Room at the Top est le film qui lance tardivement la brillante carrière de réalisateur de Jack Clayton. Ce premier film arrive alors qu'il approche la quarantaine et qu'il officie au sein du cinéma anglais depuis 25 ans ç divers postes : enfant acteur sur le film Dark Red Roses (1929), garçon de course, monteur puis assistant-réalisateur pour Alexander Korda sur Le Voleur de Bagdad (1940) ou L'Espion noir (1939). C'est durant l'après-guerre (où mobilisé il réalisera le court-métrage Naples Is a Battlefield (1944)) et au contact de John Huston dont il est le producteur (sur Moulin Rouge (1952) et Plus fort que le diable (1953) que le désir de réaliser le prend à son tour. Cela se concrétisera d'abord par le court-métrage The Bespoke Overcoat où il adapte de la nouvelle de Nicolas Gogol Le Manteau dont l'action est transposée dans un entrepôt de vêtements de l’East End de Londres. Ce galop d'essai est salué et obtiendra de nombreuses récompenses, lui permettant de réaliser Les Chemins de la haute ville adapté d'un roman de John Braine paru en 1957.
La séquence d'ouverture nous présentant le héros Joe Lampton (Laurence Harvey) nous induit au départ en erreur sur le personnage. D'abord sans visage, alangui sur sa banquette de train et faisant des ronds de fumée, Joe dévoile une figure carnassière et conquérante dès ses premiers pas dans cette ville où il espère bien s'élever. Son ambition le guide naturellement vers ce qui brille à savoir Susan Brown (Heather Sears), fille de l'homme le plus riche de la ville. Ces tentatives de séductions infructueuses, les humiliations lui rappelant insidieusement son milieu modeste et son inculture vont pourtant révéler un être vulnérable et manquant d'assurance sous ces beaux airs. Quand l'inexpérience de certains se traduit par une certaine naïveté, celle de Joe se dévoilera par sa superficialité et son envie des classes aisées. L'expression de ses sentiments pour Susan ne s'exprime qu'en terme matériels comme lorsqu'il parle d'elle à sa tante en commençant par évoquer la fortune de son père.
Laurence Harvey est formidable, laissant peu à peu tomber son masque calculateur pour se révéler plus faillible. Hésitant entre ses ambitions, sa séduction intéressée de Susan et son amour sincère d'Alice, le personnage est autant tiraillé dans son for intérieur que par son entourage. Les deux liaisons sont immorales, l'une par sa nature adultère mais cachée et l'autre par le rapprochement de classes impensable et s'affichant à tous d'un œil négatif, prolétaires comme nantis. Simone Signoret est tout aussi touchante, amenant une retenue et une finesse bouleversante à ce personnage mesuré et passionné.
L'actrice dégage une sensibilité délicate qui contient et apaise la tension et la fureur de Laurence Harvey, jusqu'à en tirer le meilleur lorsqu'il dévoilera ses sentiments. Le rôle initialement envisagé pour Jean Simmons ou Vivien Leigh lui fut finalement confié dans cette Angleterre encore très puritaine il était difficile pour une actrice anglaise d'endosser un rôle aussi ouvertement amoral (après tout l'adultère de Brève Rencontre (1945) reste platonique) d'où la pirouette de faire du personnage une française et du choix de l'actrice.
Jack Clayton filme d'ailleurs les scènes charnelles avec une tension érotique inédites, signifiant par ses partis pris et dans l'intrigue même cette Angleterre changeante d'après-guerre (l'histoire se déroule à la fin des années 40 et certains décors portent encore les stigmates du Blitz). Le final est donc assez paradoxal puisque l'élévation sociale semble désormais possible mais se paie à un prix bien douloureux.
Les carcans passés semblent surmontés mais en y laissant une partie de son âme (emportée par la chape de plomb de cette cité industrielle grisâtre quand les rares moments lumineux auront été intime comme cette fuite en campagne) comme le montrera le mariage final aux allures d'enterrement où Joe gagne et perd tout dans le même mouvement. Un grand film qui sera un triomphe et source de multiples nominations et récompenses, notamment pour Simone Signoret Prix d'interprétation féminine du Festival de Cannes 1959 et surtout l'Oscar de la meilleure actrice faisant d'elle la première française à obtenir ce prix.
Sorti en dvd zone 2 français chez Filmedia
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