Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram
Le Coup de l'escalier - Odds Against Tomorrow, Robert Wise (1959)
Dave Burke, ancien policier viré injustement, décide de préparer un casse dont le plan semble facilement réalisable. Pour cela, il a besoin d’Earle Slater, un ancien soldat ne réussissant pas à retrouver sa place dans la société, et Johnny Ingram, un chanteur noir criblé de dettes. Mais Slater est un raciste et Ingram est réticent à l'idée de sombrer dans la criminalité...
Robert Wise signait un de ses tout meilleurs films avec ce Odds Against Tomorrow, véritable fleuron de ce sous-genre du polar qu'est le film de casse dont les réussites étaient nombreuses à l'époque (L'Ultime Razzia, Quand la ville dort...). Wise adapte ici le un roman de John O. Killens dont le chanteur Harry Belafonte avait acheté les droits en vue de le produire et d'y jouer, lui dont la seule prestation marquante se résumait au Carmen Jones de Preminger. Wise s'adjoindra les services du blacklisté Abraham Polonski pour revoir le script avec comme changement le plus notable l'amitié naissante entre les personnages de Robert Ryan et Harry Belafonte disparaissant en conclusion (car trop proche de La Chaîne de Stanley Kramer sorti l'année précédente) pour un final bien plus sombre et sans espoir.
Le casse en lui-même, son organisation et son procédé ne sont pas particulièrement innovant dans l'idée (pour l'exécution le résultat sera mémorable par contre) car ce n'est pas ce qui intéresse Wise en premier lieu. Le réalisateur joue plutôt sur l'attente, la destinée inéluctable qui va entraîner les personnages sur cette voie criminelle qu'on devine fatale. Cela se fait tout d'abord par la caractérisation des personnages, tous aux abois et pour qui le coup est synonyme de dernière chance.
Dernière chance de retrouver son honneur et une existence décente pour le flic retraité déchu Ed Begley. Il est également question d'honneur pour l'ex soldat Slater (Rober Ryan) qui peine à trouver sa place dans la société et est meurtri dans son amour propre d'être entretenu par sa femme (Shelley Winters). Les raisons sont plus terre à terre pour Johnny Ingram (Harry Belafonte) qui doit un paquet à un mafieux local. Cependant son individualisme rompant les liens avec son ex épouse souhaitant s'intégrer et son rapport tendu avec Slater soulève de manière intéressante la question raciale le concernant.
Wise dévoile avec finesse les fêlures et faiblesse de ces personnages lors de courts moments tout en non-dits lourd de sens : la réaction diamétralement opposé de Ryan et Belafonte face au jovial portier d'ascenseur en ouverture, la reconnaissance et la honte se lisant sur le visage de Ryan lorsque son épouse lui donne de l'argent pour sortir ou encore la mine de Belafonte face aux invités blancs de son ex épouse...
Après avoir posé la nature autodestructrice de ses personnages, Wise va instaurer la fatalité de son récit à travers une atmosphère très particulière. Le réalisateur aura usé d'une pellicule très sensible aux infras rouges sur le tournage et qui imprègne les images d'une étrangeté imperceptible et rêvée.
Les paysages ruraux traversés par les héros offrent des visions de désolation (le vert des arbres désaturés qui vire au blanc) qui instaure un ton oppressant de tous les instants. Ce parti pris atteint des sommets lors de la magnifique séquence muette en forme de veillées d'armes ou les personnages séparés admirent la nature environnante sur le score jazzy et minimaliste de John Lewis, plein d'espoir alors que la mise en scène ne leur en laisse aucun.
Le hold-up est un fulgurant morceau de bravoure filmé au cordeau par Wise qui laisse échapper de saisissant éclair de violence (la brutalité de Ryan, le gunfight en pleine rue) et dont l'issue est logique et inéluctable. Après avoir été si longtemps contenues, le dépit, la frustration et les rancœurs peuvent enfin (littéralement) exploser lors d'un final flamboyant lorgnant sur L'Enfer est à lui de Walsh. Grand film noir.
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