Certes, certainement est autant un superbe écrin au charmant duo Claudia Cardinale/Catherine Spaak qu'une vraie étude de mœurs d'une Italie changeante en cette fin des années 60. Le film adapte le roman Diario di una telefonista de Dacia Maraini, auteur italien majeur (vainqueur du Prix Formentor en 1962 pour L’âge du malaise notamment), compagne un temps d'Alberto Moravia et qui était connu pour son engagement féministe. Même si un peu dilués dans le ton léger d'ensemble, ces aspects sont bien présents et font tout l'intérêt du film. L'histoire témoigne de la place encore mineure accordée à la femme dans la société italienne à travers la quête des deux héroïnes Marta (Claudia Cardinale) et Nanda (Catherine Spaak). Marta est en quête d'un idéal qui lui est refusé tant dans sa vie professionnelle que dans ses amours alors que Nanda plus pragmatique recherche la simple sécurité financière que lui apporterait le mariage. Les deux amies unissent donc leurs forces en cohabitant ensemble ce qui sera pourtant la source de nombreux problèmes.
Le machisme ordinaire de la société italienne s'exprime dans les faibles opportunités qu'il offre aux femmes. Marta est ainsi largement exploitée dans son emploi de téléphoniste aux conditions pénibles (dans le climat oppressant des lieux tout comme la précarité avec l'absence de contrat) où l'illusoire possibilité d'avancement repose sur des principes sexistes (les femmes espérant se marier et avoir des enfants ont encore moins de chances d'évoluer). Dès lors malgré son détachement de façade l'épanouissement de Marta repose sur ses amours qui seront pourtant constamment déçus.
Les causes seront souvent la faculté de sa colocataire Nanda de systématiquement lui voler ses petits amis mais cette dernière rencontrera les mêmes déconvenues pour d'autres raisons. L'ensemble des hommes du récit témoigne d'une faillite masculine par faiblesse de la chair (en cédant aux avances de Nanda ou en ayant d'autres relations extérieures) ou par le machisme le plus arriéré. Le bellâtre incarné par Antonio Sabato admet ainsi trouver une meilleure amante en Catherine Spaak que sa fiancée frigide, mais préfèrerait épouser cette dernière qui n'est pas une "trainée".
La complicité des deux actrices fait merveille, Marcello Fondato se plaisant à mettre en valeur leurs attraits dans des tenues sexy à souhait ou en les capturant dans une intimité plus dénudée pas forcément gratuite et témoignant de leur caractérisation. Le tempérament plus direct du personnage de Claudia Cardinale la voit exprimer son désir sans fard ni afféteries, ce qui paradoxalement lui jouera des tours (hilarante scène avec le personnage lunaire de John Phillip Law qui se déshabille pour mieux enfiler sa tenue de peintre en bâtiment). Plus calculatrice et intéressée, Catherine Spaak fait preuve d'une minauderie faussement innocente où elle en dévoile suffisamment pour rendre fou le plus vertueux des hommes. On s'amuse beaucoup de ces amours contrariés dans la première partie du film, et des inconvénients qui vont avec (l'une des colocataires devant s'éclipser avec plus ou moins de bonne volonté pendant les ébats de l'autre dans l'appartement exigu).
La deuxième partie rompt ce schéma pour plus de noirceur. Marta semble enfin rencontrer l'homme viril, protecteur et attentionné dont elle rêvait avec Piero (Nino Castelnuovo surtout connu pour son rôle dans Les Parapluies de Cherbourg (1964)) mais une cruelle révélation va montrer que toutes ces qualités et sensibilité ne lui sont pas dévoués. Le film (cela vient sans doute du roman de Dacia Maraini) fait d'ailleurs preuve d'une modernité certaine dans sa description à l'heure où les personnages homosexuels sont encore montrés de manière caricaturales dans le cinéma italien. Même si cette seconde moitié tire en longueur, c'est bien là que réside l'émotion à travers le dépit de Marta, notamment la magnifique scène où elle observe longuement son époux s'éloigner en bateau.
Sorti en dvd zone 2 français chez SNC/M6 vidéo
Extrait
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