Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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jeudi 18 juillet 2013

A Day in the Life: Four Portraits of Post-War Britain - John Krish (2010)


Un film qui révèle un des secrets les mieux gardés du cinéma anglais à savoir la carrière de John Krish, documentariste de films institutionnels emblématiques et auquel il parvint à donner un ton personnel en dressant un vrai portrait de l'Angleterre d'après-guerre dans diverses couches de la population. Le réalisateur contribua à lancer également quelques futures grandes figures du cinéma anglais comme Karel Reisz ou encore Kevin Brownlow qui fut son monteur. A Day in the Life rassemble quatre de ses documentaires parmi les plus brillants, réalisés entre 1953 et 1964, période où il s'associa au producteur Leon Clore au sein de sa compagnie Graphic Films.

 The Elephant Will Never Forgets (1953)


Ce film est la seule œuvre de Krish passée réellement à la postérité et dont le souvenir reste vivace dans la population anglaise, ayant souvent été rediffusé et récompensé à l'époque. C'est une commande du British Transport Films (entité fondée en 1949 de la British Transport Commission destiné à produire des films pour la compagnie et qui fit débuter de nombreux jeunes réalisateurs) destiné à narrer la fin d'activité de la ligne de tramway londonien. A l'origine le film est uniquement destiné à être une courte pastille de cinq minutes, mais John Krish sent que l'enjeu est beaucoup plus vaste qu'une simple fin d'exploitation du moyen de transport.

C'est une partie de l'histoire de la ville qui disparait avec ce tramway, histoire passée avec ce vieux couple dont la caméra de Krish accompagne la complicité et les sourires lors de ce dernier trajet et histoire récente plus douloureuse lorsque le tramway traverse des zones bombardées lors du Blitz et pas encore reconstruites. La voix off pleine d'emphase de Brewster Mason capture bien cet état d'esprit et l'émotion de cet instant est encore souligné par la belle utilisation du standard Riding on the top of the car sur lequel s'appuie la musique d'Edward Williams.

Le soucis pédagogique est également constant dans la description de ce savoir-faire amené à disparaitre, le travail de chacun étant minutieusement dépeint avec une pointe d'émotion lorsque la voix off s'immisce dans les pensée du conducteur pour lequel tout va changer dès le lendemain. Le tout s'achève dans une belle communion lorsque les londoniens viennent la nuit venue faire leurs adieux au dernier tram pénétrant au New Cross Depot et piloté par le ministre des transports. Un très beau moment qui donne un peu le sentiment d'avoir un instantané de l'Angleterre si souvent dépeinte dans les films de Terence Davies.

 They Took Us to the Sea (1961)

On touche là à la spécialité de John Krish qui fut souvent sollicité par l'éducation nationale ou les associations pour enfant (justement ici il s'agit de la National Society for the Prevention of Cruelty to Children) pour filmer les premiers émois enfantins ou adolescents dans le cadre scolaire ou en dehors. Ici il accompagnera la sortie de gamins de Birmingham quittant leurs grisailles le temps d'une journée pour se rendre à la mer. On voit toute l'évolution de Krish par rapport à The Elephant Will Never Forgets (dont la plus courte durée et le thème imposé était plus restrictif) puisqu'ici il est beaucoup moins directif et plié à une narration classique. On est ici plus proche d'un naturalisme et d'une fraîcheur annonçant le Free Cinema (dont Krish fut pourtant un farouche opposant) avec cette voix-off enfantine très diffuse et candide, ne surlignant jamais l'émotion qui naît essentiellement des images de ses enfants excités, impatient et finalement émerveillé par ce périple qui constitue pour eux une grande aventure (le score enjoué de Jack Beaver aurait fait une bande-son idéale pour une adaptation de Tom Sawyer ou Huckelberry Finn).

Quelques inserts sur leurs quartiers austères suffiront en plus de leurs réactions pour saisir à quel point cette sortie leur fait échapper à leur quotidien et de l'urgence de la gare au petit matin, au repas complices en passant par les jeux divers et variés sur la plage (beaux moment lorsque les jeunes citadins enfourchent hilares des ânes) Krish saisi avec une belle sobriété le panel d'émotions de ces protagonistes en culottes courtes mais aussi de la satisfaction des adultes de leurs offrir ce moment. La beauté (et un souci formel permanent particulièrement dans celui-ci où la photo est partagé par trois chefs opérateur) de ces lieux n'aura jamais semblé plus palpable que par l'enchantement ressentis par ses enfants semble nous dire John Krish en revenant filmer ce décor vide et désolé sans l'agitation et les rires de ses visages poupins. Par sa liberté de ton et sa respiration, Krish révolutionnait ce type de film institutionnel si didactique habituellement.

 Our School (1962)

Ce film est une commande de la National Union of Teachers qui suite à la réussite de I want to go to school en 1959 (où Krish posait ses caméras au sein d'une école primaire et disponible en bonus sur le dvd) sollicita à nouveau John Krish pour promouvoir la nouvelle politique d'enseignement en cours. On découvre donc ici une nouvelle forme d'établissement avec cette école faisant à la fois office de collège et de lycée, où l'enseignement se partage entre formation classique et professionnelle (tâches ménagères pour les filles, mécanique pour les garçons) et supposés accompagner avec plus d'attention les élèves en difficultés.

Une nouvelle fois, la voix-off est réduite au strict minimum (en début et fin de film) pour privilégier les moments isolés où Krish excelle à saisir les tranches de vie futiles mais essentielles (le réfectoire, les cours de sport, les classes turbulentes) comme celles plus cruciales où les attentes et interrogations des adolescents restent finalement les mêmes. Les aspirations à la vie adulte sont encore incertaines (voir le moment où les jeunes filles en passe de quitter l'école expriment de leur vision de la vie de couple et du fait de fonder un foyer assez significatif de l'époque) et où ils n'ont pas encore appris à se situer tel cette discussion passionnante où le un professeur interrogent ses élèves sur les différences de langage entre eux et avec les adultes, les incitant à se tirer vers le haut en tenant constamment une expression soutenue.

John Krish parvient à se faire oublier par un dispositif sobre à deux caméras (une arpentant la classe et captant les émois des élèves à divers moments et l'autre sur le professeur) et toujours saisir un échange, un sourire ou une moue inattendue avec un naturel confondant. Une vision de la jeunesse anglaise qui va au-delà de la commande avec brio.

 I Think They Call Him John (1964)

Sans doute le film le plus salué du documentaire par la critique anglaise. On quitte la jeunesse pour cette fois se plonger dans le quotidien morne et solitaire du retraité John. Veuf, sans enfants ni famille proche, John n'a plus pour lui que ses souvenirs de vétérans et de son épouse disparue dont les photos ornent l'appartement. Si le protagoniste est indiscutablement très émouvant, on a tout de même le sentiment d'être un peu plus manipulé et dirigé que dans les œuvres précédentes. La capture du quotidien parait très artificielle (on voit notre retraité se réveiller, se lever, se raser, se préparer son petit déjeuner dans un semblant de temps réel qui sonne faux), la dramatisation très appuyée voire entièrement dictée par la voix off et le montage lourd de sens (insert sur les photos de l'épouse disparue, les médailles de guerre) et la manière de filmer John avec ces regards las vers l'extérieur à travers sa fenêtre. Le protagoniste possède un vrai visage cinématographique et on saisit tous ce que son mal-être semble signifier pour la société anglaise (oubli du passé, des valeurs, des anciens combattants, la solitude de la vieillesse) mais tout ce qui nous y amène est un peu trop manipulateur dans son émotion.

Une très belle réussite donc et vrai et poignant portrait d'une époque.

Sorti en bluray et dvd zone 2 anglais par la BFI et doté de sous-titres anglais

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