mardi 14 septembre 2010
David et Bethsabée - David and Bathsheba, Henry King (1951)
En tant que Roi d'Israël, le Roi David a tout : l'argent, le pouvoir, la santé, les femmes, les enfants. Mais, ce qui lui manque le plus est l'amour d'une femme qui l'aimerait pour lui et non parce qu'il est le Roi. Il est ainsi attiré par Bethsabée, femme d'un soldat de son armée.
Un péplum biblique assez surprenant car jouant plus la carte du drame intimiste et de la psychologie que de celle attendue de la fresque spectaculaire et épique. Ainsi l'action se situe volontairement au milieu du règne de David en évitant les épisodes légendaire qui font la persistance du mythe, notamment le fameux affrontement avec Goliath qui n'intervient que très tard, en flashback à un instant clé du film à des fins purement dramaturgique.
On suit les tourments du Roi David, esseulé, craint et respecté pour son statut et son pouvoir qu'il porte comme une croix car l'éloignant des rapports humains ordinaire, en amour comme en amitié. Gregory Peck livre une prestation de haut vol, sombre et torturé, manquant de confiance en soi (il est plusieurs fois suggéré qu'il est illégitime au pouvoir pour certains du fait de ces origines modeste) et parvient parfaitement à traduire les tourments et les interrogations de son personnage. L'ouverture qui nous évoque son passé de guerrier pour ensuite le plonger dans la torpeur et l'ennui des palais est particulièrement parlante à ce sujet. La scène où avec Bethsabée ils se sondent l'un l'autre avant de se déclarer leurs flamme est poignante car exprimant le doute du souverain quant à ses rapports aux autres et la crainte d'une femme à lui déclarer ses sentiments son statut le séparant du commun des mortels.
Pour un film biblique, le rapport à la religion s'avère très ambigu tout au long du film. Celle ci s'avère essentiellement un symbole d'oppression (la menace de lapidation comme femme adultère pesant sur Bethsabé d'après les lois) et de mort (l'arche de l'Alliance qui tue quiconque ose la toucher) tandis que les personnages censé la représenter évoquent des fous de dieu fanatiques (le prophète Nathan très inquiétant incarné par Raymond Massey) ou des suiveurs aveugle et dénué de volonté propre (le mari Urie désintéréssé de sa femme mais prêt à la tuer si elle transgresse la loi). Globalement la religion apparait comme un dogme faisant fi des sentiments pour appliquer ses règles. D'un autre côté le final où David fait la paix avec lui même peut aussi suggérer que toute cette imagerie menaçante venait de son point de vu opprésssé et rongé par la culpabilité.
Le film datant d'avant l'explosion des grands péplums hollywoodien en scope, l'esthétique apparait plutot sobre : Jérusalem n'est pas bien imposante, le palais de David bien exigu, bien loin de la démesure et du luxe des années productions à venir. Volontaire ou pas ce parti pris renforce l'intimité du récit aussi bien et rend l'histoire d'amour entre Peck et Susan Hayward plus émouvante et réussie.
Les instants les plus outranciers n'en paraissent d'ailleurs que plus forts tel la conclusion où intervient enfin Goliath, David se remémorant son plus grand fait d'arme au moment de livrer un combat plus intérieur. La mise en scène ample de Henry King capte à merveille les errements des personnages avec quelques idées brillantes comme la colère de Dieu face au péchés du roi symbolisée par la destinée d'un père et son fils berger subissant la loi des éléments ou encore les dix dernières minutes d'une puissance et d'une intensité soufflante où Peck trouve enfin la paix avec lui même. Au final un vrai mélodrame réussi se frottant avec brio au récit biblique pour un superbe péplum loin des canons et clichés du genre.
Sorti en dvd zone 2 français chez Fox
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