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vendredi 11 mai 2012

Les Noces funèbres - Tim Burton's Corpse Bride, Tim Burton et Mike Johnson (2005)


Au XIXe siècle, dans un petit village d'Angleterre, Victor Van Dort, fils de nouveaux riches, et Victoria Everglot, fille de petite noblesse dont les parents sont ruinés, sont promis l'un à l'autre. Le coup de foudre est immédiat entre ces deux personnages touchants de gaucherie pour lui et de douceur pour elle. Par mégarde et dans des conditions fantasmagoriques, Victor se retrouve marié au cadavre d'Emily, une mystérieuse mariée qui l'entraîne de force dans le monde des morts. Même si la « vie » dans ce monde paraît bien plus joyeuse que dans celui des vivants, Victor ne peut oublier Victoria.

Dernière incursion de Burton dans l’animation à ce jour (en attendant son Frankenweenie revisité en animation), Les Noces funèbres symbolisent toutes l’impasse artistique dans laquelle Burton se situe durant les années 2000. Il est cette fois crédité à la mise en scène et au vu du résultat, on devine que le coréalisateur Mike Johnson n’a guère eu l’influence d’un Henry Selick. Inspiré d’une légende russe, Corpse Bride met tous les atouts de son côté pour retrouver la verve de L'Étrange Noël de monsieur Jack. L’impossible lien entre deux mondes (ici entre les vivants et les morts) est revisité sous un angle romantique et morbide, l’équipe artistique de Jack est de nouveau en partie sollicitée, ajoutée à l’apport du fidèle Johnny Depp et de la compagne de Burton, Helena Bonham Carter. L’absence des contextes festifs de Noël et Halloween donne une noirceur plus marquée à ces Noces funèbres.

Si L'Étrange Noël de monsieur Jack tirait son énergie de son folklore rattaché à la culture anglo-saxonne, ici c’est une tonalité plus européenne qui s’affirme, avec une lenteur plus marquée afin de poser l’ambiance et l’irruption de l’épouvante pour le coup vraiment effrayantes lorsque la mariée Emily surgit d’outre-tombe (ou des détails peu ragoûtants comme l’asticot qu’elle abrite dans son œil). Malgré quelques fulgurances, quelque chose s’est perdu en quinze ans et tout cela sonne faux.

Burton semble faire le choix des marginaux une nouvelle fois mais on le sait depuis Big Fish (où il adoptait au final davantage la vision du fils terre-à-terre que du père doux rêveur), cette thématique est désormais plus nuancée chez lui. Cela se manifeste par la manière paresseuse dont il sépare les deux mondes. Le royaume des morts est supposé plus joyeux que le terne monde des humains mais cette différence se manifestera de la manière la plus pauvre qui soit : chez les humains, la photo est sombre, bleutée tendance gris, tandis qu’elle est bariolée chez les morts.

Hormis l’histoire tragique d’Emily narrée en flashback, la mise en scène est d’une rare platitude pour illustrer cette prétendue joie régnant chez les morts et c’est finalement l’ennui qui domine. L’attention est néanmoins maintenue par le lien qu’entretient de manière un peu forcée Burton avec sa gloire passée. Ainsi on retiendra ce lapsus marqué du père de la fiancée humaine Victoria appelant Victor « Vincent » soit le héros du premier court animé de Burton dont effectivement il se rapproche physiquement (et qu’on peut imaginer comme une version adulte). La bande-son d’Elfman (hormis la séquence en flashback) semble moins inspirée et l’option du numérique donne involontairement une touche désincarnée, à l’opposé de celle palpable de Jack.

Le film n’est cependant pas désagréable et serait juste inférieur à son prédécesseur, si ce n’était un nouveau reniement final. Consciente de voler son bonheur à Victoria, la mariée tragique Emily renonce à Victor et s’efface pour sa rivale. Jusqu’ici chez Burton, deux constat s’imposaient : la séparation forcée entre des êtres d’horizons trop différents (le couple d’Edward aux mains d’argent) ou alors leur bonheur à portée de main après l’avoir cherché ailleurs (Jack et Sally dans L'Étrange Noël de monsieur Jack). Ici, la solitude est laissée à la seule Emily (personnage le plus attachant du film) quand le couple « normal » peut enfin savourer son union.

Une conclusion impensable pour le Burton des années 90 qui, même en s’ouvrant, prenait toujours le parti des laisser-pour-compte. Big Fish avait amorcé ce changement et il se confirme ici. Burton a opté pour la normalité et le conformisme. Pour quiconque trouverait l’interprétation hasardeuse, il suffit de se pencher sur les films suivants. Dans Charlie et la Chocolaterie, Willy Wonka dont l’excentricité est vue comme monstrueuse (au contraire d’un Edward jouant également sur son don artistique), finit le film en intégrant une famille normale classique, ce qui n’est pas le propos de Roald Dahl. Dans le récent Alice, l’affirmation de soi de l’héroïne ne se fait plus dans la fantaisie mais dans un choix professionnel terre-à-terre. La forme s’étiole donc logiquement d’un film à l’autre, au fur et à mesure que la croyance en le fond s’atténue également.

Sorti en dvd zone 2 français chez Warner

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