L'audace insensée de Kick-Ass a inspiré une pléthore de vengeurs masqués autodidactes, le Colonel Stars & Stripes en tête, auxquels notre héros va s'allier pour patrouiller les rues de la ville et assurer la sécurité générale. Mais quand Red Mist, réincarné en Mother Fucker, décide de s'attaquer à ces super-héros amateurs, seuls les sabres acérés de Hit Girl sauront les sauver de la destruction.
Ayant longtemps fait figure de réussites occasionnelles - Superman (1978) de Richard Donner, les Batman (1989, 1992) de Tim Burton -, le film de super-héros s’est imposé durablement dans le paysage cinématographique au cours des années 2000, au point de devenir quasiment un genre en soi. Tout cela entraîne une standardisation et des codes bien établis où la surprise est désormais rare sur ce type de films aux constructions identiques (une heure sur les origines et vocation héroïque liée à un trauma quelconque). Dans ce contexte, Kick-Ass (2010) avait amené un sacré vent de fraîcheur en croisant imagerie comic book et réalisme. On avait donc un héros adolescent qui enfilait le costume plus pour tromper son ennui que par vertu héroïque, se confrontant douloureusement à une vraie violence urbaine. Parallèlement, les vrais super-héros s’avéraient d’impitoyables vigilantes avec le duo Big Daddy / Hit Girl, provoquant un sentiment contrasté où le ludisme BD côtoyait une critique des dérives de cette forme de justice dans une esthétique détonnante.
Matthew Vaughn quitte son fauteuil de réalisateur pour celui de producteur et laisse place à Jeff Wadlow - auteur d’un très divertissant décalque de Karaté Kid (John G. Avildsen, 1984), Never Back Down (2008) -, mais cette suite est tout aussi réussie. Après les événements du premier volet, Dave (Aaron Johnson) a rangé le costume de Kick-Ass tandis que Mindy / Hit-Girl a été adoptée par le meilleur ami de son père qui souhaite lui faire oublier son ancienne carrière de justicière en herbe. Le film propose la même opposition / décalage entre monde réel et comics mais dans une optique différente.
Kick-Ass montrait que cet héroïsme costumé était impossible à prolonger dans le monde réel sans se brûler les ailes, les exploits « cool » de Hit Girl et Big Daddy trouvant leurs conséquences tragiques lors de la conclusion. Le message est différent ici, le super-héroïsme est un sacerdoce et s’y engager pour de mauvaises raisons ne rime à rien. Dave va ainsi reprendre sa lubie Kick-Ass et constater qu’il a suscité quelques vocations avec des rues envahies de quidams masqués qui vont former une équipe pour rendre la justice. Entre l’ancien homme de main de la mafia ayant vu la lumière (Jim Carrey génial en treillis accompagné de son berger allemand quoique légèrement en retrait) et parents ayant perdu tragiquement leur enfant, la nature de super-héros paraît plus un exutoire qu’une vraie mission.
À l’inverse, la vraie super héroïne Hit Girl redevient Mindy et tente de fuir cette violence pour mener une existence d’adolescente normale mais chassez le naturel… On a ainsi un univers de super-héros dont tous les codes sont constamment ramenés à leur facette la plus triviale (la super base étant un simple sous-sol de bar par exemple) et à l’inverse une vraie héroïne dont les aptitudes sont inutiles dans l’impitoyable monde du lycée. Le film détourne d’ailleurs habilement les codes des teen movies au féminin façon Clueless (Amy Heckerling, 1995) ou Lolita malgré moi (Mark Waters, 2004) avec une Hit Girl se vengeant radicalement des mesquineries des pimbêches maquillées. Comme dans le premier épisode, cet héroïsme naïf aura ses conséquences, le méchant Red Mist (Christopher Mintz-Plasse) se réincarnant en Motherfucker et usant de sa fortune pour recruter une horde de malfrats psychotiques. Kick-Ass 2 ne questionne plus la nécessité du super-héros mais ce qui le définit.
Les sacrifices et les pertes révèleront donc à Hit Girl et Kick Ass que c’est là que reposent leur vraie nature et identité, tous les autres personnages s’y engouffrant pour assouvir leurs pulsions ou combler un manque. Le décalage cesse alors et le film ose enfin s’abandonner à l’exubérance et l’excès comic book. La galerie de « vilains » est impressionnante avec une Mother Russia à la violence dévastatrice et qui offrira un climax d’anthologie face à une Hit Girl ayant trouvé une adversaire à sa mesure. La violence extrême et la tonalité trash de la BD de Mark Millar étaient impossibles à retranscrire (et assez vaines dans leur excès) mais comme dans le premier volet, les débordements se font néanmoins plus corsés que le tout-venant, accentuant le côté rock’n’roll et sulfureux associés à Kick-Ass. Le cheminement paraît arrivé à son terme au bout des deux films, Kick-Ass et Hit Girl ayant compris les raisons les poussant à se déguiser la nuit venue. C’est leur raison d’être et en cas de succès, il ne serait pas étonnant de les voir poursuivre leur mission dans un attendu troisième volet.
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