Le célèbre Edgar de la Cambriole est un
voleur virtuose. Accompagné de son ami Jigen Daisuke, il parvient à
dérober le coffre-fort du casino de Monte-Carlo à bord d'une Fiat 500.
L'euphorie des deux compagnons face à cette réussite laisse place au
désarroi lorsqu'ils réalisent que tous les billets sont faux. Il s'agit
de la Goat Monnaie. L'intuition d'Edgar le mène, lui et Jigen, à la
petite principauté de Cagliostro, soupçonnant le comte de Cagliostro
d'être à l'origine de la fabrication de cette fausse monnaie. En route
ils viennent en aide à une jeune fille poursuivie par des hommes armés.
Ces hommes ne sont autres que les hommes de main du comte. La jeune
fille est en réalité une princesse, elle est capturée et enfermée dans
la plus haute tour de l'immense château du méchant comte.
Hayao Miyazaki signe un éclatant coup de maître avec cette première réalisation cinéma où il s'affranchit magnifiquement d'une commande et dévoile déjà des motifs majeurs de ses classiques à venir. A l'époque, Miyazaki ronge son frein depuis de longue années déjà au sein de la production d'animation japonaise à travers de nombreuses séries télé, cadre où son exigence technique, son imagination et les grands thèmes qui l'habitent déjà ne peuvent bien sûr pas s'exprimer pleinement. Cette période s'avère néanmoins formatrice par les voyages en Europe qu'il effectue pour des repérages (dans le cadre des World Masterpiece Theater toute cette grandes vagues de série de la fin 70's et début 80's inspirés de classique de la littérature enfantine occidentaux) qui façonnent son esthétique et également par les échelons que son talent lui permet de gravir rapidement au sein des équipes technique.
La
récompense arrive ainsi en 1978 lorsqu'il obtient la réalisation et la
conception de la série Conan, le fils du futur, sorte de brouillon de Nausicaa (1984) et surtout du Château dans le ciel
(1986) qui durera 26 épisodes. Sur la série, il exige la présence du
directeur de l'animation Yasuo Ōtsuka qui à l'époque bouleverse
également les standards rigides de l'animation japonaise dans son
travail pour la télévision notamment sur la série Lupin III (Edgar détective cambrioleur). Miyazaki lui est ainsi redevable et lorsque la production du second film dérivé de la série Lupin III se trouve dans l'impasse il accepte d'en assurer la réalisation pour dépanner son ami.
Au
départ cette adaptation d'un manga et série à succès ne semble pas être
un projet très gratifiant et motivant pour Miyazaki. Pourtant le
cocktail d'aventures et d'humour échevelé et l'inspiration européenne du
personnage (Lupin III est le descendant d'Arsène Lupin mais des
problèmes juridiques avec les descendants de Maurice Leblanc n'autorise
l'usage du nom qu'au Japon et donc rebaptisé Edgar lors de la diffusion
de la série en France) entre pleinement dans les préoccupations d'alors
de Miyazaki.
En étant bien conscient, le réalisateur également auteur du
scénario s'approprie totalement le personnage et son univers en opérant
un mariage réussi entre la décontraction et l'humour du matériau
original qu'il tire vers une tonalité de conte. Le manga et la première
série avaient ainsi un ton très adulte et réaliste qui s'estompe ici au
profit d'une ambiance plus onirique, enfantine mais tout autant
imprégnée de gravité.
Tout le film semble d'ailleurs une lente
progression du Edgar rigolard, plein d'assurance et fougueux vers une
introspection et un romantisme de plus en plus prononcés. La scène
d'ouverture nous montre ainsi une course poursuite typique de la série
avec Edgar et son complice Jigen filant à toute allure après avoir
dévalisé un casino. Problème les billets issus du butin bien que très
réalistes sont faux et Edgar décide de remonter la piste des faux
monnayeurs à sa source supposée, la principauté de Cagliostro. Le
scénario oscille ainsi constamment entre péripéties enlevées avec les
tentatives d'Edgar de s'introduire dans le château de Cagliostro et un
ton plus grave quant aux raisons qui motive notre héros avec le
sauvetage d'une princesse prisonnière et liée à son passé.
Miyazaki
emprunte grandement au Roi et l'oiseau
quant à l'esthétique majestueuse du château et dans certaines
péripéties lorsqu'Edgar se trouve piégé dans les tous-terrains ou encore
la palpitante évasion aérienne (et l'occasion de découvrir son
attirance pour les machines volantes). Ce côté européen se manifeste
aussi dans la sophistication apportés aux intérieurs du château avec ses
lustres, statues et tableaux témoins du raffinement de l'infâme Comte
de Cagliostro. A l'inverse quant Edgar s'introduira dans la geôle de
Clarisse Miyazaki apporte au décor une forme de dépouillement à la
Moebius (autre grande influence plus manifeste sur le suivant Nausicaa) isolant les personnages dans une très belle séquence intimiste.
L'ensemble est baigné dans une naïveté qui humanise grandement Edgar, archétype de ces héros baroudeurs et insouciant (à la Cobra
dont l'excellent film cinéma d'Osamu Dezaki prendra le même parti pris
mélodramatique de fragiliser son héros habituellement indestructible)
apparait étonnamment vulnérable ainsi confronté à ses souvenirs.
Miyazaki se montre d'ailleurs connaisseurs et brillamment cohérent avec
l'œuvre de Maurice Leblanc puisque le roman La Comtesse de Cagliostro en narrant la première aventure d'Arsène Lupin y montrait un
gentleman cambrioleur bien plus faillible, celui-ci étant paru après les
volumes montrant le personnage à son zénith.
Dans cette atmosphère
étrange, l'inquiétude peut ainsi se manifester dans des scènes
déroutantes telle cette incursion macabre dans les sous-sols du château
jonchés de squelettes ou encore les apparitions spectrales de l'armée de
ninjas de Cagliostro. L'ambiance se fait plus oppressante, Edgar
finalement dépassé avant un attendu triomphe final et le film n'en est
que plus imprévisible et captivant.
Miyazaki rend sa vision d'Edgar plus
innocente et à la fois plus grave que le manga de Monkey Punch pour un
film d'aventures grandiose où il dissémine toutes les pistes de ses
réussites à venir esthétiquement comme narrativement : la poursuite en
voiture façon Sherlock Holmes au début, le secret héréditaire de
Clarisse qui rappelle celui de Shiita dans Le Château dans le ciel,
l'arrivée aux ruines qui rappelle celle à Laputa dans Le Château dans le ciel
encore... Les pleins pouvoirs et l'autonomie de Ghibli sont encore loin
(Miyazaki retournant même réaliser quelques épisodes tv de Lupin 3
l'année suivante) mais Miyazaki montre déjà un brio et une inspiration
de haut vol avec ce premier film.
Sorti en dvd zone 2 français et bluray chez Kaze
Le seul Miyazaki que je n'ai pas (encore) vu... Étant donné ton papier et combien j'adore ce réa, je crois que ça ne va pas durer bien longtemps :)
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