Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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mardi 12 février 2013

Caravan - Arthur Crabtree (1946)


A Londres, à la fin du XIXe siècle, le jeune écrivain Richard Darell porte secours à Don Carlos, un riche espagnol, qui vient de se faire agresser. Richard lui explique que pour épouser Oriana, la femme qu'il aime, il doit trouver un travail avant que l'année ne soit écoulée. Don Carlos lui propose un marché : si Richard accepte de convoyer des bijoux en Espagne, il publiera son livre. Laissant Oriana seule avec un soupirant peu scrupuleux, Richard s'embarque pour l'Espagne...

Caravan est un virevoltant mélodrame Gainsborough avec tous les excès et dérapages non contrôlés si typique de la maison de production. Le film adapte le roman éponyme d’Eleanor Smith paru en 1942. Eleanor Smith avait donné ses lettres de noblesse au mélo Gainsborough avec l'adaptation de The Man in Grey de Leslie Arliss qui posait les bases du genre avec ses intrigues à tiroirs, ses rebondissement inattendus, sa dose de provocation teinté d'érotisme et ses méchants odieux. Sans être aussi réussi que The Man in Grey , Caravan est un divertissement de haute volée où l'on goutte sur pellicule aux plaisirs simple du roman feuilletonesque du XIXe. Les revirements incessants de l'intrigue, dans le ton comme dans les genres contiennent au moins la matière à quatre films et si l'on a parfois un sentiment de trop plein, la surprise est constante.

Richard Darell (Stewart Granger) est un jeu écrivain sans le sou qui va porter secours à Don Carlos victime d'une agression dans un Londres nocturne. Don Carlos reconnaissant décide en savoir plus sur son bienfaiteur qui lui raconte son histoire. On découvre donc en flashback l'enfance de Darell, enfant pauvre amoureux d’Oriana (Anne Crawford) fille de bonne famille avec qui il va se lier sous le regard jaloux de son rival nanti Sir Francis Castleton (Dennis Price). S'étant promis un amour éternel malgré leur différence de classe, Darell devenu adulte promet de se faire une situation d'ici un an afin de convoler avec Oriana.

Don Carlos lui en offre l'opportunité en remerciement en lui confiant la livraison d'un collier de grande valeur en Espagne en échange de la publication de son livre mais Francis est bien décidé à l'en empêcher et épouser Oriana qu'il convoite également. A ce stade, on croit voir venir la suite avec les embûches sur la route de Richard qui parvient à les surmonter et arrive de justesse avant les noces avec le méchant. Mais nous sommes chez Gainsborough et ce ne sera pas si simple loin de là, l'intrigue effectuant de rocambolesque détour et nos héros endurant mille souffrances avant le happy end attendu.


 Après un début lorgnant sur l'aventure romanesque avec Richard avançant à fier allure vers son destin, tout vole en éclat. Un triangle amoureux s'instaure avec une vénéneuse danseuse gitane jouée par Jean Kent, notre héros devient amnésique oubliant sa belle qui elle le croyant mort épouse le grand méchant par désespoir, Granger lui-même épousant sa gitane lorsqu'il l'apprend!


 On pourrait décrocher face à tant d'excès mais comme toujours chez Gainsborough l'absence d'ironie, la puissance du récit et la conviction des acteurs fait parfaitement tenir l'ensemble. Stewart Granger en jeune premier romantique et fougueux est parfait et Jean Kent sensuelle en diable (les danses provocantes, les robes de gitanes quasi transparentes et cette nage nue dans un lac) porte totalement la force émotionnelle du film. Amoureuse éconduite puis choisie par défaut, elle irradie l'écran par sa fougue passionnée, tout à tour jalouse colérique puis totalement dévouée à son homme qu'elle va sauver plus d'une fois.

C'est elle qui fait exister le couple romantique un peu niais au départ formé par Granger et Anne Crawford qui ne fonctionne vraiment qu'une fois dévoré par la rancœur dans la dernière partie où les échanges se font plus passionnés. Dennis Price en méchant prend ici le relai de James Mason villain emblématique de la Gainsborough qui là de cet emploi est parti à Hollywood.

Price n'a pas la présence physique de Mason mais tire son épingle du jeu avec un savant mélange de couardise, suavité et perversion pour ce Francis précieux et jamais à cours de ressources diaboliques pour piéger ses ennemis. Il forme un mémorable duo avec Robert Helpmann (dont on se souvient plus du rôle de danseur et chorégraphe dans Les Chaussons Rouges et Les Contes d'Hoffmann), homme de main chétif mais tout aussi veule et calculateur.

Arthur Crabtree même s'il a signé pour le studio des œuvres plus folles (l'ovni psychanalytique Madonna of the seven moons) ou dramatiquement plus intense (le poignant et cruel There were sisters avec James Mason en mari tyrannique) offre quand même une sacrée extravagance à l'ensemble.

L'action est brutale et sanglante (l'embuscade dont est victime Granger), les situations équivoques (Dennis Price qui s'avère un sacré pervers collant des mains aux fesses aux servantes, la dualité entre l'amour courtois d'Anne Crawford et celui torride de Jean Kent), la cruauté et le sadisme sans limite.

On se souviendra ainsi longtemps de la course poursuite finale où Crabtree se délecte de la mort lente et atroce du méchant (qui ne l'a pas volé) et un Granger le molestant sévèrement avant de l'achever involontairement. Visuellement c'est éclatant entre extérieurs grandioses et décors studios et costumes respirant le luxe rococo dans une Espagne de pacotille et très bande dessinée. Un peu trop long et partant trop dans tous les sens certes mais toujours aussi délirant et excessif, vive la Gainsborough et ses mélos too much !


Sorti en dvd zone 2 anglais au sein du copieux coffret ITV consacré à Stewart Granger plusieurs fois évoqué ici et doté de sous-titres anglais

Extrait mais pas sur la bande son du film

1 commentaire:

  1. En visionnant le film j'ai découvert la prestation "énergique" de la Française Sylvie St Clair, qui joue la servante subissant les avances de Francis. Il y a une erreur au générique, elle ne se prénomme pas Marie, mais Célestine.
    Elle sera ensuite présentatrice à la BBC puis à NY sur la chaîne WABD. Elle a aussi enregistré quelques disques 78 trs dont https://youtu.be/fqo-dL_tjdU

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