Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram
Vincent Malloy est un petit garçon de 7 ans, qui n'a qu'un seul rêve : être Vincent Price, acteur à la voix ténébreuse coutumier des films d'épouvante. C'est ainsi que sous son apparence d'enfant bien élevé, c'est un grand amateur de la littérature d'Edgar Allan Poe et rêve de transformer son chien en zombie, faire de sa tante une poupée de cire et délivrer son épouse, enterrée vivante.
Premier film « professionnel » de Tim Burton (les œuvres adolescentes The Island of Doctor Agor, relecture de L’Île du Docteur Moreau et Doctor of Doom auront précédé, ainsi que son film d’étudiant Stalk of the Celery Monster) Vincent s’affirme d’emblée comme un de ses plus personnels. C’est alors une époque de confusion pour Disney sur le déclin et qui patine sur la direction artistique à opter.
Cette période donnera des œuvres à l’esthétique et à la tonalité surprenantes comme le film de SF Le Trou noir (1979), l’heroic fantasy ténébreuse du Dragon du lac de feu (1981) ou encore le dessin animé Taram et le chaudron magique (1985). Tous seront des échecs commerciaux retentissant mais sont la preuve que Disney en crise laisse à cette époque les talents personnels s’exprimer afin de se relancer. Tim Burton bénéficie donc de ce contexte en se voyant confier ce court métrage en forme de carte de visite.
Conscient d’abriter un talent unique, les exécutifs Julie Hickson et Tom Wilhite vont lui donner ce petit espace pour s’exprimer. Visuellement, tout Burton est déjà là, avec nombre de partis-pris forts. Le noir et blanc, l’esthétique gothique ténébreuse et la tonalité de film muet montrent déjà l’influence de l’expressionnisme allemand chez lui, qui s’épanouira pleinement au sein de la Gotham City de Batman (1989).
Le paisible pavillon familial plié aux pensées morbides de Vincent prend alors des atours oppressants par un jeu d’ombres splendide, où la seule source de lumière est notre héros éclairé dans les ténèbres pour signifier son isolement d’avec le monde qui l’entoure. Le choix de l’animation image par image avec ces mouvements saccadés accentue le lien avec le muet et la direction artistique, à mi-chemin entre tradition gothique et une tonalité plus décalée, fait merveille. Ainsi à travers les fantasmes de Vincent, de grandes figures du fantastique ressurgissent, notamment Frankenstein lorsqu’il rêve des expériences auxquelles il soumettrait sa tante ou son chien (le compagnon canin, une figure constante des œuvres à venir).
Ces facettes référentielles et personnelles fusionnent dans ce qui est le cœur du film : la figure de Vincent Price et son identification par Vincent/Tim Burton. Burton ne fait qu’un avec son héros et l’isolement, le refuge dans l’imaginaire qu’il exprime à travers lui est celui des siens, bien réels durant cette enfance et adolescence ingrates, où il s’est toujours senti marginal. Vincent est donc une grande œuvre sur la solitude et l’impossibilité du « freaks » à se mêler au monde réel, à avoir une vie normale (symbolisé par la réprimande de la mère l’obligeant à aller jouer dehors).
Burton use du prisme du cinéma pour dévoiler cette part de l’intime grâce à Vincent Price et Edgar Allan Poe. Price fut surtout reconnu pour ses interprétation dans les adaptations de Poe signés Corman et les références sont nombreuses entre La Chute de la Maison Usher ou Le Corbeau qui semble avoir inspiré la narration en vers de Vincent. Cerise sur le gâteau pour le jeune réalisateur, c’est son idole Vincent Price en personne qui viendra assurer la voix-off maniérée du film.
Tout Burton est déjà là (notamment Beetlejuice) et particulièrement certains éléments de sa future filmographie liée à l’animation : on entraperçoit ainsi Jack Skellington mais aussi le visage de Victoria future fiancée des Noces Funèbres. Malgré toutes ses qualités, la noirceur de Vincent effraiera les cadres de Disney, ramenant Burton à sa modeste condition. Ils lui laisseront une seconde chance avec un autre court live cette fois, Frankenweenie (relecture canine du mythe de Frankenstein) pour le même résultat brillant et le même accueil dubitatif. En tout cas ses 5 minutes sont plus précieuses que toute sa filmographie des années 2000.
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