En arrivant à El
Dorado, l'aventurier Cole Thornton retrouve un ancien ami, JP Harrah, qui est
aujourd'hui le shérif de la ville. Engagé par un propriétaire terrien, Thornton
renonce à sa mission quand Harrah lui apprend qu'elle a pour but de chasser les
McDonald de leurs terres...
En 1959, Howard Hawks atteignait la quintessence de son art
avec Rio Bravo, sorte de synthèse
parfaite de son approche narrative et de ses thématiques. Intrigue archétypale réduite à sa plus simple
expression permettant de mettre en valeur les personnages, célébration d’une
unité et camaraderie masculine révolue, comédie
romantique piquante, Rio Bravo était tout cela : un grand
divertissement et un classique instantané.
On ne le savait pas encore mais Rio Bravo était aussi le dernier chef d’œuvre de son réalisateur
qui par la suite allait alterner honnête divertissement (Hatari, Ligne Rouge 7000)
et variation sur le même thème avec
notamment Le Sport favori del’homme (1964) où il reprend des éléments de ses plus fameuses screwball comedy (L’Impossible Monsieur Bébé, La Dame du vendredi) avec un casting
rajeuni dont Rock Hudson prenant le relai de Cary Grant. El Dorado appartient à cette dernière catégorie en offrant un
remake à peine masqué de Rio Bravo.
La différence se fera en grande partie par le contexte de production des deux
films.
A l’époque de Rio Bravo, Hawks
signait son grand retour à Hollywood après un long exil en Europe suite à
l’échec de La Terre des Pharaons
(1955). Malgré son expérience et ses succès, il se retrouve à nouveau dans la
peau de celui qui a tout à prouver et ainsi rassemble tous les éléments qui
firent les particularités de ses films dans une épure, une efficacité voire
tout simplement une perfection inégalée. Rio
Bravo n’était pas seulement un retour, mais un testament, rien de ce qui
viendrait après ne pourrait s’y mesurer.
El Dorado est
quant à lui signé par un Hawks en fin de carrière (c’est son avant-dernier
film), enfin reconnu par la critique mais aussi dépassé par la jeune génération
montante du Nouvel Hollywood. Rio Bravo constituait
une preuve vivace et moderne de ses capacités, El Dorado jette plutôt un regard nostalgique et tendre sur les
valeurs célébrées dans le film de 1959. Rio
Bravo était la vision du monde selon Hawks, El Dorado celle d’un paradis perdu comme en atteste le générique chanté nostalgique et traversé de dessin figeant ce passé dans la légende. Bien évidemment, El Dorado n’approche à aucun moment les
hauteurs de son modèle et évoquerait plutôt un champion sportif sur le
retour : moins véloce, quelques kilos en trop mais ayant toujours fière
allure et capables de quelques éclats.
Le noyau dur de la trame de Rio Bravo (shérif seul contre tous,
riche propriétaire et son armée de tueurs) est ici repris, tout comme la
caractérisation des personnages : John Wayne reste John Wayne, Robert
Mitchum remplace Dean Martin en alcoolique repenti, James Caan lui Ricky Nelson
en jeune premier fougueux et Arthur Hunnicutt assure brillamment la caution
comique autrefois tenue par Walter Brennan.
Une nouvelle fois l’union et la
remise en question de tous ses personnages permettra de faire face à
l’adversité mais quelque chose a changé, les héros sont fatigués. Dean Martin
était montré comme une épave avant de se reprendre au fil de l’intrigue, ici
c’est l’inverse avec un Robert Mitchum d’abord fringant puis alcoolique tout
aussi pathétique mais provoquant plus l’hilarité que la pitié (la réaction à la
décoction contre la gueule de bois, le fait qu’il mette la moitié du film à se
souvenir de James Caan). John Wayne au sommet de sa prestance au départ termine
le récit lourdement amoindri par une balle dans le dos et c’est à un dernier
baroud d’estropiés qu’on assistera au final avec un Mitchum en béquille et
Wayne à moitié paralysé.
Par ce choix, Hawks semble estimer que l’ère des
« vrais hommes » tel que dépeint dans Rio Bravo est révolue (et par extension la sienne aussi dans l’industrie
Hollywoodienne) et que si leur vaillance et leur courage demeurent intacts les
ravages du temps ont fait leurs œuvres, ce sont des dinosaures. A l’image de
ses héros ayant perdus de leur superbe tout semble un peu plus forcé également
dans ce film, le scénario artificiellement étoffé par rapport à la trame de Rio Bravo (et qui en reprend des pans
entiers à l’identique pour de nombreuses scènes), l’humour plus présent et plus
lourd.
Sorti en dvd zone 2 français chez Paramount et le film est ressorti en salle cette semaine
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