A l'aube de la seconde guerre mondiale,
Titina, jeune femme sicilienne, perd son mari, assassiné par la mafia.
Obsédée par d'éventuelles représailles, elle rencontre Spallone, de
retour en Sicile après dix ans d'absence. Ce dernier s'éprend
instantanément de la belle veuve qui ne résiste pas longtemps à ses
avances. Dans le même temps, Nick, petit escroc revenu venger la mort de
son cousin, tombe également sous le charme de Titina. Amour, jalousie
et désir de vengeance, un cocktail qui va vite devenir explosif...
Lina Wertmüller croise à nouveau romanesque et politique avec ce grand mélodrame où elle orchestre la rencontre entre le couple mythique Marcello Mastroianni/Sophia Loren et Giancarlo Giannini, star de la génération suivante qui lui doit une grande part de son ascension. L'intrigue se déroule à une période charnière de l'Italie, quelques mois avant l'arrivée de Mussolini au pouvoir et sur la terre de toutes les passions et les extrêmes, la Sicile. Ce cadre sera le théâtre en miniature du destin qui attend le pays avec l'intimidation, la corruption et le machisme régnant en maître et brisant le destin de trois personnages anachroniques.
Titina (Sophia Loren) est une jeune
veuve dont le mari a été tué par le tyran local pour avoir mené une
grève de pêcheur. Vindicative et menaçant de se venger du meurtrier,
elle est une anomalie parmi la communauté sicilienne soumise et
obéissant à la loi du silence. Il en va de même pour Spallone (Marcello
Mastroianni), activiste de gauche de retour au pays et dont la
délicatesse sied mal à cet environnement. Enfin, Nick (Giancarlo
Giannini) cousin du défunt exilé aux Etats-Unis et lui aussi à
contre-courant par sa flamboyance et ses attitudes provocatrices dont
une tonitruante première apparition en voiture jaune dénote dans ce très
austère village sicilien.
Dans la trilogie que formait Mimi métallo blessé dans son honneur (1972), Film d'Amour et d'anarchie (1973) et Chacun à son poste et rien ne va
(1974), les grands idéaux et les aspirations nobles des personnages
finissaient au bout du compte par montrer leur vacuité. L'ouvrier
valeureux de Mimi ressemblait
dangereusement au oppresseurs qu'il dénonçait une fois arrivé au sommet,
l'amoureux transi et terroriste en herbe de Film d'amour et d'anarchie servait plus sa gloire que la cause et la vie en communauté de Chacun à son poste et rien ne va
révélait finalement l'individualisme et la corruption progressive du
groupe de personnages.
Lina Wertmüller semble au départ procéder de même
ici : la veuve indomptable Titina cède finalement assez vite à la
séduction de Spallone dont l'altruisme est un prétexte à sa libido
affolée par les formes de Sophia Loren et tout le mystère dégagé par
Giancarlo Giannini ne sert pas comme attendu une vengeance mais aussi
une passion secrète pour Titina. La grande différence avec les autres
films étant que lorsque les protagonistes se détachaient de leurs
"rôles" c'étaient pour céder à des bassesses du commun dénonçant leur
médiocrité.
C'est tout l'inverse ici où notre trio part au contraire d'un cliché (la
veuve sicilienne, l'activiste de gauche abscons, "l'américain" vantard)
pour finalement révéler un libre arbitre s'affirmant dans ce beau
triangle amoureux. Cette romance leur sert à apprendre de leurs erreurs,
Lina Wertmüller revisitant de manière différente des situations de ces
précédents films.
Ainsi le machisme sous-jacent des personnages
masculins se révélaient dans des éprouvantes scènes de violence allant
jusqu'au viol, dans D'Amour et de sang
toute situation suggérant un tel basculement est désamorcée, notamment
avec un excellent Giancarlo Giannini s'arrêtant avant de commettre
l'irréparable ayant compris son erreur ou plus tard acceptant finalement
dignement la liaison de Sophia Loren et Mastroianni. C'est un peu comme
si entre-temps Lina Wertmüller avait abandonné son pessimisme pour
croire en l'humain et à sa possible et réelle bonté d'âme.
C'est un espoir qui ne peut malheureusement qu'être isolé alors que les
chemises noires envahissent bientôt le pays, cette singularité
marginalisant nos héros et en faisant des victimes idéales du système.
Le surgissement du camion chargé de fascistes dans le cadre naturel
somptueux jette comme un voile de désespoir qui ne se démentira plus
jusqu'au bout, les personnages secondaires et l'environnement du village
est quasi abstrait (témoignant de l'uniformisation de pensée et de la
peur de la population, symbolisée dès l'ouverture où Sophia Loren hurle
seule sa rage dans les rues) pour placer le trio comme seul êtres
vivants, seuls électrons libre face à la pensée unique. Contrairement à
d'autres de ces films, Lina Wertmüller ne politise pas à outrance son
propos pour n'affirmer l'opposition de Titina, Spallone et Nick que dans
leurs amours libres.
Tous trois sont magnifiquement contrasté et attachant dans leur
contradiction (Titina ardente alors qu'elle se voudrait détachée,
Spallone passe pour l'activiste parleur avant de révéler un vrai
héroïsme et Nick le meurtrier fait office de sauveur) alors que le
fascisme naissant est tout d'un bloc. Les trois acteurs sont au somment
de leur art mais on saluera tout particulièrement une Sophia Loren
magnifique, acceptant sa quarantaine entamée avec la même grâce que dans
Une Journée Particulière (1977)
et dégageant une sensualité de tous les instants (ce beau moment où
elle se baigne sous le regard de Giannini).
Lina Wertmüller les capture
dans une mise en scène inspirée alternant le grandiose (les extérieurs
siciliens sont somptueux et quelle photo de Tonino Delli Colli) et
l'intime avec finalement pour l'essentiel une intrigue se déroulant dans
la cabane austère de Sophia Loren. Quand le monde extérieur ose enfin
se révéler c'est pour happer définitivement nos héros dans un tragique
final qui les laissera pourtant plus unis que jamais.
Sorti en dvd zone 2 français chez PVB, édition épuisée et assez dure à trouver et à laquelle il manque la VO italienne mais Sophia Loren et Giancarlo Giannini se doublent eux-même sur la version anglaise. Pour ceux maîtrisant la langue plutôt tenter l'édition italienne par contre.
Merci pour ta critique! A cause de toi, mon été DVD sera italien et asiatique!!! Pleins de bons films que tu nous fais découvrir!!! Je reviens de la projo de "Plein Soleil", je veux absolument ton avis là-dessus! As-tu vu le nouveau Winterbottom "Look of Love" avec Steve Coogan? Je l'ai vu lundi!
RépondreSupprimerHé hé c'est vrai que je suis dans une bonne période italienne en ce moment et que généralement il y a matière sur le blog. En tout cas très belle découverte récente que Lina Wertmüller dommage qu'on trouve si peu de ses films en France.
RépondreSupprimerJ'aime beaucoup "Plein Soleil" mais pas revu depuis un bail je vais profiter de la ressortie pour me rafraîchir la mémoire et poster un avis par ici oui. Pas encore vu le Winterbottom non j'ai intérêt à me dépêcher avant qu'il saute. J'imagine que Steve Coogan doit être énorme !