En 1946, aux États-Unis. Une jeune veuve est partagée entre son amour pour un séduisant militaire et la peur du scandale.
Un beau mélodrame qui annonce en tout point le fameux Tout ce que le ciel permet de Douglas Sirk (1955). Il y est déjà question de l'enfermement moral au cœur d'une Amérique provinciale où une femme va défier les conventions bien malgré elle. Jessica Drummond (Barbara Stanwyck) est une jeune veuve que la perte récente de son époux plonge dans un grand désarroi, autant par la douleur de l'absence que par le constat qui en découle sur sa situation personnelle. D'abord soumise à l'autorité d'une mère (Lucile Watson) à cheval sur les conventions puis mariée et mère très jeune, Jessica n'a jamais réellement vécu pour elle ni suivie ses désirs profonds.
Aujourd'hui avec son mari disparu et ses fils partis en
pension, elle doit faire face au grand vide que constitue sa vie.
Barbara Stanwyck, fragile et à fleur de peau offre une touchante
prestation en femme esseulée se rendant soudain compte de sa dépendance
aux autres, de sa vulnérabilité dans cette vie sans but.
La mise en
scène de Curtis Bernhardt et le scénario isole constamment Barbara
Stanwyck, les situations les plus anodines renforçant sa détresse tel ce
pique-nique en famille annulé par une sortie des enfants avec leurs
amis concluant la scène une plongée sur la silhouette de Jessica seule
face à cette grande maison vide (on pense aussi à sa première apparition
son visage illuminé dans l'obscurité de sa chambre soulignant déjà
l'expression de sa solitude). Le monde qui l'entoure s'avère
terriblement oppressant avec les commérages constants animant la
communauté au moindre geste de chacun et la montre proie des maris
infidèles en quête d'aventure.
Quelques pistes sont lancées sur une rébellion possible de l'héroïne
face à cet environnement avec ses conflits constant avec sa mère, veuve
nichée dans sa tour d'ivoire conformiste qu'elle souhaiterait voir
rejoindre sa fille trop passionnée à son gout. Le salut viendra bien sûr
d'un homme dont l'amour saura la libérer de ces entraves. Si Bernhardt
ne verse pas dans l'archétype de Tout ce que le ciel permet
qui faisait du sauveur un homme des bois massif incarné par Rock
Hudson, George Brent gouailleur, viril et protecteur incarne un esprit
indépendant totalement opposé à la personnalité timorée de Jessica et à
la société guindée qu'elle fréquente.
Les scènes entre eux sont chargées d'une sensualité et symbolique
marquée. Barbara Stanwick s'agrippe à George Brent la ramenant en ski à
son chalet lors de leur première rencontre comme pour signifier ce
soutien dont elle a besoin pour échapper à son monde mais chute en
essayant de rattraper son chapeau envolé, celui-ci exprimant encore les
peurs et réticence à vivre sa vie. Barbara Stanwyck qui lascive et
sensuelle nous faisait tourner la tête avec un bracelet à la cheville
deux ans plus tôt dans Assurance sur la mort
propose une performance brillamment inversée et tout aussi troublante,
de plus en plus féminine et sensuelle a son insu au contact de Brent (l'abandon des coiffures stricts pour ses cheveux lâché la mettant en valeur n'intervenant qu'a partir de leur rencontre).
Il faut la voir ici reculer pour mieux sauter face aux
assauts de George Brent dont une scène où l'émoi se dispute à la gêne
quand il la caresse longuement tandis qu'elle est recroquevillée sur son
canapé dans la solitude d'une chambre d'hôtel. Audacieux titillement du
Code Hays d'autant que même si cela reste sous-jacent on devine dans la
dernière partie une Jessica libérée prête à coucher avec son amant hors
de la sacro sainte institution du mariage.
Il est également question d'opposition de classe dans cette échappée,
George Brent avec ses manières rudes et son franc parlé n'ayant rien à
voir avec cette bourgeoisie provinciale hypocrite. C'est là que réside
les réticences des "amies" de Jessica et de sa mère qui par contre ne
voit aucun mal à voir l'héroïne refaire sa vie avec l'ancien comptable
de son époux, guindé, coincé et copie conforme des hommes de leur
sphère. A nouveau on retrouve en moins extrêmes les conflits qui seront
au cœur de Tout ce que le ciel permet
lorsque Jane Wyman sera poussé dans les bras d'un croulant à la
sexualité moins agressive que le charpenté Rock Hudson. Dernier point
commun, le poids de la rumeur qui atteint les enfants et éveille leur
intolérance en les montrant incapables d'accepter de voir leur mère
refaire sa vie.
Le constat est moins désespéré ici par la jeunesse des
enfants, rendant leur réaction compréhensible (à l'opposé des jeunes
adultes détestable qu'on verra chez Sirk) et donnera l'occasion à
Barbara Stanwick de se montrer à nouveau bouleversante dans une scène de
confession impudique magnifique. Globalement Sirk tire constamment son
propos vers la tragédie et l'amertume sous la flamboyance des images
quand dans son film précurseur Bernhardt maintien constamment une lueur
d'espoir à l'image de la belle conclusion. Un grand et beau mélodrame
hollywoodien et un des plus beaux rôles de la grande Barbara Stanwyck.
Sorti en dvd zone 1 chez Warner, le disque est multizone et sous-titré français
Extrait
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