée forme en fin de carrière en signant le très trouble The Collector. Le film adapte très fidèlement le roman éponyme (et premier de son auteur) de John Fowles qui participe également au scénario. Le récit narre le long face à face entre Freddie (Terence Stamp) et sa victime Miranda Grey (Samantha Eggar) qu'il a enlevée et séquestrée dans l'espoir de s'en faire aimer. Collectionneur de papillon, il est bien décidé à y ajouter celle qui n'a jamais cessé de l'obséder et qui pourra contrairement aux insectes ailés lui rendre l'affection dont il semble tant manquer.
Cette dualité entre le geôlier impitoyable et l'amoureux éperdu parcours tout le film grâce à la fascinante interprétation de Terence Stamp et à l'ambiguïté exprimée par Wyler. L'ouverture où l'on voit Freddie attraper des papillons, la découverte des traits délicats de Terence Stamp puis de son timbre paisible en voix-off l'entourent d'une aura de douceur rapidement contredite par les allures de prédateur embusqué de la séquence suivante où il traque méticuleusement Miranda (on comprendra qu'il a longuement appris son emploi du temps) et l'enlève.
Le malaise se décuple une fois le huis-clos installé. Loin de la tyrannie mais faisant preuve d'une prévenance encore plus inquiétante, Freddie a tous prévu pour mettre dans les meilleures dispositions de confort physique et intellectuel sa prisonnière qu'il a longuement eu le temps d'observer. Le plus agressif des deux n'est pas celui auquel on s'attendrait, Miranda se montrant fort vindicative et finalement prenant l'ascendant psychologique sur son gardien en attente d'affection.
Terence Stamp par sa gestuelle empruntée et son visage crispé évoque plus l'adolescent complexé que l'amant dominateur (ce que confirmeront les flashbacks), ses rares pulsions érotiques s'avérant plutôt timorées et plus tendre que réellement perverses. Le film fascine surtout quand il élève au-delà du rapport bourreau/victime le rapport entre Freddie et Miranda et l'incompatibilité d'un rapprochement.
Freddie recherche l'amour de Miranda mais ses attentions envers elle l’associent plus à l'un de ses papillons qu'il collectionne, les jolies robes et l'environnement douillet remplaçant les cadres mettant en valeurs ses meilleurs spécimens. Il recherche une chaleur humaine alors que son comportement n'aura cessé de faire de Miranda un objet sans tenir compte de ses émotions et lorsqu'il cherchera à nouer un lien intime, il sera constamment confronté à ses propres limites relationnelles et intellectuelles.
S'il ne peut être réellement attachant, le personnage en devient malgré tout touchant face à cette impasse insoluble. A l'inverse si l'on compatit forcément au sort terrible de Miranda elle apparaîtra paradoxalement plus froide. Le moment clé se situera lorsque Freddie cherchera à échanger sur l'art et la littérature (plus précisément L'attrape-cœurs de Salinger et un dessin de Picasso) et que Miranda pour l'amadouer (ou par simple prétention) le prendra de haut, le plaçant face à son inculture.
Wyler n'atténue jamais l'aura inquiétante de Terence Stamp, mais en fait néanmoins un être sincère dont la quête d'amour peut émouvoir. Samantha Eggar suscitera forcément l'empathie pour le cauchemar que vit son personnage mais ne manquera pas de paraître hautaine et manipulatrice. Le rapport se dégrade d'ailleurs réellement quand Freddie découvrira qu'aucun rapprochement n'est possible et qu'il est constamment dupé, Wyler rendant alors réellement menaçant Terence Stamp par sa mise en scène au cordeau
(ce mouvement de caméra sur le regard furieux de Freddie après la réponse à sa demande en mariage) tout renforçant d'un coup la tension érotique avec la séduction trouble (et simulée) de Miranda bien décidée à s'en sortir. Freddie aussi sincère et emprunté qu'il soit use de moyens inhumains pour combler sa solitude et Miranda victime sera devra jouer de duperie pour s'en sortir tout au révélant une nature hautaine.
La situation exacerbe les rapports de classes et les différences de caractères qui rendraient de toute façon toute relation impossible entre eux dans un contexte plus "normal". C'est ce que Wyler ne cesse de nous dire tout au long du film avec une réalisation séparant constamment les personnages, les séparant même comme ils sont dans le même plan (Freddie en arrière-plan observant amoureusement l'activité de Miranda au premier plan lors de leurs scène commune dans la chambre), par le montage lorsqu'ils sont rapprochés (le dîner "d'adieu") et il faut un instant de tension extrême pour un vrai rapprochement physique (la scène de la salle de bain, l'étreinte chaste lorsque Miranda est inconsciente à la fin).
Le réalisateur aura constamment cherché à maintenir ce climat malsain et cette incompatibilité, incitant Terence Stamp à la plus grande froideur envers Samantha Eggar durant le tournage et limitant leur échange hors plateau. La fin très osée (le studio ayant souhaité atténuer la conclusion très noire du livre finalement conservée) semble faire reprendre le cycle mais quelque chose a changé : Freddie est cette fois définitivement devenu un monstre qui cherchera maintenant à plier et soumettre ses victimes plutôt que d'attendre des sentiments impossibles en retour.
Sorti en dvd zone 1 chez Columbia et doté de sous-titres français
Desormais disponible en Zone 2,merci a Wild Style!
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