Le publiciste Roger Thornhill se
retrouve par erreur dans la peau d'un espion. Pris entre une mystérieuse
organisation qui cherche à le supprimer et la police qui le poursuit,
Thornhill est dans une situation bien inconfortable. Il fuit à travers
les Etats-Unis et part à la recherche d'une vérité qui se révèlera très
surprenante.
Après l'échec commercial de
Vertigo (1958) et avant de faire sa révolution avec le glaçant
Psychose (1960), Alfred Hitchcock s'offrait avec
North by Northwest
à la fois un condensé et une apogée du thriller "hitchcockien" tel
qu'il avait contribué à le définir. Tout le projet naît d'ailleurs de
cette idée de livrer le Hitchcock ultime et définitif, le réalisateur
collaborant au départ avec le scénariste Ernest Lehman sur une adaptation du roman de Hammond Innes
The Wreck of the Mary Deare (finalement réalisé par Michael Anderson avec Gary Cooper sous le titre
Cargaison dangereuse
en vf). Lehman peu inspiré avoue à Hitchcock qu'il piétine sur le
script mais ce dernier satisfait de leur travail en commun lui propose
de travailler sur une autre histoire à l'insu de la MGM à laquelle ils
proposeront le nouveau scénario entamé. Lehman a ainsi l'ambition de
signer "the Hitchcock picture to end all Hitchcock pictures".
Plutôt
qu'un script classique, Lehman doit au départ broder son intrigue autour
de morceaux de bravoure rêvé d'Hitchcock vers laquelle la future
intrigue devra mener, une approche moderne qui fera des émules (les 2 premiers
Indiana Jones se sont fait de la même manière). On trouvera tout d'abord l'idée d'un meurtre
commis aux Nations Unies et le fameux final sur le Mont Rushmore
auxquels s'ajoutera le périlleux rendez-vous en rase campagne où le
héros sera pourchassé par un avion. Sur ses bases Lehman écrira une
brillante histoire d'espionnage qui constitue un digest parfait de
grande réussites Hitchcockienne passée : l'innocent accusé à tort
pourchassé et cherchant à prouver son innocence (
Les 39 Marches,
Le Faux coupable,
La Loi du silence et bien d'autres...), l'espionne fragile plongée dans la fosse aux lions (
Les Enchaînés),
sans parler des péripéties renvoyant à des œuvres antérieures
(l'alternance suspense/séduction dans le train façon
Une femme disparait, le découpage du vertigineux final renvoyant autant à
Vertigo qu'à
La Cinquième colonne entre autres).
Tout
cela tournerait au vide auto référentiel si ces personnages et
situations archétypaux du Maître du Suspense n'étaient si brillamment
incarnés. Cary Grant en quidam plongé dans la tourmente est absolument
parfait de charme, d'aisance et de bagout avec cette maturité en plus
estompant son côté clownesque et en faisant un solide héros d'action
(Ian Fleming pensait à lui en créant le personnage de James Bond -la
série devant énormément à
La Mort aux trousses
au passage- et lui proposera même le rôle que Grant refusera car
s'estimant trop vieux).
Suave et menaçant, James Mason en dépit d'une
présence espacée est un méchant mémorable formidablement secondé de
Martin Landau, bras armé glacial et possiblement amoureux de son patron
comme le suggérera subtilement un dialogue.
Quant à Hitchcock, il allie
l'assurance du vieux briscard sûr de sa force et de ses effets avec la
fraîcheur des premières fois. Le sens du rythme est bluffant (
Les 39 marches
la frénésie en moins, voir l'a longue attente lourde de menace avant
l'attaque d'avion) avec un montage percutant mettant bien en valeur une
intrigue rebondissant avec inventivité d'une situation, d'un cadre à un
autre et faisant ainsi ressentir cette écriture faite autour de moments
forts tout en parvenant toujours à les justifier et à les rendre
impliquant émotionnellement.
Ce miracle s'accomplit grandement
grâce au personnage d'Eva Marie Saint, pivot émotionnel du récit.
Hitchcock en fait une de ses blondes glaciales et séductrices typique
lors de l'échange dans le train, les dialogues à double sens, les
regards provocants et assurés laissent place à des scènes à l'élégante
sensualité où la complicité avec Grant est palpable (tout en laissant
une délicieuse ambiguïté sur la nature de la nuit commune pour
l'encombrant Code Hays).
Cette froideur calculée s'effrite
progressivement grâce à la prestation subtile de l'actrice où un geste,
une moue ou un regard trahira la duplicité, le regret et les sentiments
naissants (les retrouvailles dans la chambre d'hôtel, la scène de vente
aux enchères). La figure de la blonde séductrice devient ainsi peu à peu
incarnée et poignante dans son destin cruel (révélé par un brillant
rebondissement), le personnage reflétant en fait le film entier.
L'horlogerie suisse à suspense savamment calculée devient une histoire
d'amour aussi belle que celle des
Enchaînés,
le fugitif Cary Grant ne cavale plus seulement pour nourrir le simple
plaisir de la péripétie et l'haletante séquence du Mont Rushmore ne
s'admire pas seulement pour sa virtuosité (maîtrise du matte painting,
découpage au cordeau, décor studio impressionnant) mais parce que l'on
vibre pour les personnages.
Hitchcock l'a bien compris, ne
s'embarrassant pas d'explications et d'un épilogue superflu pour
seulement réunir son couple par une merveille d'ellipse finale et une
ultime provocation avec ce plan de train s'engouffrant dans un
tunnel dont le sens n'aura échappé à personne. Après nous avoir offert
son thriller classique définitif, le Maître de Suspense allait pouvoir
nous secouer dans une approche plus novatrice avec le plus rugueux
Psychose.
Sorti en dvd zone 2 français et dans un très beau bluray chez Warner
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