Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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vendredi 20 avril 2012

L'Étrange Noël de Monsieur Jack - Tim Burton's The Nightmare Before Christmas, Henry Selick (1993)

Un univers, Jack Skellington, un épouvantail squelettoïde surnommé « le Roi des citrouilles » (Pumpkin King en version originale), vit dans la ville d'Halloween. Mais le terrible épouvantail, lassé de cette vie répétitive et monotone, décide de partir. C'est alors qu'il découvre la ville de Noël. Après cette aventure, il revient chez lui, avec une idée originale en tête : et si cette année, c'étaient les habitants de la ville d'Halloween qui allaient fêter Noël ?

The Nightmare Before Christmas, c’est en quelque sorte le retour du fils prodigue Burton dans le giron de Disney. Un retour qui se fait tout d’abord pour des raisons juridiques puisque le poème de Burton qui inspirera le film fut écrit à l’époque où il était chez Disney et est donc la propriété du studio. Point de complication cependant, Burton ayant changé de dimension entre-temps avec les succès des Batman et la reconnaissance critique d’Edward aux mains d’argent. Au contraire, Disney lui déroule le tapis rouge pour donner vie à sa vision avec un budget de 18 millions de dollars et une totale liberté artistique. Pas mal pour celui qui fit face à l’incompréhension une décennie plus tôt. L'Étrange Noël de monsieur Jack emprunte la forme du conte de Noël pour une nouvelle fois exprimer ce thème burtonien en diable qu’est l’incompatibilité des êtres marginaux avec le monde normal. La séparation est même ici clairement marquée avec la coexistence entre le foisonnant et horrifique univers d’Halloween et celui plus paisible et coloré de Noël. Grand maître de cérémonie d’Halloween, il est cependant las de cette existence répétitive et retrouvera l’inspiration en découvrant la fête de Noël qu’il va s’approprier.

On sent le chemin parcouru par Burton depuis Vincent (sublime premier court-métrage croisant hommage à Vincent Price et récit autobiographique de sa propre solitude) où tout le visuel ne naissait que de l’emprunt revisité par le prisme de sa propre personnalité. Burton a ainsi pu longuement penser le projet qui date du début des années 80 et qu’il conçoit visuellement avec son fidèle collaborateur et directeur artistique Rick Heinrichs (déjà de l’aventure sur Vincent) pour un univers qui ne cessera de prendre de l’ampleur au fil de l’intérêt croissant de Disney. Au départ prévu comme un simple court métrage animé destiné à la télévision, L'Étrange Noël de monsieur Jack deviendra finalement le monstre que l’on sait. Burton crée ici sa propre mythologie et imagerie où se croisent figures du folklore populaire classique comme le Père Noël et le Boogey Man (soit le croquemitaine ici rebaptisé Oogie Boogie) avec son Jack Skellington appelé à endosser le même statut.

Le gothique hiératique de Vincent, des Batman, en partie d’Edward aux mains d’argent se laisse déborder par la folie contagieuse d’un Beetlejuice. Jack Skellington emprunte d’ailleurs la mélancolie et la solitude d’un Edward avec la furie anarchique de Beetlejuice. Le monde d’Halloween donne donc une folie, une énergie et finalement une joie de vivre contrebalançant avec les figures horrifiques qu’il abrite : vampires, goules, savants fous et loups-garous y festoient donc joyeusement. A l’opposé, le monde des humains y paraît bien timoré avec ces petites têtes blondes apeurées par les cadeaux macabres offerts par ce drôle de Père Noël qu’est Jack Skellington. Il faut également saluer l’apport trop sous-estimé d’Henry Selick.

Contrairement à l’idée reçue, Burton, trop pris par le tournage de Batman, le défi (et de son propre aveux trop impatient pour le laborieux processus qu’est un tournage en stop-motion) n’a absolument pas réalisé le film mais juste conçu l’aspect visuel et la trame générale. Et finalement, si la patte de Burton est évidemment bien visible, on peut néanmoins situer une différence. La grande faiblesse du réalisateur a toujours été sa piètre capacité à dynamiser sa mise en scène alors qu’il excelle à soigner ses cadres, à mettre en valeur un décor. Beetlejuice doit plus sa folie aux idées du script et à la prestation furieuse de Michael Keaton qu’à la réalisation de Burton.

Les scènes d’actions des deux Batman sont particulièrement laborieuses et ne fonctionnent que par l’apparat visuel qui les entoure ainsi que le charisme des méchants. Rien de tout cela ici avec un Selick déployant un souffle et une énergie de tous les instants, notamment une étourdissante entrée en matière nous plongeant dans l’animation d’Halloween et l’engouement de ses participants. La différence avec le monde plus posé des humains naîtra de cette opposition avec en point d’orgue une confrontation déjantée lorsque Jack endossera pour le pire (et pour le rire) le rôle du Père Noël. Il faudra le récent et très réussi Coraline (2009) où l’on retrouve de nombreux motifs de L'Étrange Noël de monsieur Jack pour que justice soit rendue à Selick.

Danny Elfman, investi comme jamais dans l’entreprise, fait preuve d’une créativité sans faille. En pleine ébullition créatrice, le compositeur alimente constamment la bande-son de nouvelles chansons qui obligent Selick à revoir fréquemment ses plans de tournage, ce qui créera quelques frictions avec Burton. Les deux amis en ressortiront brouillés pour un temps mais c’est bien Elfman qui avait raison tant ses chansons rendent la narration fluide, s’intègrent parfaitement à la mise en scène et son surtout de grandes compositions destinées à devenir des classiques tel ce somptueux Jack’s Lament d’ouverture.

Burton au final respectait également l’esprit de Noël puisque derrière son constat récurrent (l’impossible cohabitation des marginaux et des normaux), l’amour était néanmoins au bout du chemin avec cette belle romance entre Jack et Sally (le superbe doublage de Chris Sarandon et Catherine O'Hara est à saluer). On est loin de la résignation poétique d’Edward aux mains d’argent, Jack se nourrissant même de l’aventure pour un regain d’inspiration. Les premiers signes d’une ouverture qui sera manifeste dans l’incursion suivante de Burton dans l’animation, le moins réussi Les Noces Funèbres.

Sortie en dvd zone 2 français chez Disney


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