Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram
Marié avec Silvia, Giovanni Alberti s'est, désormais, lancé dans les affaires. Il mène un train de vie luxueux et fréquente les milieux huppés. Mais il s'est endetté et se retrouve bientôt assailli par des difficultés financières. Il tente, sans succès, d'emprunter de l'argent auprès d'un important entrepreneur. L'épouse de celui-ci, une femme vieille et plutôt laide, lui propose alors un marché invraisemblable : que Giovanni échange son œil valide contre l'œil de verre de son mari...
Vittorio De Sica, contrairement à l'idée reçue maintint dans son cinéma ce regard si lucide sur l'Italie même lorsqu'il délaissa durant les 60's la mise en scène de drame pour de pétaradantes comédies. Le film à sketch Hier, aujourd'hui et demain explorait ainsi avec un humour acéré diverse couches sociales et régionale du pays et Mariage à l'italienne en parallèle de son beau portrait de femme montrait en toile de fond une Italie en reconstruction. Il boom le voit s'aventurer de manière plus prononcée sur les terres ironique et cruelle de la commedia all'italiana porté par un script féroce de Cesare Zavattini. Le film dénonce ici les comportements suscités par le miracle économique italien qui du début des années 50 jusqu'à 1970 voit le pays sinistré de l'après-guerre prospérer de manière spectaculaire.
Si cela est un bienfait pour le pays, elle va créer une génération de viveur dépensier à l'image du héros incarné par Alberto Sordi. Celui-ci est un employé aisé mais pas richissime qui aime mener la grande vie, entre voiture dernier cri, cadeaux luxueux pour son épouse et flambes assumée durant les sorties entre amis. Seulement ce mode de vie a un coût que Giovanni (Alberto Sordi) ne peut plus assumer et criblé de dettes il tente de dissimuler le désastre à sa femme (Gianna Maria Canale la superstar du péplum des années 50 étonnante dans un cadre moderne) et emprunter a ses amis de quoi s'en sortir.
La situation ne faisant qu'empirer, la solution se présente de la manière la plus inattendue et sordide qui soit : la femme d'un riche entrepreneur qu'il a sollicité le paiera au prix fort s'il daigne vendre son œil en lieu et place de celui de verre de son mari... La première partie montre en parallèle la détresse de notre héros ainsi que le mode de vie superficiel qui en est la cause.
On se pose finalement la question sur l'intérêt qu'il y a à se sauver tant les valeurs défendues là son détestables. L'épouse de Giovanni le quitte ainsi les premières difficultés venue sans le soutenir, ne pensant qu'à la honte vis à vis de leur amis qui auront fait la sourde oreille lorsqu'on aura sollicité leur aide (mais qui accourront dès que la fortune sourira à nouveau à Giovanni). De Sica dépeint ainsi un monde du paraître, luxuriant, sans âme et hypocrite (la scène ou amants et maîtresses se font joyeusement du pied sous la table de restaurant) où l'amitié et les les liens ne reposent que sur celui qui épatera le plus l'autre.
De Sica et Zavattini parviennent pourtant sous cette méchanceté à apporter la même humanité sensible qu'à leur drame néoréaliste. Alberto Sordi par sa grande prestation exprime ainsi les deux facettes du récit. D'un côté un pur produit de cette génération (comme le soulignera un brillant dialogue) qui veut tout et tout de suite sans fournir les efforts nécessaires, au contraire de celle qui a précédée qui reconstruisit lentement le pays en ruine pour finalement s'élever à l'image de l'entrepreneur borgne.
De l'autre Sordi bouleverse en homme éperdument amoureux contraint à ses dérives pour garder près de lui la femme qu'il aime (la réciproque étant plus que discutable). L'acteur est ainsi partagé entre fanfaronnade hilarantes (la manière dont il ne se démonte pas face à son usurier, la grandiose scène de fêtes où il dit leur vérité à chacun) et détresse touchante à travers ce regard triste et égaré. Cette tonalité atteint son summum lors de la scène où il lui est faite l'infâme proposition, la mine d'hébétude stupéfaite de Sordi étant à hurler de rire en dépit de la situation finalement pathétique.
La conclusion s'avère sinistre et glaçante. Le "boom", c'est un monde déshumanisé où tout s'achète, aucune dérobade possible pour les plus faibles. La scène finale où le héros disparait derrière une circulation de véhicule bardés de publicité est d'une terrible lucidité.
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