Cet ouvrage collectif dirigé par Marie-Soledad Rodriguez est à ce jour la seule étude française consacrée à l’œuvre de Julio Medem. Le livre paru dans un contexte plutôt favorable au début des années 2000 puisque le réalisateur venait de sortir ses deux films les plus populaires et salués par la critique française avec Les Amants du cercle polaire (1998) et Lucia et le sexe (2000). Cette reconnaissance permit même la sortie tardive en salle de son troisième film Tierra (1996) jusque-là inédit.
Le livre alterne l’étude d’une facette spécifique d’un film
ou alors met en parallèle plusieurs œuvres autour d’une question particulière d’ordre
esthétique ou thématique. On trouve notamment un point très intéressant car moins
évident pour le spectateur français concernant le rapport à l’identité basque.
Si Medem n’aura ouvertement abordé ses origines basques que dans son
documentaire La Pelote basque : la peau contre la pierre (2004), le panorama de
Marie-Soledad Rodriguez montre subtilement comment le rapport à la terre peut
être conflictuel chez les personnages de Medem, constituant autant un refuge qu’une
prison. Cela sera explicite dans l’inaugural Vacas (1992) avec son conflit familial situé dans un pays basque
soufflant le chaud (le lien à la nature, les traditions rituelles ancestrales)
et le froid dès que l’on touche à l’humain avec des personnages réduits à l’état
de pantin reproduisant le cycle de la haine et de l’obscurantisme. Medem l’exprimera
plus subtilement par la suite dans L’écureuil rouge (1993) avec son couple en fuite de tout ce qui constitue l’institution
ou la vie « normale », l’auteur associant ce cadre originel au pays
basque auquel on cherche à échapper.
Autre aspect remarquablement évoqué, la construction et la
narration dans l’œuvre de Medem. Une étude comparative entre L’écureuil rouge et Les Amants du cercle polaire (1998) montre comment ces deux œuvres romantiques
obéissent à des codes aussi étudiés qu’anticonformistes (le chapitrage, l’art
de la répétition, l’alternance de point de vue dans Les Amants notamment) pour dépeindre cet amour. La comparaison avec
le Nouveau Roman et sa déconstruction du récit classique est judicieuse tant
Medem parvient à exprimer des émotions universelles par des chemins de
traverse. Cette réflexion se poursuit dans le plus audacieux encore Lucia et le Sexe où les auteurs étudient
l’enchevêtrement de trames complexe du film dont la compréhension et surtout
les thèmes se dévoilent par un montage symétrique fait d’association d’idée et d’une
vraie poésie. Même si le jargon peut être trop universitaire peut perdre
parfois, les angles abordés sont toujours judicieux notamment cette passionnante
étude sur le mensonge et la négation du
réel chez Medem, ses personnages toujours en fuite ou en quête d’identité en
usant de manière diverses et variées selon les films.
Vu que l’aura de Medem
est quelque peu retombée en France depuis la parution de l’ouvrage (accueil
mitigé pour Caotica Ana en 2010 et Room in Rome sorti directement en dvd)
dont l’étude s’arrête à La Pelote basque : la peau contre la pierre
(2004), le long retour sur l’accueil critique de ses films est des plus
parlant. Régulièrement défendu par les journaux « grand public » qui
salue sa singularité même dans les films moins aboutis, Medem laisse bien plus
circonspect les revues intellectuelles dont les Cahiers du Cinéma allergiques dès Vacas tandis que Positif
enthousiaste pour le jeune cinéaste arty se détache quand il deviendra plus
populaire et universel dans son approche (Lucia
et le Sexe et Les Amants du Cercle
Polaire).
Seul gros regret, le fait de ne pas traduire les textes
issus des participants espagnols. Les non familiers à la langue de Cervantès
passeront donc à côté de l’analyse de Vacas (dommage puisque c’est un des films
les plus captivant de Medem en plus d’être celui le moins analysé par la
critique française) et surtout de l’interview du réalisateur en fin d’ouvrage.
Très intéressant néanmoins, à recommander aux amateurs de Medem et une
initiative à saluer.
Paru aux Editions Presse de la Sorbonne
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire