Madame et monsieur Renard volent ensemble tout ce qu'ils peuvent ; plus tard, ils mènent une vie de famille idyllique avec leur fils, Ash. Après douze ans de vie familiale paisible, l'existence bucolique est trop pesante pour les instincts animaux de Foxy. Un jour, leur neveu Kristofferson vient en visite. Très rapidement, il revient à son ancienne vie de voleur et, ce faisant, met en péril non seulement sa famille bien-aimée, mais aussi la communauté animale tout entière. Coincés sous la terre, sans assez de nourriture pour tout le monde, les animaux commencent à se rassembler pour lutter contre Boggis, Bunce et Bean, trois fermiers déterminés à saisir l'audacieux monsieur Renard à tout prix.
Wes Anderson avait pour la première fois légèrement déçu avec son film précédent À bord du Darjeeling Limited (2007) dont le meilleur atout restait finalement son mémorable court-métrage prologue Hôtel Chevalier. L'équilibre délicat entre drame et légèreté, le sens du rythme et la rigueur narrative du réalisateur s'était quelque peu perdu dans la langueur indienne malgré des personnages attachants et quelques moments réussis.
L'adaptation du classique de Roald Dahl Fantastique Maître Renard allait donner à Anderson l'occasion de retrouver cette maîtrise, notamment par le fait de s'attaquer pour la première fois à l'animation et plus précisément la stop-motion. Anderson devait au départ le co réaliser avec Henry Selick, maître de la technique (et ayant déjà adapté Roald Dahl avec James et la Pêche Géante (1996)) mais ce dernier partira finalement signer seul le formidable Coraline (2009) et trouver enfin la reconnaissance dont il fut un peu spolié par Burton avec son tout aussi mémorable L'Étrange Noël de Monsieur Jack (1993).
Désormais seul aux commandes, Wes Anderson cherchant à s'imprégner de l'esprit de Roald Dahl s'installe dans sa propriété de de Gipsy House dans le Buckinghamshire où il rédigea la plupart de ses ouvrages. Anderson s'inspirera grandement de cet environnement rural pour l'esthétique du film (le fameux arbre où vit Mr Fox et sa famille existant vraiment entre autre), la direction artistique oscillant entre les vrais intérieurs cosys de Roald Dahl et les dessins Donald Chaffin pour la première édition du livre. Avec sa maniaquerie légendaire, Anderson répertoriera ainsi tous les objets et bibelots divers qui souhaitera voir reproduit dans le film, affirmant ainsi sa volonté de faire du malicieux Mr Fox un double animé de Roald Dahl.
Wes Anderson tout en ajoutant divers détails et motifs typiques de son style respecte idéalement le roman de Roald Dahl (seul le sauvetage et la poursuite finale sont en plus, l'épilogue étant légèrement différent mais dans le même esprit) tout en se focalisant sur des thématiques qui en font une sorte de condensé parfait de son œuvre jusque-là avant le virage qu'amorcera le suivant et excellent Moonrise Kingdom (2012).
On retrouve donc ici avec Mr Fox (George Clooney) un adulte irresponsable dont les écarts place sa famille dans le doute (le Gene Hackman de La Famille Tennenbaum bien sûr), un fils en plein questionnement existentiel (presque tous les personnages d'Anderson en quête de père ou de substitut) et une grande aventure décalée et ludique qui va permettre de résoudre les conflits dans l'action (La Vie Aquatique, À bord du Darjeeling Limited). Mr Fox au moment de la naissance de leurs fils a promis à son épouse (Meryl Streep) de cesser sa stimulante quête de danger et de chapardages pour mener désormais une vie de famille paisible.
Anderson trouve l'équilibre idéal entre humour, aventure picaresque et émotion avec une inventivité constante. George Clooney trouve quasiment son meilleur rôle avec cet attachant Mr Fox, "fantastique" et vulnérable à la fois, risible (la tirade bravache avant l'inondation de cidre) mais conservant charisme et bagout en toute circonstance. Entre douceur et détermination, Meryl Streep confère son timbre distingué et chaleureux à Mrs Fox pour former un couple complémentaire et séduisant.
Les personnages lunaires typique du réalisateur trouve une de leur incarnation les plus géniales avec le décalé Kristofferson (le phrasé calme et traînant d'Eric Chase Anderson frère de Wes y est pour beaucoup) s'opposant au plus nerveux Ash que double avec une géniale infantilité Jason Schwartzman.
Ce casting voix très américain pourrait paraître déplacé pour un livre si anglais mais cela fonctionne, Michael Gambon en caution locale étant absolument grandiose de cruauté en Franklin Bean et les animateurs saisissent bien l'expressivité de la distribution (le fameux claquement de bouche de Clooney génial !). L'ensemble est d'une fluidité exemplaire tout en conservant le côté bricolé et terrien voulu par Anderson qui exclut toutes les couleurs trop vive de sa gamme chromatique et laisse dominer une ambiance automnale brunâtre mettant bien en valeur le pelage des différents animaux et une facette crépusculaire intermittente.
Cette recherche visuelle donne une patine unique au film dans le paysage actuel de l'animation, faisant cohabiter émerveillement et ordinaire rustique parfois dans une même scène (l'arrivée dans la cave à cidre) et sous les courses poursuites trépidante délivrer de purs moments d'émotion suspendue.
Mr Fox se morfondant sous une cascade réconforté par son épouse, la mort poignante de l'infâme Rat (Willem Dafoe génial) ou l'apparition finale d'un loup sont ainsi d'une beauté saisissante que le score d'Alexandre Desplat (sans parler des utilisation judicieuse de titres des Beach Boys, Rolling Stones ou la réutilisation du score de George Delerue des Deux anglaises et le continent) aussi sautillant que mélancolique illustre avec brio.
On tremble ainsi lors du duel entre Rat et notre héros et le final offre une situation de siège désespérée typique du western résolue avec brio et bouclant le cheminement de cette relation père/fils complexe. Un joyau de l'animation et tout simplement un grand film, la plus grande réussite d'Anderson avec La Famille Tenenbaum et avant la réinvention brillante de Moonrise Kingdom où à l'inverse les enfants joueraient cette fois aux adultes.
Sorti en dvd zone 2 français chez Fox
J'ai été moi aussi séduit par ce Mr Fox! Les romans de Dahl ne sont pas si faciles que ça à adapter: si fertiles qu'ils soient en situations improbables et en inventions visuelles qui ne demandent qu'à être matérialisées à l'écran, le charme de ces récits tient aussi à un rythme très particulier, nonchalant, assez anti-cinématographique; Anderson qui aime bien, justement, casser le rythme de ses films, "promener" le spectateur, faire redémarrer l'action quand on ne l'attend plus… était sans doute fait pour rencontrer Dahl.
RépondreSupprimerOui j'ai ressenti plus de familiarité avec l'univers de Roald Dahl que dans par exemple "Charlie et la chocolaterie" de Burton par exemple. Le style de Wes Anderson s'y prête particulièrement et il s'est complètement réinventé grâce à Roald Dahl. J'ai vraiment hâte de voir son évolution dans son prochain "The Grand Budapest Hotel" dont le pitch annonce encore une autre évolution chez lui...
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