Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram
Le bizarre et presque inquiétant
Monsieur Hire est soupçonné, à tort, d'un crime. C'est la belle Alice
dont l'amant est en réalité le coupable qui, profitant de l'admiration
que lui voue monsieur Hire, fait dévier les soupçons sur lui. La foule
déchaînée traque l'innocent qui se réfugie sur les toits d'un immeuble
d'où il glisse et se tue. La découverte d'une photo qu'il portait sur
lui révèle qui est l'assassin.
Premier film réalisé en France durant l'après-guerre par Julien Duvivier, Panique
s'avéra un retour compliqué pour le réalisateur avec un cuisant échec
publique et critique. Tous les éléments du réalisme poétique qui firent
le succès de Duvivier avant-guerre sont pourtant là avec ce cadre
populaire gouailleur, une certaine dimension féérique dans l'usage du
décor réaliste et factice à la fois avec cette fête foraine avoisinante
et le magnifique personnage maudit qu'est Monsieur Hire. Alors que
malgré ses élans de noirceur (ou de positivisme pour la période du Front
Populaire) le genre exaltait des valeurs nobles et un certains
romantisme, Duvivier inverse ici le propos avec ce film incroyablement
âpre et désabusé sur la nature humaine où il adapte très librement Les Fiançailles de M. Hire de Georges Simenon.
Dès
la scène d'ouverture et par un zoom bien senti alors que la caméra
balaie le paysage urbain de ce petit quartier, Duvivier isole son
étrange Monsieur Hire (Michel Simon) du reste de la population. La
symbolique sera plus lourdement appuyée quelques scènes plus tard le
temps d'une partie d'auto-tamponneuses où l'ensemble des participants
s'acharnent sans raison. Que reproche-t-on exactement à Monsieur Hire ?
Comme on l'apprendra durant l'histoire, une suite de déceptions l'ont
rendu quelque peu misanthrope et amené à nourrir bien peu d'attente
quant à son prochain. Duvivier a une idée de génie en confiant le rôle à
Michel Simon qui s'il confère certes une certaine étrangeté au
personnage, l'isole des autres plus par son détachement presque hautain
que d'une vraie excentricité (ce vers quoi penche un peu plus la version
de Patrice Leconte avec le physique de Michel Blanc).
Conscient d'être
entouré de médiocres, Monsieur Hire entretient le strict minimum
d'échanges avec son entourage qui ainsi méprisé entretient une méfiance,
une rancœur puis une haine aveugle à cet homme qui ignore avec eux les
civilités banales qu'ils ne méritent pas. Le background du Hire incarné
par Simon bien plus flamboyant et romanesque que chez Simenon accentue
cette supériorité. Omniscient, mystérieux et bienveillant avec les âmes
innocentes (ses seuls élans de gentillesse iront vers une petite fille
voisine de palier occasionnant d'autres accusation douteuses à son
égard) et ayant besoin de protection.
C'est ironiquement en
descendant de sa tour et en cédant à ses sentiments que Hire causera sa
perte. Lorsqu'un meurtre est commis dans le quartier et que tous les
soupçons se tournent tout naturellement vers lui, Hire ne pense qu'à
sauve Alice (Viviane Romance) jeune fille perdue et amoureuse du voyou
et vrai assassin Alfred (Paul Bernard) pour lequel elle a déjà fait de
la prison. Michel Simon humanise magnifique ce personnage si détaché par
sa passion inattendue alterne avec brio les registres de de protecteur
charismatique, silhouette taciturne et amoureux éperdu émerveillé de
recevoir enfin une même affection en retour. Vivian Romance inoubliable
graine de discorde de La Belle Équipe
est-elle parfaite de sensualité et d'ambiguïté.
Son regard lors des
échanges avec Simon trahit une constante hésitation entre réelle
manipulation et affection naissante pour ce drôle de bonhomme mais entre
l'amour innocent du monde plus vaste qu'est prêt à lui offrir Monsieur
Hire et les étreintes plus brutales et la fange de la rue incarné par
Alfred, elle fera constamment les mauvais choix. La vision du monde des
films du réalisme poétique en prend un coup (ironiquement c'est ceux incarnant l'image d'un certains romantisme typique au départ qui seront les éléments négatifs) et ce sera d'autant plus
significatif lorsque Duvivier montrera les bas-instincts et l'effet de
groupe aboutir au drame final.
Là on voit la haine ordinaire et
l'effervescence de la violence s'étendre comme une traînée de poudre,
d'abord insidieusement par le poids de la rumeur (et la lâcheté des
individus isolé incapable de tenir tête à Hire) puis ayant trouvé un feu
où se nourrir avec de fausses preuve par des scènes surréalistes la
distraction de la foule vient de l'attente puis du lynchage d'un
innocent, où la hardiesse des lâches s'exprime en brutalisant à
plusieurs un homme seul.
Toute la sophistication mise en place auparavant pour exprimer ce sentiment explose lors d'un impressionnant morceau de bravoure sur les toits, théâtre des regards furtifs entre Hire et Alice par fenêtre interposées et synonyme de danger et de mort en conclusion. Le constat final est d'un pessimisme terrible,
Duvivier enfonçant le clou après la tragédie finale en ne nous montrant
même pas à l'écran la justice rétablie. A la place, une tonitruante fête
foraine tandis qu'on distingue une ambulance dont on connaît le
malheureux occupant s'éloigner au loin.
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