Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tous mes visionnages de classiques, coups de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram
L'Inspectrice des impôts 2 - Marusa no onna 2, Juzo Itami (1988)
Ryoko Itakura, la plus célèbre des inspectrices
des impôts, est de retour pour enquêter sur de nouveaux cas. Cette
fois-ci, elle va s'attaquer à un culte religieux composé de fanatiques
débauchés et dirigé par un leader particulièrement vicieux...
Un an après l'immense succès public et critique de L'Inspectrice des impôts,
Juzo Itami fait revenir son héroïne dans cette suite. Le réalisateur se
montre toujours aussi audacieux puisque, après les yakuzas, il
s'attaque cette fois à un autre pan tabou de la société japonaise, les
sectes. On retrouve le sujet de l'évasion fiscale et de la spéculation
immobilière au cœur de la bulle économique, mais sous un angle plus
vindicatif encore. La collusion des sectes avec le monde politique (le
récent assassinat de l'ancien premier ministre était indirectement lié à
ses liens avec la secte Moon) et financier, ainsi que la protection qui
en découle dans les hautes sphères, est un des maux bien connu du
Japon. Le ton se fait cette fois nettement plus sombre et Itami se
déleste de toute la relative bonhomie avec laquelle il traitait
l'antagoniste yakuza du premier film, fraudeur fiscal un peu roublard.
Teppei Onizawa (Rentarō Mikuni) incarne ici un truand usant du statut
religieux attribué aux sectes, non taxables au Japon, pour blanchir de
l'argent et mener ses spéculations frauduleuses.
Itami comme toujours
équilibre l'ensemble entre outrance burlesque et description méticuleuse
des malversations financières sans jamais perdre notre attention. On
observe ainsi les méthodes d'Onizawa pour déloger les habitants d'un
quartier dans lequel il souhaite construire un gratte-ciel, entre
désagréments grotesques (installer des sans-abris bruyants sur les
paliers, des nuisances sonores destinées à écœurer les habitants) et
franches intimidations physiques et brutalités. La police semble
impuissante et face aux plus déterminés, Onizawa arbore une présence
goguenarde dissimulant une malice sournoise le faisant sortir vainqueur
quoiqu'il advienne.
Le ton est bien plus sombre puisqu'en plus du système d'évasion fiscale,
Itami montre aussi l'assujettissement des faibles par Onizawa à travers
la secte. La supposée aide aux démunis les rendent fatalement
redevables, et il sait suffisamment les manipuler, notamment les femmes,
pour les rendre entièrement dévouée à lui en tant que complices et
amantes. C'est notamment le cas avec une adolescente fille d'un homme
dont il a couvert les dettes, et dont il va faire sa maîtresse. La
dimension à la fois pyramidale et opaque de la fraude est rendue
parfaitement compréhensible par Itami, qui pendant une longue
introduction laisse presque Ryoko (Nobuko Miyamoto), l'inspectrice des
impôts, en retrait. C'est une manière de suffisamment faire contempler
l'ignominie des méchants pour que l'attente de son entrée en scène
devienne insoutenable. La présentation et la caractérisation de Ryoko
n'étant plus nécessaire on comprend d'ailleurs ce parti-pris.
La
tonalité ludique du premier film s'estompe, désamorçant les moments qui
en constituaient les morceaux de bravoure comme ce raid dans les locaux
de la secte qui ne débouche pas sur le résultat attendu. Le zèle de
Ryoko conduit à certaines péripéties s'éloignant du relatif réalisme du
premier volet, avec cette infiltration nocturne de notre héroïne dans la
secte, mais qui permet d'en dévoiler toutes l'artificialité et le
cynisme. Il y a une vraie tension de thriller et une authentique menace
pesant sur Ryoko et ses collègues, les hautes sphères dans lesquels
navigue la secte n'ayant aucun intérêt à être exposée par un scandale.
Ryoko passe de la fonctionnaire vindicative à la super-héroïne, cette
aura se ressentant à la fois par sa manière d'affronter le danger (le
face à face fort tendu avec un cambrioleur) mais aussi dans la promotion
du film avec cette affiche mettant en valeur le look désormais iconique
de Nobuko Miyamoto.
Ce second volet semble porter un regard plus désabusé, exprimer un
certain retour à l'injustice d'une réalité impossible à surmonter. La
mélancolie n'était pas absente du film précédent, mais concernait
davantage les individus que le système que Ryoko avait réussi à
bousculer. Cette fois l'épilogue désabusé semble faire comprendre que
l'action de Ryoko n'a guère ébranlé cette corruption ambiante. Cette
tonalité explique sans doute la reconnaissance et le succès moindre de
cette suite. Itami ayant dénoncé l'essentiel possible à travers ce
personnage, plutôt qu'un troisième film il optera pour une fiction plus
corrosive encore avec Minbo ou l'art subtil de l'extorsion (1992).
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