A la mort de son Président, la Tredway
Corporation doit désigner son successeur. S'ensuit une lutte sans pitié
entre les actionnaires pour prendre le pouvoir dans la société.
Robert
Wise signe un film visionnaire dans sa description des arcanes du
fonctionnement des grandes entreprises et des luttes de pouvoir qui s'y
jouent. La véracité du cadre dépeint avec brio par Wise tient grandement
au roman éponyme de Cameron Hawley qui s'y entendait sur la question
puisqu'il fut 24 ans administrateur au sein de la Armstrong Cork Company
avant de se consacrer à l'écriture. Tous ses livres s'inspireraient de
cette expérience avec des thèmes tournant autour de la pression de la
vie moderne et la description du monde des affaires,
Executive Suite étant le plus fameux d'entre eux.
Le
film s'ouvre sur la vision de ces tours modernes s'élevant à perte de
vue, ses occupants étant quasiment associés à des déités inaccessibles
aux préoccupations bien éloignées des préoccupations du commun des
mortels. La voix off solennelle nous rappelle pourtant bien vite à
l'ordre, même à ses hauteur se jouent des passions bien humaine. Wise
appuie son propos par un filmage en vue subjective du maître d'une de
ces tours, la Tredway Corporation. Tout puissant et craint là-haut, il
va pourtant s'écrouler et mourir d'un malaise. Ayant ainsi ramené un des
"Dieux" à sa triste fragilité humaine, Wise peut s'appliquer à
dépeindre de manière impitoyable les luttes intestines de cette Olympe
de la finance.
Plusieurs factions s'y débattent : d'abord le financier
ambitieux et plus préoccupés par les chiffres que par les hommes
(Fredric March glaçant), un roublard prêt à miser des actions à peine le
cadavre du patron entraperçu (Louis Calhern)... A côté de ceux-là
uniquement soucieux de leur réussites personnelles les hommes de bonnes
volontés tels que l'ingénieur Walling (William Holden) sont entravés dans leurs
décisions et visions à long terme par la quête du profit immédiat et
enfin les faibles entre cet éternel numéro 2 condamné à rester dans
l'ombre (Walter Pidgeon), un indécis suivant le sens du vent en bon
bateleur qu'il est (Paul Douglas) et l'héritière dépressive pour qui
tout cela est un immense fardeau (Barbara Stanwyck).
Dès la mort
du Président annoncée une captivante partie d'échec s'amorce. Avant d'en
arriver là Wise aura montré la toute-puissance du disparu, la
soumission de ses employés accrochés à l'autorité de ce fauteuil vide
qui les fait quitter précipitamment tout ce qu'ils font pour une réunion
improvisée, qui peut d'un mot susciter l'espoir ou vous pousser au
suicide. L'entreprise est associée à une cour où chaque sujet recherche des
faveurs selon ses atouts et une fois le poste vacant tous les coups
sont permis pour accéder au sommet. Cela est montré de manière fort
subtile avec les anticipations sournoises de Fredrich March usant de la
flagornerie, du chantage et de l'espionnage avec u brio machiavélique.
Le film passionne aussi lorsqu'il évoque les sacrifices pouvant se poser
dans cette quête de pouvoir, même pour des raisons nobles en faisant
intervenir le point de vue des épouses, véritables instigatrices de
l'ombre des ambitions de leur hommes qu'elles poussent ou font reculer
avec notamment une excellente June Allyson n'acceptant pas de voir
s'éloigner Holden de sa trajectoire initiale (seul Fredrich March
logiquement associé à une froide machine ne sera pas vu en galante
compagnie, frivolité inutile pour lui).
Le film anticipe un
capitalisme sauvage dédié au seul profit, où le produit réalisé par
l'entreprise, la satisfaction du client et la fierté qui en découle
passent au second plan d'une rentabilité immédiate servant les attentes
des actionnaires. On est ici à mi-chemin entre cette modernité et une
mentalité encore traditionnelle symbolisée par le personnage de William
Holden encore ancré dans la réalité des ouvriers, de l'usine et de la manufucture du produit (des meubles dans le film) de qualité. C'est ce qui se
joue dans la grandiose joute verbale finale le "bilan" impeccable de
Fredrich March s'oppose à la vision plus vaste d'un Holden ne se
résumant pas à une calculette humaine.
Si l'issue du film célèbre ces
valeurs, la réalité désigne malheureusement un tout autre vainqueur.
Porté par un casting de haut vol, Robert Wise rend passionnant tous ces
questionnements et fonctionnements complexes par une rigueur narrative
sans faille qui ne nous perd jamais dans les enjeux et la multitude
d'informations.
Executive Suite (bien que précédé par le très bon
Marchands d'illusions de Jack Conway) annonce ainsi d'autres visions critique de ce monde des grandes entreprises avec
L'homme au complet gris ou
Patterns pour les années 50 et au-delà anticipe même le
Network de Sidney Lumet.
Sorti en dvd zone 1 chez Warner et disponible dans le coffret zone 1 consacré à Barbara Stanwyck (solution plus pratique le film étant épuisé et assez cher en individuel) et comme zouvent avec Warner c'est multizone et compatible sur tous les lecteurs.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire