Rango, lézard acteur, a toujours voulu être un héros. Ayant trouvé un public qui en aurait bien besoin, il prétend être un homme de loi dans une ville desséchée du désert Mojave, appelée Poussière. Rango réalise rapidement qu'il y a une différence entre être acteur et la vraie vie : obligé de faire face à ses problèmes d'identité, il va devoir donner un sens au mot d'amitié, accomplir sa quête et découvrir le complot qui se cache derrière l'absence d'eau de la ville. C'est le rôle de sa vie, mais ce ne sera pas sans danger !
Classé un peu trop rapidement dans les faiseurs
hollywoodiens interchangeables, Gore Verbinski aura pourtant fait montre d’une
personnalité singulière dans son premier film La Souris (1997) et la célèbre
trilogie des Pirates des Caraïbes
(2003,2005 et 2006). Dans La Souris, il
réussit avec un brio surprenant à transposer en live l’esprit cartoonesque et
absurde des Tex Avery, Bip Bip et Coyote ou encore Tom et Jerry par une mise en
scène inventive, une science du gag et du rythme éreintant. Malgré ses nombreux
défauts, la saga des Pirates des Caraïbes
trouvait également une grande partie de son intérêt par les visions
extraordinaires du réalisateur (le Kraken, Davy Jones, la bataille navale du 3e
volet) qui amenait également une imagerie horrifique et décalée étonnante dans
ce type de grosse production, bien aidé par un Johnny Depp survolté et créant
un des rares héros cultes des années 2000 avec Jack Sparrow.
Toutes ses qualités trouveraient leurs aboutissements dans
ce génial Rango qui est un des plus
brillants films d’animation récents. Les Pirates
des Caraïbes nourrissent grandement l’inspiration ici (les scories en moins
et bien que l’idée et la trame fut constituée avant le premier volet des
aventures de Jack Sparrow) avec la refonte délirante d’un genre désuet, une
extravagance et un grain de folie où Verbinski s’imprègne de la personnalité de
Johnny Depp dans le rôle-titre. Rango (Johnny Depp) est un lézard domestique qui
se rêve héros surtout un grand solitaire qui se cherche encore dans les jeux de
rôles où il se met en scène.
Un accident routier lâche notre lézard casanier en
plein désert de Mojave où les dangers multiples rôdent entre oiseaux
prédateurs, chaleur accablante et sécheresse environnante. C’est cette
sécheresse qui est au centre de l’intrigue lorsque Rango se retrouve au sein de
la ville fantôme de Poussière (Dirt en VO) dont les habitants dépérissent à vue
d’œil. Rango le baratineur trouve enfin une audience à sa mesure et à coup de
fanfaronnade va bientôt être nommé shérif et chargé de résoudre le mystère de
cette pénurie d’eau.
Rango est donc une
quête initiatique transposée dans le cadre du western animalier et décalé.
Décalé mais absolument pas parodique tant Verbinski transcende les codes du
genre. Le ton étonnamment adulte et l’humour noir lorgne grandement vers le
western spaghetti, l’arrivée de Rango dans un saloon crasseux et truffés de
trognes patibulaires et menaçantes. Le western américain est également au
centre des influences par la dimension protectrice du shérif avec un Rango
assumant de plus en plus son statut de héros protecteur, seul rempart à l’injustice
et évidemment inspiré (entre autre) du Gary Cooper du Train sifflera trois fois (1952).
Plus subtil encore, la trame
autour du détournement et de la possession de l’eau est en fait un habile
remake de Chinatown, Verbinski
donnant au méchant maire/tortue les mêmes traits que John Huston dans le film
de Polanski !
Johnny Depp marque bien évidemment le film de son empreinte
au début où l’allure dégandée et la chemise hawaïenne de Rango rappelle le Raoul
Duke haut perché de Las Vegas Parano
(1998), la voiture des propriétaires de Rango et ce qu’on entraperçoit des
passagers laissant même à penser qu’il s’agit des deux héros farfelus du film
de Gilliam.
L’outrance et l’excès se marie donc fort bien à une imagerie
de western qui ne se dément pas, avec grands espaces, cavalcades et fusillades
que Verbinski illustre avec brio. Toute sa mise en scène est pensée pour
retranscrire le gigantisme du genre avec ce jeu sur la profondeur de champ, les
éclairages rougeoyants, les cadrages magnifiant où accablant Rango (le retour
triomphal en forme d’ombre à l’horizon).
Les scènes d’actions vont dans le même
sens, les passages obligés s’ornant toujours de la petite touche décalée sans
pour autant atténuer l’émotion (le grand duel final) ou alors versant dans la
pure démesure avec une extraordinaire course-poursuite à la Mad Max dans un
canyon sur fond de Chevauchée des Walkyries. Le score de Hans Zimmer quant à
lui un bel hommage à Ennio Morricone saupoudrée d’idées géniales tel ces
mariachis qui chantent la mort imminente de Rango tout au long du film.
Finalement tous ses écarts et dérapages de ton illustrent en
fait la quête existentielle de Rango, héros qui rêve plus qu’il ne vit cette
grande aventure. Pour ne plus jouer et enfin être le héros qu’il prétend, il
devra assumer ce statut de shérif car comme un dialogue le soulignera « un
héros ne sort pas de sa propre histoire ».
Il devra en passer par l’humiliation
face une extraordinaire et terrifiante figure de méchant, Rattlesnake Jake
(doublé par un Bill Nighy déjà fabuleux en Hollandais volant dans Pirates des Caraïbes) puis par la
transcendance au cours d’une expérience mystique où l’Homme sans nom en personne (en plus du design on jurerait Eastwood
au doublage mais il s’agit de Timothy Olyphant en Esprit de ‘Ouest) viendra lui
prodiguer ses conseils.
On pense avec cet instant à la séquence d’ouverture
hallucinée du 3e Pirates des
Caraïbes (et un Johnny Depp en plein trip schizophrène abandonné sur une
île déserte) mais Verbinski fonctionne avant tout à l’émotion ici, la parodie s’estompant
pour redresser l’allure d’un Rango enfin sûr de sa force et de ce qu’il est, le
shérif. Dès lors le réalisateur estompe toute forme d’humour moqueur dans sa
façon de filmer Rango auquel il donne autant de prestance qu’un Eastwood ou un
Cooper dans les cadrages utilisés lors de son avancée pour le duel final face
au redoutable Rattlesnake Jake (design assez fabuleux pour ce méchant).
Ce résultat prodigieux fut obtenu grâce à une gestation
assez originale pour un film d’animation. Plutôt que de leurs faire enregistrer
leurs voix individuellement et sans interactions, Verbinski tourna de façon
rudimentaire le film entier avec les acteurs en situations et profita de leurs
complicités et improvisations pour les réutiliser lorsque le résultat serait
reproduit en animation. Cela se ressent vraiment à l’écran, notamment par un
Johnny Depp grandiose qui s’approprie totalement le rôle-titre.
C’était
également le premier film d’animation de la compagnie d’effets spéciaux de
George Lucas ILM et visuellement l’approche « live » de Verbinski (notamment aidé par le célèbre directeur photo
des frères Coen Roger Deakins) associé à l’originalité de ton et du bestiaire
foisonnant fait que Rango relève
vraiment du jamais vu. Surclassant tous les Pixar récent (et vainqueur de l’Oscar
du meilleur film d’animation devant un sinistre Cars 2) Rango redistribue tout simplement les cartes de l’animation
US et s’impose comme un classique instantané.
Sorti en dvd/Bluray chez Paramount
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