mercredi 16 juillet 2014
Hurlements - The Howling, Joe Dante (1980)
Los Angeles. Karen White (Dee Wallace) est une journaliste qui se retrouve traquée par un tueur en série nommé Eddie Quist (Robert Picardo). En coopération avec la police, elle prend part à un piège pour capturer Eddie en acceptant de le rencontrer dans un cinéma porno. Alors que Quist force la journaliste à regarder une vidéo de viol, il est tué par les forces de l'ordre. Karen est traumatisée et souffre d'amnésie. Son thérapeute, le docteur George Waggner (Patrick Macnee), décide de l'envoyer avec son mari Bill (Christopher Stone) dans un centre isolé à la campagne où ses patients prennent du repos, "La Colonie".
Joe Dante avait fait sensation avec son premier film Piranhas (1978), meilleure relecture du classique de Steven Spielberg Les Dents de la mer (1975) et qui témoignait déjà du savoir-faire du réalisateur (qui fit des miracles en un mois de tournage et le budget pingre attribué par Roger Corman) mais aussi de son amour du genre à travers une tonalité référentielle qui aurait cours durant toute sa filmographie (notamment par la présence de la légendaire Barbara Steelle au casting). Avant le triomphe de Gremlins (1984) allait cependant revenir à l'horreur pure et dépoussiérer brillamment le mythe du loup-garou avec ce second film.
Hurlements adapte sur un scénario de John Sayles le roman Howling de Gary Brandner. On y suit Karen White (Dee Wallace), journaliste de Los Angeles jouant un jeu dangereux avec un tueur en série qu'elle séduit et provoque dans le cadre d'un reportage tout en étant suivie par la police. La traque va pourtant mal tourner lorsqu'elle va se retrouver seule nez à nez avec le tueur mais alors qu'il est tapi dans la pénombre l'impensable se produit en le voyant se transformer en quelque chose de sauvage et innommable qui sera abattu avant que l'on ait pu saisir sa nature.
Dès cette saisissante introduction tous les indices sont là que ce soit l'aisance et la confiance en lui du tueur en dépit de la nature "autre" que l'on devine chez lui et en parallèle les tirades du psychologue joué par Patrick McNee dépeignant la nécessité de libérer la part sauvage qui sommeille en nous. Karen traumatisée par les évènements est envoyée en traitement dans un centre de repos isolé nommé la "Colonie" qui offrira un cadre symbolique à cette opposition entre civilisation et animalité. Une enquête en parallèle déploie de manière amusée tout le folklore associé au loup garou (balle d'argent, pleine lune et compagnie) tandis que Joe Dante amorce plus subtilement le thème dans cet environnement rural.
Ce combat humain/animal s'illustre ainsi par les mœurs citadines assez triviales de Karen et son époux (leur mesure face à l'exubérance des autochtones, l'incrédulité lorsque l'époux avouera être végétarien) confrontées à la bonhomie et l'aisance des locaux. Le désir vient ensuite s'en mêler lorsque la croqueuse d'homme Marsha (Elisabeth Brooks) cherchera à séduire l'époux de Karen, sa nature bestiale et son désir lui incitant à lui céder tandis que sa part humaine lui intime de résister et de rester fidèle.
C'est bien sûr la première qui dominera après qu'une morsure ait fait gagner l'instinct animal et c'est seulement là que Dante déploie la première transformation, le coït furieux se faisant sur fond de pleine lune et de hurlements de plaisir de ceux désormais révélés à leur nature de bête. Les maquillages de Rob Bottin ne sont qu'entraperçu pour privilégier un trucage en stop-motion des loups garous, la composition de plan avec cette effet donnant à la séquence une allure de tableau de rite ancestral.
La suite déroule une trame d'horreur plus classique à coup d'apparitions effrayante et de course-poursuite mais l'audace de Dante est constante. Contrairement au mythe du vampire où l'on peut associer une certaine dimension de noblesse et de séduction, celui du loup garou était jusque-là purement associé à une forme de malédiction, notamment dans le classique de George Waggner The Wolf Man (1941).
Les lycanthropes s'oubliaient en cédant à leur instinct sauvage et commettaient l'irréparable, en étant dominés par leur seconde nature dont leur transformation guidées le phénomène naturel de la pleine lune. C'est tout l'inverse dans Hurlements où l'état de loup garou est libérateur, le seul qui soit finalement normal pour les concernés et celui où s'épanouit le plaisir et le gout de la chair, qu'elle soit à dévorer ou s'ébattre. L'humanité (et par extension la psychanalyse comme le révélera la révélation finale) et la civilisation est une entrave à l'expression d'une animalité qui constitue le seul état qui vaille d'être vécu.
Dès lors la très spectaculaire et détaillée transformation constituant un sommet du film est autant une démonstration de force de Rob Bottin aux effets spéciaux qu'une manière d'appuyer cette thématique en déployant cette métamorphose (voulue et consciente) dans toute sa splendeur. Rob Bottin tout jeune et nouveau venu dans le milieu avait obtenu le job car son mentor Rick Baker avait dû choisir l'autre grand film de loup garou de l'époque, Le Loup garou de Londres (1981) de John Landis. Au final le film de Joe Dante serait bien meilleur et les effets de Bottin plus réussis (même si ceux de Baker restent très impressionnant), plaçant désormais les deux amis en concurrence et rivalité. Cela se fait en tout cas pour le meilleur dans Hurlements où Dante nous offre une des relectures les plus brillantes du mythe tout en en retrouvant la facette classique dans la stupéfiante scène finale où le côté maudit du lycanthrope reprend ses droits.
Sorti en dvd zone 2 français chez Studio Canal
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