Quatre lycéennes
cèdent aux avances incessantes, rémunératrices et parfois seulement anodines
d'hommes murs assouvissant ainsi leurs lubies et fantasmes.
Hideaki Anno fraîchement sorti de sa série d’animation Neon Genesis Evangelion dont le final
avait dérouté les fans s’attaque à son premier film live avec Love and Pop. S’il délaisse la SF et les
combats de méchas de Neon Genesis
Evangelion, Anno ne s’en éloigne pas tant que cela dans le spleen
existentiel et les tourments adolescents de Love
and Pop. Le film est l’adaptation du roman éponyme de Ryu Murakami (publié
en 1996) où l’auteur se penchait sur le phénomène Enjo kōsai. Ce terme désigne
la pratique controversée voyant des lycéennes tenir compagnie à des adultes
masculins moyennant finances, le « moment » partagé allant du plus trivial
à la vraie prostitution. Dans les années 90 une forme d’hypocrisie régnait sur
cette pratique puisque si la vraie prostitution était interdite au Japon, le Enjo
kōsai était quasiment institutionnalisé via les telekuras (telephone clubs) où
adultes et lycéennes pouvaient échanger, se communiquer leur profil, convenir
de la « prestation » et se fixer rendez-vous. Ryu Murakami s’était
fortement documenté pour son roman, échangeant avec des lycéennes adeptes de
l’Enjo kōsai et en observant les lieux de rencontres des travées commerciales
de Shinjuku.
Hideaki Anno adapte donc très fidèlement si ce n’est
littéralement le roman (sur un scénario de Ryu Murakami) et c’est par son
approche formelle qu’il va vraiment s’approprier (pour le meilleur et le moins
bon) le matériau original. Il reprend donc les possibilités de l’animation avec
une caméra qui endosse tous les angles possibles, allant du point de vu
subjectif de l’héroïne Hiromi (Asumi Miwa) à divers emplacements dans les
différents espaces et lieux traversés, et à toutes les distances possibles. Cela
est judicieux notamment au début pour traduire la frivole ébullition des
héroïnes dont les pensées voguent d’objets de luxe à acquérir au maillot de
bain à s’offrir pour les prochaines vacances, en passant par les peines d’amours
récentes. Cette mise en scène très marquées 90’s peut lasser sur la longueur
mais Anno par les angles de caméras déroutants retrouve l’inspiration d’Evangelion
quand il capture sous les rires un malaise latent, une gestuelle plus crispée.
La détresse urbaine guide certains hommes sollicitant les
jeunes filles pour des rendez-vous qui débouchent sur un karaoké, un déjeuner
voire un petit plat dégusté chez un inconnu. Paradoxalement, les rencontres les
plus glauques ne se font pas lorsque la prédation est la plus explicite avec l’insistance
de salarymen distingués en pleine rue, mais plutôt lors des moments qui suivent
les échanges de telekuras. La voix-off d’Hiromi sert de fil rouge pour capturer
la superficialité comme la mélancolie de la pensée adolescente, où le gout du
risque comme le gain facile guide ses actions dangereuses pour s’offrir bijou
et objets de consommation. Plus que des
possibles situations sexuelles scandaleuses (il y en aura réellement une seule),
c’est surtout la misère humaine et la profonde solitude des « clients »
qui frappe, la folie pure n’étant jamais loin à l’image de ce jeune homme ayant
fait d’une peluche son confident privilégié.
Plus l’on avance vers cet épilogue désenchanté, plus la mise
en scène d’Anno se fait épurée, ramenant la sans morale Hiromi à s’interroger sur
ses actions. Malgré ses scories, Love and Pop est donc un vrai témoignage du
phénomène kogal (sexualisation de la
figure de la lycéenne) dans le Japon des 90’s.
Disponible en dvd japonais
Making of japonais d'époque disponible sur youtube
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