Bob Merrick, riche play-boy, est victime d'un accident. Il voit sa vie sauvée grâce à un inhalateur emprunté au Docteur Wayne Philips, qui, victime d'une crise cardiaque au même moment, décède faute d'avoir eu accès à son appareil respiratoire. Dès lors, rongé par la culpabilité, le riche héritier va tout faire pour se racheter...
Le Secret Magnifique inaugure la grande série de mélodrames Universal qui de 1954 à 1959 avec Mirage de la vie consacreront Douglas Sirk comme auteur et incitera à une analyse approfondie de son œuvre. Au départ pourtant rien de tout cela puisque Magnificent Obsession naît d’une pure logique commerciale et plus précisément de l’initiative du producteur Ross Hunter de produire un remake d’un mélodrame à succès des années 30 réalisé par John Stahl. Douglas Sirk, choisit pour réaliser le film n’est guère à l’époque le plus en vue des émigrants germaniques débarqués à Hollywood à l’orée des années 30/40 pour fuir le nazisme à l’inverse d’un Fritz Lang ou d’un Billy Wilder et fait plutôt figure d’exécutant doué. Le succès immense du Secret Magnifique et des autres mélodrames à suivre en éveillant un intérêt certain pour Sirk permettra également de lever le voile par la suite sur d’autres réussites de sa période américaine (comme la piquante adaptation de la vie de Vidocq A Scandal in Paris) et de ses films allemands.
Il faut dire que l’emphase est plutôt à chercher du côté de l’histoire en elle-même, faites de personnages plus grands que nature (Rock Hudson qui passe de riche playboy oisif à chirurgien renommé en fin de film !), de hasards et coïncidences improbable, de rebondissements énormes à la dramatisation exacerbée, l’ensemble étant porté par une philosophie mystique et religieuse prononcée. C’est d’ailleurs l’occasion de contredire une idée reçue encore trop vivace (et que Sirk contribua un peu à véhiculer dans son passionnant livre d’entretien avec Jon Halliday où il apparait parfois quelque peu aigri et blasé), à savoir que les mélodrames de Sirk sont teintés d’ironie et à voir en ricanant au second degré.
Pourtant si c’était réellement le cas Le Secret Magnifique qui est son mélodrame le plus ouvertement irréaliste ne dépasserait pas le statut de soap sirupeux et bondieusard qu’il aurait pu être en de mauvaises mains. La seule distance est à chercher dans l’association que fait Sirk entre le matériau populaire qu’il adapte, le grand public auquel il est destiné et l’emphase des grandes tragédies classiques où les drames immenses font surgir les personnages les plus purs et les sentiment les plus noble.
Rock Hudson, véritable force de la nature fait donc ici tour à tour office de bon et de mauvais génie pour Jane Wyman, causant involontairement la mort de son mari et puis sa cécité et passant l’essentiel du film à tenter de réparer sa faute. Pour cela il doit faire sienne la philosophie contenue dans ce titre Magnificent Obsession et consistant à servir en secret son prochain sans attendre de remerciement en retour. Riche héritier égoïste, il trouve dans sa recherche de rédemption un réel sens à sa vie et finalement l’amour en réussissant à gagner le cœur de celle à qui il a causé tant de maux. Sirk parvient à donner une dimension intime et sentimentale bouleversante à toute cette grandiloquence.
Parmi les séquences les plus touchantes, on n’oubliera pas ce moment où Jane Wyman gagné par le désespoir (après que les médecins lui aient appris qu’elle ne retrouverait pas la vue) s’enfonce dans les ténèbres de sa chambre avant que l’arrivée de Hudson l’éclaire et lui redonne espoir.
Le réalisateur n’esquive pas l’aspect religieux contenu dans le scénario (le don de soi, le sacrifice, la rédemption...), le mentor bienveillant incarné par Otto Kruger faisant presque figure d’ange. La scène où Hudson en plein doute avant l’opération lève les yeux et reprend courage en croisant le regard rassurant de Randolph qui observe l’action en hauteur est particulièrement explicite sur ce point, tout comme le regard "divin" en plongée qui suit.
Tout ce qui aurait pu apparaître quelque peu abstrait au spectateur devient ainsi concret à travers le parcours initiatique de Rock Hudson et de la conviction et la passion qu’il met à devenir un homme meilleur. L’important est de se donner une raison pour y parvenir et c’est sans doute là que se trouve la découverte de ce Secret Magnifique. Chef d’œuvre.
Sorti dans une belle édition chez Carlotta ainsi que tous les autres grands mélodrames de Sirk. Les anglophones pourront &galement se laisser tenter par les très belles éditions Criterion.
Très très beau film oui. Pas le meilleur de la dernière période de Sirk mais très touchant quand même.
RépondreSupprimerSoit dit en passant ta bannière me fait rêver à chaque fois que je la revois :)
RépondreSupprimerOui pas forcément le meilleur à caause de ce côté hors norme, mon préféré reste "Mirage de la vie" dont le final arracherait des larmes au plus endurci ^^.
RépondreSupprimerEt merci pour la bannière Ava Gardner dans "Pandora" la beauté au delà des mots! ;-)
Oui y'a un côté un peu too much avec le hors-bord et compagnie, mais il est bien quand même.
RépondreSupprimerJ'aime beaucoup "Mirage de la vie" aussi, même si la fin est un peu moins bien que le reste (qui est gigantesque), mais j'aime encore plus "Le temps d'aimer le temps de mourir" et surtout "Tout ce que le ciel permet". "La Ronde de l'aube" est superbe aussi, enfin bref, il en a fait un paquet de beaux...
Il faut que je voie Pandora. J'ai récemment découvert (bien tardivement...) "La comtesse aux pieds nus" et je suis tombé totalement amoureux d'Ava Gardner.
Oui les péripéties et les personnages sont plus "ordinaires" dans ses autres mélodrame (sauf peut être "Ecrit sur le vent" tout aussi excessif) mais c'est brillant comme il arrive a faire passer tout ça. Et sinon oui il faut voir "Pandora" un des plus beaux films du monde tu vas prendre une belle claque (chope toi l'édition anglaise l'image est sublime) :-) J'en avais parlé sur le blog l'an passé http://chroniqueducinephilestakhanoviste.blogspot.com/2010/06/pandora-pandora-and-flying-dutchman.html
RépondreSupprimerAh ben je voulais justement dire que "Written on the wind" m'avait fait un effet énorme la première fois que je l'ai vu et que j'ai hâte de le redécouvrir !
RépondreSupprimerJ'ai déjà lu ta critique oui ;)