Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

Pages

samedi 18 juin 2022

Princess Bride - Rob Reiner (1987)


 Pour divertir son petit-fils, alité pour une mauvaise grippe, un homme commence à lui raconter une histoire qu'il a entendue souvent au cours de son enfance : celle de la princesse Bouton d'or. Après la mort de son fiancé Westley, assassiné par des bandits, la belle jure de ne plus jamais aimer personne. Jusqu'au jour où, cinq ans après cette tragédie, elle finit par accepter d'épouser le prince Humperdinck. Trois hommes organisent alors l'enlèvement de Bouton d'or : un bretteur espagnol en quête de vengeance et un géant, menés par un nain astucieux. Mais un homme masqué les met en échet et s'enfuit avec la princesse.

Princess Bride est un véritable film culte des années 80 proposant une vision décalée et plaisante du conte. A l’origine il s’agit d’un roman écrit par William Goldman en 1973. La 20th Century Fox en décèle aussitôt le potentiel et achète les droits en vue d’un film devant être réalisé par Richard Lester (autant dire qu'on l'a échappé belle). L’exécutif du studio en charge du film est renvoyé peu avant le début du tournage et scelle alors le projet. Quelques années plus tard, le réalisateur Rob Reiner tombé sous le charme du livre va tenter à son tour d’en financer une adaptation. Cette seconde tentative va aussi marquer le retour au cinéma de William Goldman qui signe le scénario de son livre, et fit auparavant les belles heures du cinéma hollywoodien des années 60/70 avec des classiques comme Butch Cassidy et le Kid de George Roy Hill (1969), Marathon Man de John Schlesinger (1976) ou encore Les Hommes du président de Alan J. Pakula (1976). 

On comprend l’attrait de Rob Reiner pour l’histoire tant ses précédents films faisaient de lui le candidat idéal pour la mettre en image. Il a en effet montré son talent pour capturer une certaine candeur enfantine dans le plus grave Stand by me (1986) d’après Stephen King, et également son art de la dérision potache (où il s’inscrit dans la lignée de son père le comique Carl Reiner) avec le faux documentaire This is Spinal tap (1984) se moquant des excès d’un groupe de hard-rock. Plus tard dans ce registre sensible, amusé et plus adulte il fera également des merveilles avec la comédie romantique Quand Harry rencontre Sally (1989). Tout ici est une affaire d’équilibre entre émerveillement propre à captiver l’enfant diégétique joué par John Savage écoutant l’histoire de son grand-père (Peter Falk), et l’enfant spectateur du film, avec la dérision du grand-père narrateur et de même l’adulte spectateur. Le début de l’histoire mettant en image une sorte de cliché de sentimentalité de conte dans le rapprochement entre Bouton d’or (Robin Wright la candeur incarnée) et son valet de ferme Westley (Cary Elwes). Une niaiserie qui n’échappe pas au jeune auditeur mais que le roublard narrateur vient progressivement pervertir à coup de personnages loufoques et de situations décalées, sans jamais dévier du vrai récit picaresque ainsi que d’une tonalité de conte.

Le scénario de William Goldman dresse une connivence tacite avec le spectateur qui anticipe en amont certaines révélations à différents stades du récit (l’identité du jeune homme masqué, les informations clés circulant sans explication entre les protagonistes) et devine le pastiche tout en acceptant un vrai premier degré et intérêt pour le sort des personnages. Les écarts ont donc un but narratif, de caractérisation archétypale mais toujours dans l’action (la joute d’épée aux coups improbables) et servent donc tout autant l’efficacité que la nature ludique de l’histoire. La mise en scène de Rob Reiner est là pour rendre limpide ces ruptures de ton, notamment l’emphase dramatique contenue dans ce mouvement de grue passant par deux fois du prince Humperdinck (Chris Sarandon) annonçant fiançailles puis mariage depuis une tour surplombant le peuple, à la malheureuse Bouton d’or contrainte à son sort. Par la seule image Reiner exprime ainsi l’arrogance du prince tout comme la basse extraction qui condamne implicitement Bouton d’or. 

Le grotesque du contexte se conjugue donc à une noirceur en filigrane, par certains designs grotesques et horrifiques propre à amuser comme effrayer (le rat des marais de feu), tout comme la sournoiserie des méchants qui ne donne pas dans le manichéisme esthétique pour nous les rendre détestables. Chris Sarandon est à ce titre étincelant de charme et de pédanterie en Humperdinck manipulateur mais guère intimidant. L’ultime confrontation avec Westley où le duel mental révèle sa lâcheté est un beau désamorçage des clichés. Reiner ne frustre cependant pas notre appétit d’épique, orchestrant un brillant duel entre Inigo Montoya (Mandy Patinkin) et l’assassin de son père. La manière dont il répète son mantra vengeur, retrouve ses forces et avance à coup d’épée vers son ennemi à six doigts est tout simplement jubilatoire et Rob Reiner retrouve le temps d’une scène le souffle des grands heures hollywoodiennes classiques à la Scaramouche (1952). 

L’esthétique du film est à l’avenant entre facticité surannée et vraie flamboyance formelle, entre les paysages d’Irlande et les intérieurs des studio Shepperton. Princess Bride s’inscrit dans un mouvement de déconstruction du conte présent dans les années 80, mais dans une démarche plus rieuse que par exemple son contemporain sombre La Compagnie des loups de Neil Jordan (1984). Le but est ici est de ne pas être dupe tout en acceptant de se laisser emporter par la grâce d’un raconteur doué, une nouvelle fois sur deux échelles. Celle du petit garçon frustré de ne pas avoir la conclusion romantique initialement rejetée, et encore et toujours celle du spectateur satisfait du voyage. Un vrai film culte qui avec le temps n’a trouvé qu’un beau successeur, le divin Stardust de Matthew Vaughn (2007). 

Sorti en bluray et dvd zone 2 français chez Metropolitan

5 commentaires:

  1. Un film d'une belle singularité effectivement. La pique envers Richard LESTER me semble injuste : LA ROSE ET LA FLÈCHE témoignait dans une veine plus mélancolique, il est vrai, d'un sûr talent de conteur.

    RépondreSupprimer
  2. Je suis d'accord avec vous pour La Rose et la flèche, c'est un des meilleurs films de Richard Lester avec également Petulia que j'aime beaucoup. Après malheureusement pour avoir vu beaucoup de ses films il a une fâcheuse tendance le plus souvent à tirer ses récits vers la farce et la pantalonnade en ne prenant volontairement pas au sérieux (ou du moins en dosant la dérision) ce qui m'a gâché nombre de ses films à fort potentiels dramatiques. Je pense à sa relecture des Trois Mousquetaires que je trouve affreuse, au "Froussard héroïque" où il gâche complètement la dimension picaresque et tirant le tout vers la gaudriole outrancière comme s'il ne croyait jamais en rien. Dans le genre ses suites de Superman (le 2 et le 3) sont catastrophiques comparé au beau classicisme de Richard Donner. C'est pour ça que je crains que l'équilibre entre veine distanciée et implication n'aurait pas été forcément réussie avec lui qui a souvent beaucoup trop la main lourde. Ses films pop sixties comme "Le Knack... et comment l'avoir" ont assez mal vieillis aussi je trouve.
    Après les quelques fois où il daigne servir ses histoires avec implication cela donne de bons résultats effectivement comme "La Rose et la flèche" (même si je soupçonne qu'on ne lui a pas laissé la marge de manoeuvre pour gâcher le scénario de James Goldman ^^) ou "Petulia".

    RépondreSupprimer
  3. Bonjour. Je viens de regarder Princess Bride. C'est en effet amusant,ludique mais pas de quoi en faire tout un plat et votre allusion à Scaramouche est un peu excessive. Restons modestes. Votre chronique est aussi peu objective que votre attaque injuste contre Richard Lester, qu'on a le droit de ne pas aimer mais quand même... Sa relecture jubilatoire des trois mousquetaires est constamment pleine d'invention et de fantaisie et c'est une des réussites de sa carrière très inégale j'en conviens. The Knack..a en effet très mal vieilli (revu il y a peu) mais votre charge contre un cinéaste estimable est disproportionnée à mon avis au vu de ses réussites comme Help, L'ultime garconnière, Terreur sur le Britannic, voire Petulia (non revu depuis un siècle) et bien entendu La rose et la flèche. Je vous dis ça en toute amitié bien entendu. Bonne journée

    RépondreSupprimer
  4. Alors pour ce qui est de Scaramouche je n'ai pas dit que Princess Bride était aussi bon, mais simplement que le ton d'une séquence spécifique à laquelle je fait allusion était dans l'esprit (le film retrouvant à ce moment là un héroïsme et un panache très premier degré).

    Pour Richard Lester j'ai vu presque tous les films que vous évoquez sauf Help. L'Ultime garçonnière que j'ai d'ailleurs chroniqué c'est original mais poussif et daté, sa version des Trois mousquetaires a très mal vieillie aussi je trouve passé la reconstitution et le casting prestigieux.

    Globalement ça me parait être un cinéaste qui était très raccord avec les modes esthétique de son époque mais qui traverse mal le temps, d'autant plus avec cette approche de dérision permanente qui n'implique pas le spectateur. Après pas de soucis tout cela est affaire de goût. J'ai fait l'effort d'en voir réellement plusieurs de lui, ce n'est pas pour le plaisir de le descendre.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. merci de votre réponse Justin. On ne peut pas toujours être d'accord, c'est normal mais je trouvais la pique un peu exagérée. Ce n'est pas un cinéaste majeur, loin de là, mais il mérite mieux que l'oubli où il se trouve.Qu'il soit victime de son époque soit mais cet esprit de dérision, voire de burlesque, c'est justement sa marque et son style, voire son charme, même si ça ne marche pas à tous les coups. . Vous n'êtes pas réceptif à Lester, ce n'est pas grave, comme moi je n'adhère pas à plein de metteurs en scène dont on chante les louanges. C'est ainsi. Bonne soirée.

      Supprimer