Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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mardi 18 juillet 2023

Arion - Yoshikazu Yasuhiko (1986)

Arion, fils de Déméther et de Prométhée, est enlevé par Hadès qui l'entraîne au royaume des enfers. Il y grandit et devient un vaillant guerrier. Il entame alors un voyage initiatique au travers de la Grèce antique mise à feu et à sang par les guerres qui opposent les dieux. Lors d'un conflit, il est fait prisonnier par des cavaliers d'Athéna. Celle-ci décide de le mettre à mort, mais Arion est sauvé par une servante, Lesphina. Emu par cette jeune muette, ignorant les liens qui les unissent, il se promet de revenir la délivrer un jour.

Arion est certainement un des sommets de l’animation japonaise des années 80, et qui se démarque du déferlement SF de l’époque pour choisir d’explorer la mythologie grecque. Le film est réalisé par Yoshikazu Yasuhiko qui adapte là son manga éponyme publié en 5 tomes de 1979 à 1984. Yasuhiko est un touche-à-tout de génie dont le talent à traversé toutes les périodes ainsi que tous les médias de l’imaginaire japonais. Il début au sein de Mushi Production, le studio d’animation d’Osamu Tezuka où il officiera à divers postes créatifs et techniques, il est le concepteur visuel de toute l’imagerie de l’univers culte de Gundam, dessinateur de manga, et est en plus le réalisateur de certains des films cultes de la SF japonaise des années 80 avec Crusher Joe (1983) ou Venus Wars (1989).

Arion le voit donc transposer sa propre création avec cette relecture de la mythologie grecque. On comprend vite que seules les grandes lignes en seront conservées, ne serait que par le héros Arion devenant ici un jeune garçon alors qu’il s’agit d’un cheval immortel dans la mythologie grecque – même si au premier abord ses origines restent les mêmes avec Poséidon et Déméter comme parents. Néanmoins la fougue du destrier est conservée à travers le tempérament volcanique d’Arion, arraché enfant à sa mère et manipulé par Hadès. Arion est en effet le jouet du conflit opposant les dieux Zeus, Hadès et Poséidon se disputant le pouvoir après la mort du titan Cronos. L’univers du film est un curieux mélange d’antiquité « réaliste » et de pure fantasy, notamment dans la nature des dieux. Tous n’existent que dans l’archétype qui les caractérise, tout en vivant parmi les êtres humains. 

Ainsi Poséidon domine les mers de façon pragmatique en prenant le bateau et dirigeant une armada, Zeus est un vieillard couard dont l’Olympe correspond à une forteresse située dans les hauteurs, et Hadès est un être inquiétant et fourbe vivant dans les profondeurs de la terre. C’est l’environnement de chacun qui détermine la maîtrise de tout un bestiaire surnaturel, sans qu’il y ait le schisme habituel entre l’univers des dieux et celui des humains (dans lequel les dieux pouvait discrètement se mêler au sein de la mythologie classique). Il y a pourtant quelques exceptions comme Apollon possédant de réelles aptitudes surnaturelles, et parfois d’autres dieux n’existent que dans une représentation uniforme de certaines de leurs vertus comme Athéna et Arès associé à une dimension guerrière.

Ces petites confusions déteignent aussi sur le récit où malheureusement l’on ressent parfois les raccourcis pour resserrer la trame du manga, avec quelques ellipses hasardeuses. On se demande longtemps où va l’histoire mais le fil rouge est le sentiment d’égarement d’Arion et le flou de ses origines utilisés à ses dépends par les dieux. Le jeune homme dirige ainsi sa colère vengeresse vers chacun d’eux au gré des rebondissements et révélations, avant de comprendre qu’il n’est qu’un jouet et accepter de prendre le parti des plus faibles face à l’égoïsme des dieux. Les humains ne sont pour ces derniers que des pantins à manipuler, et qu’il faut maintenir dans un degré de faiblesse et d’ignorance afin que l’idolâtrie des dominants soit leur seul objectif. Yasuhiko parvient progressivement à poser cette thématique jusqu’à une ultime confrontation entre Arion et Zeus, Apollon et Gaïa où tout sera explicite. 

Sans totalement égaler la réussite visuelle de Crusher Joe, Yasuhiko livre un spectacle foisonnant, épique et impressionnant - où malgré les libertés les compositions de plans trahissent la réelle inspiration helléniste. Si les dieux conservent un relatif aspect terre à terre, le bestiaire mythologique se déploie avec ampleur dans quelques moments sidérant où apparaissent le cerbère, l’hydre, tandis que le brio de Yasuhiko au chara-design impose des silhouettes majestueuses pour Athéna ou Poséidon. Les amours troubles et teintées d’inceste entre les dieux sont discrètement traitées, moins verbalisés que ressentis dans des atmosphères torturées et des décors incroyablement évocateurs. Le réalisateur brille quand il se déleste de son parti-pris réaliste (les enfers assez décevants par exemple) et entre de plain-pied dans la pure imagerie fantasy, que ce soient les envolées oniriques et cauchemardesques des songes d’Arion, et surtout un dernier acte magistral. 

L’assaut de la forteresse de Zeus et sa traversée est porté par un souffle épique puissant dans la rencontre d’êtres de plus en plus démesurés et puissants, Yasuhiko ayant une nouvelle fois soigné leur apparence notamment une stupéfiante Gaïa. Tout cela n’est pas gratuit puisque, à la solidarité et aux pertes douloureuses des humains dans la bataille répondent la froideur et soif de pouvoir des dieux se trahissant entre eux. C’est cette conscience de leur destin et la volonté de s’affranchir que porte Arion dans le dernier acte. Malgré ses errements narratifs ponctuels, Arion est donc est superbe livre d’images traversés de visions indélébiles. 

Sorti en bluray français chez Kaze

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