Lors d'une séance de rêve artificiel, un homme nommé Johnson retrouve la
mémoire : il est en fait un aventurier redoutable supposé mort. Il
découvre ensuite que son bras gauche dissimule une arme redoutable, le
rayon delta Psychogun. Après avoir retrouvé son identité, Cobra
décide qu'il est temps de reprendre sa vie de flibustier galactique en
affrontant de nouveau la terrible Guilde des Pirates de l'Espace. Le
robot à la personnalité féminine du nom d'Armanoïde qui l'accompagnait
autrefois accepte de l'assister dans sa tâche…
Cobra
est un des personnages emblématiques du manga et de l’animation japonaise,
symbole de cet héroïsme intrépide et viril ayant cours dans les grandes
productions d’aventures jusqu’aux années 80 (d’animation ou pas d’ailleurs). La
dérive avec des héros de plus en plus hypertrophiés et indestructibles (les
années 80 et le duo bodybuildé Stallone/ Schwarzenegger) a un peu tué ce type
de personnage, désormais adoucis (James Bond) et laissant place à des héros
plus faillibles, perturbés et torturés. Il n’était plus question d’avoir un
personnage principal auquel le spectateur veuille ressembler mais plutôt auquel
il pourrait s’identifier malgré ses facultés surhumaines. Au cinéma cela donnera
le Peter Parker mal dans sa peau des Spider-Man, le Jason Bourne
amnésique incarné par Matt Damon. En japanimation les exemples sont
innombrables de ce revirement, le plus probant étant les adolescents chétifs à
l’équilibre mental précaire de l’Evangelion de Hideaki Anno. Un vrai coup de
fouet thématique et narratif a été porté par cette nouvelle donne mais on y a
perdu en figure iconique et charismatique pouvant susciter l’admiration du
public (et les tentatives d’en imposer de nouvelles se sont soldées par un
échec comme les Riddick de Vin Diesel tandis que la relance des anciennes donne un résultat sinistre
avec le quatrième Indiana Jones).
Cobra
nous ramène donc à cette glorieuse époque où les personnages masculins devaient
en imposer puisque, comme on le sait, Buichi Terasawa s’est inspiré du
physique et de la personnalité de Jean-Paul Belmondo (son ancien visage
reprenant lui les traits d’Alain Delon) pour créer son héros. Pour ce qui est de sa
fameuse arme, le rayon delta (ou psychogun en vo) dissimulé dans son bras
gauche, l’idée était déjà en place dans des œuvres de jeunesse de l’auteur.
La
source d’où Terasawa
façonne son personnage le plus célèbre trahit donc une influence nettement plus
occidentale que japonaise. En effet, en toile de fond des trépidantes aventures
de notre pirate se dessine un univers bariolé où se croise le space opera, le
western spaghetti ou encore le conte des Mille et Une Nuits.
L’inspiration pop psyché 60’s est flagrante notamment dans les décors extravagants et les créatures de rêves aux formes de déesse directement issus de Barbarella (la bande dessinée de Jean Claude Forrest comme le film de Roger Vadim). On peut également ajouter James Bond parmi les influences, notamment à travers les divers gadgets qu’utilise Cobra en toutes circonstances (dont son cigare multi-usages), où certaines aventures reprenant ouvertement des situations connues des amateurs de 007 comme l’affrontement avec les Snow Gorilla dont les poursuites à ski lorgnent sur Au service secret de Sa Majesté. Star Wars vient évidemment à l’esprit aussi lors des passages où Cobra fréquente les bars mal famés à la faune extraterrestre cosmopolite. Enfin, le point de départ de la série voyant notre héros retrouver son identité est directement inspiré de la nouvelle de Philip K. Dick Souvenirs à vendre adaptée plus tard par Paul Verhoeven avec Total Recall (1990).
Cependant
la grande attraction rendant le tout inoubliable, c’est évidemment Cobra.
Bouffon, charmeur et charismatique à la fois, c’est une sorte d’idéal de héros
rigolard et insouciant. Malgré quelques indices distillés ici et là, ses
origines demeurent un mystère et sa quasi-invulnérabilité n’empêche pas ses
aventures d’être hautement trépidante et divertissante par la grâce des
scénarios survoltés et inventifs de Terasawa. Les ennemis mythiques du
héros y sont également pour beaucoup, notamment L’Homme de verre (Crystal Boy
en VO). Fort de ses différents atouts,
le manga lancé en 1979 dans la revue Jump Comics sera un succès immense au
Japon et dans le monde, Terasawa revenant régulièrement à son personnage fétiche
puisque après la fin de la première série, une seconde verra le jour en 1995 en
couleur où l’auteur revisite d’anciennes aventures et en invente de nouvelles.
L’animation devait bien sûr rapidement
s’intéresser à Cobra et ce sera chose faîte tout d’abord par l’intermédiaire
d’un film de cinéma préfigurant une série TV. Sorti en 1982, le film s’avère
assez atypique en comparaison du manga et de la future série. Le scénario
croise l’histoire des filles du Commandant Nelson et celle de La Porte Dorée
(ces deux histoires étant plus tard adaptées individuellement dans l’ancienne
et la nouvelle série) dans un scénario rendant Cobra plus humain, faillible et
jouet du destin.
Toutes les influences précitées sont bien
présentes mais exploitées d’une manière retenue dans un récit onirique proche
du conte ou de la fable. Hormis quelques modifications discutables (le bras
dissimulant le rayon delta se volatilisant au lieu d’être ôté lorsque Cobra
l’utilise, la tenue pas entièrement rouge…), c’est donc surtout ce Cobra
malmené et vulnérable qui frappe même s’il ne se départit pas de sa
décontraction. Crystal Boy le domine comme jamais dans la série et il ne pourra
totalement éviter le drame qui se joue.
Techniquement, ce film est assez
exceptionnel. Réalisé par le légendaire Osamu Dezaki, il bénéficie à
l’époque de moyens sans précédent pour un film d’animation. La mise en scène
inspirée, l’atmosphère étrange et l’émotion du récit en font un véritable chef
d’œuvre du genre (pour l’anecdote entre autre technicien chevronné, Hayao Miyazaki
lui-même officiera dans l’équipe). Buichi Terasawa se montrera pourtant
fort mécontent du résultat final vu le traitement réservé à Cobra et reniera le
film qui est également fort décrié parmi les fans.
En France il faudra attendre
le milieu des années 90 pour le découvrir (Jean- Claude Montalban
revenant doubler Cobra pour notre plus grand plaisir) dans une version
malheureusement tronquée (reprise du montage américain) que ce soit dans les
images (le splendide générique à la James Bond se voit masqué par d’horribles
bandes noires affichant les crédits en français) ou le scénario puisque le
doublage simplifie grandement les enjeux. Seul point réussi, le changement de
la musique originale passable de Shoji Osamu pour celle tout en
synthé new age du groupe suisse Yello, se prêtant bien mieux à
l’ambiance du film. Quoiqu’il en soit, ce film demeure avec le tout aussi
grandiose Macross, Do You remember love ? (d’ailleurs à quand un dvd
pour celui-ci ?) sorti deux ans plus tard, un des monuments de l’animation
japonaise.
La même année débute alors la mythique série qui
étonnement ne rencontrera pas le succès au Japon dans un premier temps (d’où le
faible nombre d’épisodes : 31, fort peu comparé aux séries à rallonge de
l’époque), le public n’étant pas prêt à accueillir un héros tel que Cobra. Tout
comme le film, la série est un summum technique, le nec plus ultra de ce qu’on
pouvait faire à l’époque au point qu’elle n’a quasiment pas pris une ride à la
revoyure aujourd’hui. Beaucoup plus fidèle au manga, la série le transcende
même en mettant en couleur, mouvement et musique l’univers de Terasawa.
La réalisation dynamique de Osamu Dezaki et l’animation fabuleuse de Akio Sugino
(LE duo magique de la japanimation à ce moment-là, notamment sur Lady Oscar)
rendent encore plus palpitantes les aventures de Cobra.
Le sommet étant atteint
lorsqu’ils affichent leur marque de fabrique, à savoir les arrêts sur image
crayonnés lorsque le suspense est à son comble. Ultime touche : la musique de
Kentaro Haneda,
très grand compositeur japonais qui fera des merveilles également sur Macross.
Easy listening, ambiance funky et disco ou envolées de guitares psychées, la
bande son est un véritable bijou parfaitement dans l’esprit des images jusque
dans l’esprit référentiel à la culture pop puisque l’un des thèmes musicaux
laisse clairement entendre la mélodie de Initial BB de Serge Gainsbourg
! Tous ces atouts élèvent au firmament le pouvoir d’évasion des histoires de Terasawa,
en particulier les deux sagas les plus célèbres et réussies, celle des filles
du Commandant Nelson et du Rugball (la préférée de nombreux fans).
Les épisodes isolés (loners diront les
aficionados de série) ne sont pas en reste, comme le Bondien en diable Menace
sous la mer ou le très sombre En pleine guerre. Nachi Nozawa
offre un doublage mémorable de Cobra et la version française n’est en reste
avec un Jean-Claude
Montalban tout aussi à l’aise. La série, diffusée en France
d’abord sur Canal Plus puis sur Antenne 2 dans l’émission Récréa 2, remportera
un succès immédiat. Le ton adulte, l’érotisme dégagé par les figures féminines
aux formes insensées, les méchants mémorables (hormis Crystal Boy, d’autres
auront marqué les esprits comme le terrible Homme Plante) et surtout la
personnalité de Cobra marqueront durablement les jeunes spectateurs.
Au Japon, la tendance s’inversera progressivement
au fil des rediffusions et la série battra des records de vente lors de ses
diverses exploitations vidéo. Alors que Terasawa reprend le manga en 1995,
un nouveau film intitulé The Psychogun est alors envisagé et s’annonce sous les
meilleurs auspices puisque pris en charge par le studio Madhouse.
Malheureusement la société devant financer le projet fait faillite peu de temps
avant le lancement de la production et le projet est abandonné. Il faudra donc attendre 2009 pour voir Cobra
relancé. Tout d’abord sous la forme de 6 OAV (produit destiné à la vidéo) très décevantes (mise en scène par
Buichi
Terasawa lui-même) préfigurant une courte série de 13 épisodes diffusés sur le
câble japonais. Rythme poussif, musique symphonique passe partout loin
des envoilées de Haneda et animation paresseuses (à laquelle s’ajoutait
d’hideux effets numériques) : les OAV relevaient tout de même le niveau sur la
fin avec une des plus palpitante histoires de Cobra, Time Drive.
Contre tout attente, la série, sans égaler sa mythique devancière (qui offrait
le maximum des possibilités de l’époque ce qui n’est pas le cas ici) est une
grande réussite. Adaptant anciennes et nouvelles histoires, elle retrouve
l’esprit décontracté et aventureux du personnage désormais doublé par Naoya Uchida,
Nachi Nozawa
l’ayant incarné une ultime fois dans les OAV (le passage de relais se fait dans
le récit même qui narre la rencontre de l’ancien et nouveau Cobra sur fond de
voyage temporel) et qui nous a quittés récemment victime d’un cancer. La
grandiloquence, le sadisme et le foisonnement d’idées de Terasawa
font merveilles dans les meilleurs épisodes. On retiendra la saga de La Porte
Dorée où Cobra retrouve un sosie de Dominique et doit sauver l’univers d’une
collision entre le soleil et une planète.
L’ascension du Mont mirage
est une merveille de tension et de paranoïa lors de la périlleuse escalade d’un
col, La légende des belles errantes est une aventure maritime au twist
étonnant, le très inquiétant Les Mandrades et ses plantes meurtrières
ainsi que la grosse aventure à la Star Wars que constitue Galaxy
Nights sont aussi mémorables. C’est un vrai plaisir de retrouver le
personnage (Jean-Claude
Montalban reprend avec brio du service même si sa voix a un peu
vieillie). La mise en scène, sans retrouver le niveau de Dezaki
(mais qui reprend avec talent ses effets d’arrêts crayonnés), est assez
efficace, portée par une animation honnête. Nostalgie mise à part, c’est donc
plutôt bon et constitue la seule production convenable dans la vague de revival
récent du genre.
Pour l’instant, pas encore de nouvelles à une
poursuite éventuelle de cette nouvelle série mais on en a certainement fini
avec Cobra. Le réalisateur
français Alexandre
Aja, biberonné à la série, aurait depuis quelques années acquis les droits en
vue d’une adaptation live. En espérant que le projet se concrétisera (rien
n’est moins sûr le personnage étant peu connu du public américain, pays d’où
viendra probablement la majorité du financement), on ne à peu que suggérer à Aja le
candidat idéal (après quelques heures en salle de sport tout de même) : Owen Wilson
!
L'indispensable première série est sortie en dvd zone 2 français chez Déclic Images dans un coffret incluant également le film et la seconde série est disponible chez Kaze
Générique très James Bond du film de 82
Et le tout aussi beau générique japonais de la première série
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