Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram
Des hommes sans loi - Lawless, John Hillcoat (2012)
1931. Au cœur de l’Amérique en pleine Prohibition, dans le comté de
Franklin en Virginie, état célèbre pour sa production d’alcool de
contrebande, les trois frères Bondurant sont des trafiquants notoires :
Jack, le plus jeune, ambitieux et impulsif, veut transformer la petite
affaire familiale en trafic d’envergure. Il rêve de beaux costumes,
d’armes, et espère impressionner la sublime Bertha… Howard, le cadet,
est le bagarreur de la famille. Loyal, son bon sens se dissout
régulièrement dans l’alcool qu’il ne sait pas refuser… Forrest, l’aîné,
fait figure de chef et reste déterminé à protéger sa famille des
nouvelles règles qu’impose un nouveau monde économique. Lorsque Maggie
débarque fuyant Chicago, il la prend aussi sous sa protection. Seuls
contre une police corrompue, une justice arbitraire et des gangsters
rivaux, les trois frères écrivent leur légende : une lutte pour rester
sur leur propre chemin, au cours de la première grande ruée vers l’or du
crime.
Quatrième film de John Hillcoat, Des hommes sans loi fait pour
lui figure de vrai baptême du feu hollywoodien. Le réalisateur s’était
fait connaître dans le monde grâce à son formidable The Proposition (2005), transposant le western dans le bush
australien. Ambiance crépusculaire, violence sèche et douloureuse,
tonalité âpre et poétique constituaient tout le sel de ce deuxième film
tardif (après le carcéral Ghosts... of the Civil Dead en 1988).
Dans ses bagages d’anciens clippeur, Hillcoat avait emmené avec lui
Nick Cave (également auteur du scénario), dont les bandes originales
avec son acolyte Warren Ellis constituent une part essentielle de la
majesté des images du réalisateur (ou de celle du fabuleux L'Assassinat de Jesse James d’Andrew Dominik en 2007). Hillcoat débarquait ensuite aux États-Unis
pour signer l’adaptation du classique moderne de Cormac McCarthy, La Route (2009). Même si les aficionados du roman y trouveront forcément toujours à redire, La Route
s’avérait une nouvelle fois un objet singulier par le profond désespoir
ressenti, la désolation et l’atmosphère grisâtre qui l’imprégnaient.
Hillcoat se frotte donc de manière plus marquée au moule hollywoodien avec Des hommes sans loi,
croisement de western et de film de gangster bien plus direct dans les
genres qui l’illustrent, et qui ajoute la contrainte d’être adapté de
faits réels. L’histoire transpose le combat que se livrèrent les frères
Bondurant et la police durant la Prohibition. On retrouve ici tous les
atouts des précédents films d’Hillcoat mais quelque peu lissés sur
l’autel du classicisme. Pas vraiment un défaut en soi, Hillcoat se
pliant aux contraintes de son matériau pour y distiller sa patte de
manière plus diffuse afin de ne pas le dénaturer. Pour cela, il s’appuie
sur un formidable casting où la relation fraternelle du trio de héros
constitue le ciment émotionnel du film. Revenus de tout, les imposants
et charismatiques grands frères Forrest (Tom Hardy) et Howard (Jason
Clarke) écartent de leur vie de hors-la-loi trafiquants d’alcool leur
cadet Jack (Shia LaBeouf), qui n’aura pas eu le loisir de s’endurcir
lorsque surgit la terrible menace de l’agent Charlie Rakes (Guy Pearce),
bien décidé à les faire tomber.
S’il y a un vrai sous-texte politique dans le script de Nick Cave
(l’hypocrisie morale de l’interdit, la police souhaitant simplement
contrôler le marché de l’alcool de contrebande), c’est vraiment l’humain
qui intéresse. L’impulsif Jack cherchant à trouver sa place devra
s’aguerrir et trouver cette sérénité qui constitue la force de ses
frères lorsqu’ils doivent laisser éclater leur violence. Pour Forrest,
c’est le chemin inverse, où le masque insensible devra s’adoucir, à
l’image de la séduction muette avec Jessica Chastain - cette dernière
devant prendre les choses en main face à l’étonnante timidité du dur à
cuire dans une des plus belles scènes du film. Shia LaBeouf rassure
quant à son talent pas noyé dans les Transformers, tandis que Tom Hardy confirme par son magnétisme le fait d’être le meilleur représentant actuel de cette race disparue d’acteur viril qui en impose - ce que sa future reprise du rôle de Mad Max devrait confirmer.
On perd un peu de la profondeur des précédents Hillcoat pour une
efficacité au service des tempéraments explosifs des protagonistes. La
violence est brutale et révoltante des deux côtés, apportant une pointe
d’ambiguïté discrète (le passage à tabac de Jack, la vengeance de
Forrest sur ses agresseurs). Ce sont cependant bien les codes classiques
du western moderne qui dominent, notamment dans l’excellent final et via
le personnage du méchant incarné par Guy Pearce. Du travail bien fait
en somme, en espérant d’Hillcoat un vrai film plus surprenant pour la
suite de ses pérégrinations américaines.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire