Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram
Un officier de la marine nationale
française se voit confier un dernier commandement, l'escorteur d'escadre
Jauréguiberry dont c'est également la dernière mission avant son
désarmement. Il est chargé de l'assistance et de la surveillance de la
grande pêche sur les bancs de Terre-Neuve. Le commandant mène aussi une
quête personnelle, enracinée dans les guerres coloniales françaises :
croiser une dernière fois un homme qu'il a connu, devenu patron d'un
chalutier. Sa quête est relayée par les souvenirs du médecin du bord et
de l'officier mécanicien, qui évoquent un lieutenant de vaisseau
surnommé le « Crabe-tambour ». Les souvenirs et les témoignages se
succèdent ; ils évoquent cette figure légendaire qui a marqué ceux qui
l'ont connue, et les fait s'interroger sur leur propre vie.
Intimiste
et ambitieux, Pierre Schœndœrffer adaptait son roman éponyme paru
l'année précédente avec Le Crabe-tambour. Le récit mêle harmonieusement
les propres souvenirs de l'auteur avec une biographie romancée du de
Pierre Guillaume, fameuse figure militaire rebelle ayant participé à la
Guerre d'Indochine et actif participant du putsch d'Alger. L'histoire se
partage ainsi entre souvenirs et fascination en flashback pour ce
Crabe-tambour qui aura marqué tout ceux ayant croisé sa route et un
présent plus résigné et nostalgique.
Le ton se partage
constamment entre nostalgie pour ses campagnes militaires passées
transpirant le souffle de l'aventure, du dépaysement et de l'inconnu
avec une vraie ambiguïté sur la nature de ces conflits. Les scènes aux
présents portent le poids de ce regret avec les personnages de Jean
Rochefort et Claude Rich dont l'existence semble comme s'être arrêtée
une fois ces contrées et le charismatique Crabe-tambour (Jacques
François) perdu de vue. Jean Rochefort tout en retenue délivre une
prestation fascinante (récompensée par un César du meilleur acteur) avec
cet homme mutique et marqué dont la seule volonté et énergie est
désormais consacrée à croiser une dernière fois la route de ce compagnon resté alerte en ne renonçant pas à ses idéaux, aussi discutables soit-ils.
Claude Rich, médecin vétéran tout autant prisonnier du passé s'avérera
tout aussi pathétique quand on devinera progressivement ce qu'il lui a
abandonné. Jacques Perrin n'impose malheureusement pas tout à fait la
même présence en Willsdorff « Crabe-tambour », semblant toujours trop
tendre symboliser l'aura de ce soldat pas comme les autres. Schœndœrffer a pourtant de belles idées pour le caractériser comme ce
chat noir ne le quittant en aucune circonstance quelques soit les
situations et les époques, le figeant ainsi dans une image quasi
mythologique et immortelle pour ceux qui l'ont connus. Cela reste à l'état d'idée vue que la présence quasi spectrale de Rochefort n'est pas suffisamment contrebalancée par un frêle Perrin.
L'ambiguïté
du film réside dans l'écart entre l'exaltation éteinte de ces hommes
usés et les conflits discutables qui en forment le souvenir. L'imagerie
élégiaque des paysages d'Indochine (la tonalité de L'Adieu au Roi
autre fameux roman de Schœndœrffer - plus tard brillamment adapté par
John Milius- plane dans cet exotisme, tout comme le futur Apocalypse Now-là
aussi inspiration de Milius auteur du script- de Coppola avec cette
carlingue remontant le fleuve) côtoie donc des échanges plus amers et
coupables sur l'armée et ses guerres coloniales coupables (le procès
après le putsch d'Alger, l'échange après l'enterrement du frère la photo
avec le visage de Bruno Crémer faisant le lien La 317e Section
son chef d'œuvre).
La première partie est formidable et captive avec
ces va et vient entre passé et présent, le quotidien quasi documentaire
de ce navire de guerre (Schoendoerffer tourna durant sept semaines dans
l'escorteur d'escadre Jauréguiberry, pendant l'hiver dans l'Atlantique
nord) et les images absolument somptueuses magnifiées par la photo de
Raoul Coutard. Un grand ennui va cependant céder à cet attrait initial
et malgré l'ambition et les qualités manifestes on va se détacher de ce
qui se déroule à l'écran.
En privilégiant la langueur dépressive, Schœndœrffer perd progressivement notre attention dans un récit
manquant de nerf, d'intensité. La confrontation finale tant attendue
tombe donc bien à plat faute d'une réelle montée en puissance pour
l'introduire. A défaut d'être complètement réussi, un film néanmoins
intéressante et un des plus beaux rôles de Jean Rochefort (ne pas
oublier un excellent Jacques Dufilho également vainqueur d'un César du
second rôle).
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