Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

Pages

mercredi 5 juillet 2023

F… comme Fairbanks - Maurice Dugowson (1976)


 André, ingénieur chimiste, ne trouve aucune situation à sa sortie du service militaire. Autour de lui, ses proches ont une vie relativement harmonieuse, son père cinéphile est projectionniste, son amie Marie, employée de bureau le jour, répète une pièce de théâtre le soir. Usé par son inactivité, André craque...

Tous les grands rôles de Patrick Dewaere sont des instantanés de sa nature dépressive, torturée et de son caractère d'écorché vif rebelle. F… comme Fairbanks s'avère être une des œuvres les plus marquantes dans cette dimension de miroir entre ses rôles et sa vie personnelle. Dewaere tourne là son second film avec le réalisateur Maurice Dugowson après avoir joué dans son premier film Lily aime-moi (1975). Il y partageait l'affiche aux côtés de sa compagne Miou-Miou avec laquelle il entretenait depuis quelques années une relation tantôt apaisée, tantôt tumultueuse, toujours follement passionnée. Entre Lily aime-moi et F… comme Fairbanks, les deux acteurs ont eu un enfant ensemble mais se sont aussi douloureusement séparés. Sur le film D'amour et d'eau fraîche de Jean-Pierre Blanc (1976), ce dernier préfère engager l'inexpérimenté Julien Clerc plutôt que Patrick Dewaere recommandé par Miou-Miou qui y figure aussi. Julien Clerc et Miou-Miou vont tomber amoureux et laisser Dewaere dans un profond désarroi. Le projet de F… comme Fairbanks avec Miou-Miou et Dewaere est maintenu malgré leur rupture et le film apparaît vraiment comme un témoignage impudique de celle-ci dans ses séquences les plus intenses.

F… comme Fairbanks se veut cependant avant tout un prolongement des thématiques sociales de Lily aime-moi, ce à quoi il parvient porté par un Patrick Dewaere qui en accentue la puissance par ses propres démons intérieurs. André (Patrick Dewaere), jeune ingénieur chimiste revient de son service militaire plein d'espoir quant à son avenir mais va progressivement déchanter. Le décalage d'André se trouve initialement justifié par cette absence, mais va finalement de plus en plus illustrer son rapport au monde qui l'entoure. Son tempérament fantasque et rêveur lui suscite l'affection de son entourage et l'amour de Marie (Miou-Miou), une jeune aspirante actrice. Ce sont pourtant ces mêmes traits de personnalité qui vont lui fermer les portes, empêchant son entrée dans la vie active et en adéquation avec ses aspirations.

Sa franchise à fleur de peau se heurte au conformisme froid des corporations que représente le personnage de Michel Piccoli, et plus le rejet sera manifeste, plus l'instabilité d'André se manifestera jusqu'au point de non-retour. Le film fonctionne en ellipses rythmée au fil des déconvenues du héros, de son déclassement social dans des métiers aliénants opposés à ses attentes, et d'un équilibre mental toujours plus vacillant. Maurice Dugowson capture (dans une période pourtant moins critique qu'aujourd'hui) un véritable malaise social et intime d'une jeunesse ne parvenant pas à trouver sa place, notamment dans des séquences entre documentaire et surréaliste à l'ANPE qui voient un encore inconnu Thierry Lhermitte totalement craquer quant à l'impasse de sa situation.

La dérive d'André le voit se saborder volontairement dans ses jobs d'appoint, et entamer une lente démarche d'autodestruction. Patrick Dewaere l'exprime par une subtile métamorphose physique qui voit le degré de négligence du personnage s'accentuer par une coiffure, une tenue vestimentaire, une gestuelle plus incertaine puis enfin la pure folie psychotique. Les séquences avec Miou-Miou sont les plus parlantes à ce titre, chaque retrouvailles témoignant du fossé grandissant entre les amants. 

Les premières scènes entre eux montre le versant joyeux de leurs excentricités respectives, avant la bascule née de l'isolation d'André ruminant sa frustration dans des rages absurdes. La frontière est mince voire absente entre fiction et réalité dans ces moments où suinte le dépit et le ressentiment réel du couple. Cela culmine dans la douloureuse séquence où André vient interrompre la pièce que joue Marie et cède à une rage incontrôlable. Il n'est tout simplement pas fait pour affronter les obstacles du monde moderne qu'il s'imaginait enjamber fougueusement à la manière du héros des films de son enfance, Douglas Fairbanks.

Sorti en bluray et dvd français chez Gaumont

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire