Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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lundi 11 février 2013

À bout de course - Running on Empty, Sidney Lumet (1988)


Danny, jeune homme de dix-sept ans, est le fils d'anciens militants contre la guerre du Vietnam. Ses parents Annie et Arthur Pope organisèrent un attentat à la bombe contre une fabrique de napalm. Un gardien mourut lors de l'explosion. Depuis, les Pope sont en fuite. Danny vit assez mal cette situation de mensonge et de dissimulation. Mais tout va basculer lors de sa rencontre avec Lorne Philips, la fille de son professeur de musique.

Sidney Lumet signe un de ses chefs d'œuvres avec ce poignant Running on Empty. Le scénario de Naomi Foner s'inspire librement du couple d'activiste formé par Bill Ayers et Bernardine Dohrn qui au sein de leur groupuscule radical les Weathermen conduisirent dans les années 60/70 à une série d'attentat sur des bâtiments public en protestation des guerres menées par les Etast-Unis. Comme dans nombre de ses meilleurs films, Lumet questionne des personnages engagés dans un choix de vie radical, qu'il soit vertueux (Serpico), corrompu (Le Prince de New York), cathartique (The Offence). La différence ici est que plutôt que de se focaliser sur la seule croisade de ses héros extrêmes, Lumet s'attarde cette fois aussi et surtout sur les victimes collatérales, les proches obligés de subir toute les conséquences.

Auteurs en 1971 d'un attentat contre un labo de napalm, Annie (Christine Lahti) et Arthur Pope (Judd Hirsch) sont depuis en cavale et recherché par le FBI. Leurs enfants les accompagnent dans cette fuite avec l'aîné Danny (River Phoenix) et le cadet Harry. Le film s'ouvre sur un escamotage auquel la famille est rompue, les silhouettes d'agents fédéraux aux aguets signifiant un départ précipité. Dans un tel mode de vie impossible de réellement s'attacher à ses rencontres de passage, de s'imprégner de ces résidences provisoire et il faut apprendre à vivre au jour le jour.

 La famille nous apparaît ainsi immédiatement complice et soudée car seul espace où chacun peut réellement être lui-même. La dissimulation, le mensonge et les artifices divers (changement de nom, modification physique) sont traités avec une relative légèreté de ton pour exprimer l'habitude du processus au sein de la famille mais néanmoins l'effet pesant et répétitif de la chose se ressent. Lumet exprime ce malaise avec sobriété, l'amour les unissant mais aussi l'entité collective dominant l'individu empêchant chacun de s'épancher.

Danny, adolescent à l'âge où ses changements incessants sont de plus en plus difficiles à supporter va ainsi devoir prendre son destin en main, détaché des fautes de ses parents. Ce sera d'abord son futur où son talent au piano lui ouvre les portes d'une prestigieuse université, puis son cœur avec un premier amour qui rendrait un nouveau départ encore plus douloureux. Le regretté River Phoenix offre là sa prestation la plus touchante, qui comme celle du Mosquito Coast de Peter Weir (1986) fait grandement écho à sa vie personnelle avec ce héros déraciné.

Sa famille membre de la secte Les Enfants de Dieu vécut une existence nomade en Amérique du Sud entre le Mexique, le Venezuela et Porto Rico avant de rentrer aux Etats-Unis. Il exprime merveilleusement ce sentiment d'être toujours extérieur à son environnement, à des lieues des camarades l'entourant et cette hésitation constante au moment de tisser un lien plus profond donne de formidables séquences. Ce sera d'abord le baiser fougueux qu'il finit par retenir lorsqu'il prend conscience de son abandon avec sa petite amie Lorna (Martha Plimpton) puis lors d'une magnifique scène de confession. C'est cette même libération momentanée qui se ressent lors des scènes où Danny joue du piano, River Phoenix vrai musicien jouant vraiment lors de ses passages.

 Les destins s'entrecroisent avec brio, plaçant les adultes face à leurs contradictions. Dans sa cavale, Annie vit finalement une existence de femme au foyer bien loin de l'exaltation de la cause. Ironiquement, Danny à qui elle a enseigné le piano souhaite effectuer le chemin inverse de fugitif vers une vie qu'elle a fui alors qu'elle était aussi promise à une grande carrière de musicienne. Mais surtout ses anciens choix comme ceux futurs de son fils sont synonyme de longue séparation pour la famille alors éclatée. Le collectif doit-il dépasser l'épanouissement de l'individu ?

L'union familiale doit-elle empêcher chacun de prendre son envol et suivre sa voie ? Ces questionnements sont formidablement amenés par les personnages adultes avec excellente Christine Lahti (nominée à l'Oscar) à la douceur résignée et Judd Hirsch, roc qui dissimule ses peurs sous une détermination sans faille. La confrontation d'Annie avec son père est à ce titre d'une grande force et filmée tout en retenue par Lumet.

Le réalisateur s'efface derrière ses personnages tout en inscrivant discrètement les sentiments qui l’animent dans sa mise en scène, on pense aux déambulations solitaires où River Phoenix est figé au centre d'une nature qu'il observe. La scène finale est amenée avec tout autant de justesse et d'émotion à fleur de peau, ce qui a précédé suffit amplement à faire comprendre la tristesse et la délivrance de cet épilogue.

Sorti en dvd zone 2 français chez Warner

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