Le Japon en 1856. Le diplomate Townsend Harris,
accompagné d'un interprète et ami, Henry Heusken, vient prendre son
poste de premier ambassadeur américain au Pays du Soleil Levant, à la
suite d'un traité signé avec les États-Unis. Il se heurte à l'hostilité
des nobles, notamment du Gouverneur local Tamura, et s'ingénie à gagner
leur confiance. On lui impose une domestique, la geisha Okichi, chargée
en réalité de rendre compte des faits et gestes du consul. Mais bientôt,
une réelle amitié teintée d'amour naît entre eux...
Le Barbare et la Geisha s'inscrit à une période de fascination hollywoodienne pour le Japon avec des films comme La Maison de bambou de Samuel Fuller (1955), La Petite maison de thé de Daniel Mann (1956) ou encore Sayonara de Joshua Logan (1957). Tout ces films étaient plus (La Maison de bambou) ou moins (Sayonara) réussis, le réalisme oscillant avec un exotisme forcé et quelques fautes de gouts (Brando grimé en japonais dans La Petite maison de thé) dans des genres aussi marqués que le film noir ou le mélo. Le Barbare et la Geisha
s'avère un projet bien plus ambitieux avec cette réelle évocation de
Townsend Harris, missionné pour être le premier ambassadeur américain au
Japon en 1856. Il s'agit initialement d'un projet d'Anthony Mann qui
faute d'avoir pu trouver une grande star pour incarner Harris revend les
droits de l'histoire à la Fox. Les choix de productions correspondent
aux mues hollywoodiennes du moment et plus précisément aux velléités
réaliste de la Fox avec un tournage qui se fera au Japon dans les villes
de Kyoto et Nara pour les extérieurs, et dans les studios de la Toho
pour les intérieurs. Cinéaste globe-trotter depuis le début des années
50, John Huston s'avère le candidat idéal et trouve l'occasion de
tourner pour la première fois avec John Wayne.
Le récit s'avère
très réaliste sur le déroulement des évènements, y compris la relation
de Harris avec une geisha durant son séjour semble-t-il avéré. Huston en
plus du cadre s'entoure en partie de techniciens japonais pour un rendu
entre la magnificence des extérieurs et le chatoiement des intérieurs
grâce à la recherche des décors et costumes et la belle photo de
Charles G. Clarke. C'est cependant dans le rapprochement des hommes que
l'histoire articule celui des peuples, mutuellement méfiant et hostile.
Le Japon est dans une période charnière où cette ouverture à l'extérieur
mènera à l'ère Meiji, mais les craintes de perversion de leur identités
et tradition subsistent face à l'étranger. Le décorum offre ainsi un
parfum dépaysant et fascinant tandis que les mentalités sont fermées.
Les américains ne sont cependant pas mis en valeur pour autant, la
prestance naturelle de John Wayne n'en finissant pas d'être désarçonnée
dès qu'il se pose en American hero.
Cela donne des instants comiques
comme lorsqu'il sera ridiculisé du haut de son allure de colosse en
combattant un petit et véloce japonais, mais surtout des conséquences
dramatiques lorsqu'il introduit malgré lui le choléra sur la cité
portuaire. C'est par la proximité et les actions que le fossé se
réduira. La curiosité des mœurs et objets occidentaux se révèlent
notamment dans la voix-off de la geisha Okichi (Eiko Ando pour son seul
rôle au cinéma), ponctuation (et parfois surlignage) du regard japonais
dont Huston ne sous-titre pas les dialogues. A l'inverse la dimension de
découverte du Japon est plus brute et spontanée à travers le regard de
Wayne, ce qui provoque une belle émotion quand les lignes bougent
notamment la scène où les villageois le remercie de son aide durant
l'épidémie de choléra ou encore la procession glorieuse avant
l'entretien avec le shogun.
Huston respecte les étapes de cet
apprivoisement mutuel dans le rythme du film qu'il veut "japonais" par
le temps passés à mette en valeur un décor, à dépeindre un rituel dans
le détail. On évite l'exotisme cliché en dépit de passages obligés
(Wayne surpris d'être choyé et déshabillé avant le bain par des
suivantes) et même l'inévitable séquence de harakiri découle d'un vrai
cheminement dramatique. Néanmoins Huston posera un regard mitigé sur le
film du fait du remontage effectué par la Fox qui atténue un peu la
force de ses partis pris. Cela n'en reste pas moins une belle réussite
méconnue du réalisateur.
Sorti en blu-ray et dvd zone 2 français chez Rimini
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